Le désordre, c est l ordre moins le pouvoir
62 pages
Français

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Le désordre, c'est l'ordre moins le pouvoir , livre ebook

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Description


LE DÉSORDRE, C'EST L'ORDRE MOINS LE POUVOIR




La musique et l'amour ne sont pas racontables.
Heureusement, d'ailleurs !


*


La femme, c'est la mer.


*


Je suis un oiseau qui chante, c'est tout.


*


Les plus belles chansons engagées sont celles qui n'en ont pas l'air.


*


Les poètes, ça boîte toujours un peu.


*


Nous sommes des robots qui mangent des épinards.


*


La révolte – comme le désespoir – est une forme supérieure de la critique.


*


Je ne suis pas un militant.
L'anarchie ne doit pas être organisée.


*


Seule compte l'émotion.


*


Le silence ne téléphone jamais.


*


Quand Dieu s'emmerde, il va au music-hall.


*


Il faudrait ouvrir la tête des enfants pour voir ce qu'ils ont dedans.


*


La vie est un grand livre écrit par un maladroit.
Mais nous, on s'en fout, on ne sait pas lire !


*


La mort n'a pas toujours tort.













Léo Ferré








Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 mars 2015
Nombre de lectures 60
EAN13 9782749132242
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture

Léo Ferré

LE DÉSORDRE,
C’EST L’ORDRE
MOINS LE POUVOIR

Mots d’amour
et autres provocations

Édition établie et présentée
par Jean-Paul Liégeois

COLLECTION CHANTS LIBRES

Direction éditoriale : Jean-Paul Liégeois

Couverture : Lætitia Queste.
Photo de couverture : © Pascal Lebrun.

© le cherche midi, 2013
23, rue du Cherche-Midi
75006 Paris

Vous pouvez consulter notre catalogue général
et l’annonce de nos prochaines parutions sur notre site :
www.cherche-midi.com

« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »

ISBN numérique : 978-2-7491-3224-2

Dans la collection « Chants libres »
dirigée par Jean-Paul Liégeois

Francis Cabrel : C’est écrit/Chansons choisies (Édition établie par Jean Bonnefon).

Georges Moustaki : Éphémère éternité/Chansons choisies (Avant-propos de Georges Brassens. Édition établie par Marc Legras).

Jacques Vassal : Léo Ferré, la voix sans maître (Avant-propos de Guy Béart).

Léo Ferré au cherche midi

Revue Poésie 1 (n° 34, juin 2003) : Spécial Léo Ferré.

Léo Ferré : Avec le temps/Coma lo temps (Édition bilingue en français et en occitan/Textes en oc : Joan Pau Verdier + CD « Verdier chante Ferré – Léo en oc »). Épuisé.

 

(Voir les livres de Léo Ferré chez d’autres éditeurs en annexes.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE DÉSORDRE, C’EST L’ORDRE MOINS LE POUVOIR

est dédié à Marie-Christine Ferré

et à ses enfants – Mathieu, Marie-Cécile

et Manuella.

J.-P.L.

 

 

 

 

 

 

Je devins un opéra fabuleux.

Arthur Rimbaud

La voix du poète,

c’est la voix endormie de chaque être humain.

Lawrence Ferlinghetti

Mal nommer les choses,

c’est ajouter au malheur du monde.

Albert Camus

Tout pouvoir corrompt.

Louise Michel

 

AVANT-PROPOS

Léo Ferré mot à mot :
amours, colères et singularité

Longtemps encore, nous aurons besoin de Léo Ferré. Des graines libertaires qu’il a semées.

Les compassés et les cons immémoriaux, les faux derches et les jocrisses, les bien-pensants et les songe-creux, les propagandistes et les marchands de soupe, les vieux nouveaux philosophes et les jeunes néo-staliniens, les conformistes estampillés et les cerveaux rasés, les passéistes et les prospectivistes, les béni-oui-oui et les négationnistes, les terroristes fondamentalistes et les ignorants intolérants, les embrigadés et les défroqués, les arrivistes et les cyniques, les guerriers de profession et les abrutis de vocation, les prophètes d’opérette et les parjures de sous-préfecture, les sanguinaires et les salonnards, les vaniteux et les ignares, les démocrates à venin et les démagogues dégoupillés, les aigres-durs et les paillassons tiédasses, les épandeurs d’illusions et les ramasseurs de bénéfices, les dealers d’idioties et les pourvoyeurs de pompes à finances, les collabos endémiques et les justiciers de la vingt-cinquième heure, tous ces « magnifiques spécimens » de l’espèce humaine – tous ! – ont en commun un logiciel autoprogrammé : ils détestent Léo Ferré.

Si, d’un siècle l’autre, ils n’ont eu, n’ont et n’auront de cesse de le vouer aux gémonies et de le dénigrer systématiquement, c’est parce que cet artiste hors norme et sa création inclassable représentent tout ce qu’ils s’acharnent à réduire en cendre : la lucidité et les rêves, la mélancolie et le désespoir, le chagrin et la fureur, la moquerie et l’autodérision, l’élégance et la connivence, le don et le partage, la fraternité et la solidarité, l’imprudence et la générosité, bref la liberté dans toutes ses déclinaisons !

Mais ce qui est réconfortant et réjouissant, c’est que Léo Ferré, sa vie durant, ne s’est jamais privé de se gausser de ces camés de la destruction, de pointer leur vacuité et qu’il leur a obstinément opposé ses idéaux pérennes et intangibles, son flambeau libertaire : « Ni Dieu ni maître ! » Quand il ne leur a pas ostensiblement tourné le dos pour aller chanter et gueuler autrement et ailleurs ! Leur infligeant ainsi la pire des injures : qu’ils crèvent dans leur bulle ! Qu’ils crèvent, puisque leur charité bien ordonnée n’est qu’un épouvantable distributeur de misère et de malheurs continus !

Et ce qui est jubilatoire, c’est que, d’une certaine façon, ils crèvent – tous ! – de leur vivant, tombant les uns après les autres dans le trou noir de l’anonymat définitif… tandis que la poésie et la musique de Léo Ferré n’en finissent plus de renaître et de s’inscrire dans la mémoire collective ! Même au plus violent de leurs offensives, les variantes et les invariables de la bêtise ne seront jamais qu’une armée morte ! Ferré, lui, même mort, restera vivant. Comme Villon ou Mozart : grâce à son œuvre.

 

Longtemps encore, nous aurons besoin de Léo Ferré. De son authenticité et de tout ce qu’elle a enfanté.

L’homme et l’artiste ne faisaient qu’un : l’être nommé Ferré et prénommé Léo était fragile et émouvant, sa production artistique était bouleversante et dérangeante. Elle le demeure, sans détournement ni retournement possibles. Embaumeurs patentés ou arrangeurs habituels, passez votre chemin : récupération impossible ! Personne, jamais, n’a pu béatifier Arthur Rimbaud. Personne ne réussira à sanctifier Léo Ferré. Trop irréductible. Thank you, Satan !

Sa sincérité a été son seul viatique. Aucune triche, aucun détour. Les mots et les notes de Léo Ferré sont nés de sa chair, des gnons qu’elle a reçus, des plaisirs qu’elle lui a offerts : solitude et blessures enfantines, découverte précoce et éblouie de la musique, chant choral initiatique, abjection des bien chers « Frères » (sic !) des écoles chrétiennes, apprentissage esseulé du piano, fréquentation d’abord non préméditée puis bientôt délibérée des poètes, sac et ressac des premières tentatives amoureuses, rencontres et passions, nuits de Paris, émotions érotiques et marines, scènes et Seine, voix épanouie et tournées épuisantes, île bretonne et château faible, paradis et enfer animalier, déchirures et rupture, révolution intime, irruption lumineuse de Marie, joli mois de mai, exil et phénix en Toscane, naissance des enfants, direction d’orchestres, cessation ou révélation d’amitiés, caresses des chiens et du soleil, cheveux blancs et chapeau noir, odeurs de raisin et d’olives, derniers concerts, fin du voyage, repos monégasque avec vue maritime… Autant de péripéties, de « faits divers », comme il disait, qui ont ravitaillé et vitaminé son œuvre-vie.

La vie en allée, l’œuvre demeure. Désormais universelle. Porteuse à jamais d’un héritage triple et prodigieux : amour, révolte et singularité. Coups de foudre, coups de gueule et coups de génie.

 

Longtemps encore, nous aurons besoin de Léo Ferré. De sa constance à conjuguer le verbe aimer.

Ferré ou l’amour fou. Aimer d’abord. Aimer avant toute autre chose. Ferré : sujet, objet et chantre de l’amour. « Je t’aime d’amour. » Il a aimé l’amour, l’a pratiqué, l’a écrit, l’a mis en musique, l’a chanté. Amour général ! Comme… grève générale ! Jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière nuit. Que n’a-t-il aimé ? Amour, chez lui, se décline au pluriel. Amours, donc : la mer et la musique, la péninsule ancestrale et sa cuisine, la famille italienne, les femmes, la poésie et les poètes, les compositeurs, la peinture, l’art et les artistes, les anars et les enfants, les animaux et la nature, les oiseaux et les arbres, les chevaux, les chiens et les chimpanzés, les hiboux et la nuit, les orchestres et les pianistes, le silence, Paris et la Bretagne, la Commune et les Communards, Beethoven et Baudelaire, Toscanini et Apollinaire, Ravel, Caussimon et Van Gogh, la folie, Verlaine et Rimbaud, Bakounine, Madeleine, Jean Cardon dit Mister Giorgina, la beauté, Gauguin, Bartók, Prévert, Villers, Catherine Sauvage et Juliette Gréco, Debussy, Guesclin, les chants de la fureur, Richter, Aragon et Elsa, Perdrigal, Audouard et Françoise, Brassens, Rembrandt, De Falla, Paul Castagnier dit Popaul, Grooteclaes, l’Espagne et mai 1968, Maurice Frot dit Macoute, Christie, la Toscane et Mathieu, Marie-Cécile et Manuella, les « frangins » Lavilliers et Verdier, Moustaki et Vigneault, Marseille, Catherine Ribeiro, Gérard Gelas et Richard Martin, le sud, le soleil, les oliviers et les chemins, les collines et le vin, les pâtes, la musique encore, la musique toujours.

Amours multiples et sincères, amours sans possession : pour Ferré, aimer, c’est donner, partager, pas accaparer. Phrases et sons d’amour pudiques ou proclamés, susurrés ou hurlés, sensés ou insensés, apaisants ou déchirants, désespérés ou prophétiques, terriens ou galactiques : elles débordent de ses textes, ils jaillissent de ses compositions ; sa voix en est l’écho sans fin.

Telle une grand-voile enceinte sous le vent, son œuvre entière est gonflée de déclarations d’amour.

 

Longtemps encore, nous aurons besoin de Léo Ferré ! De sa façon de s’insurger sans barguigner contre les horreurs de toutes sortes.

« C’est fou ce que l’homme invente pour abîmer l’homme », soulignait souvent Jacques Prévert. Léo Ferré a toujours pensé de même et réagi en conséquence. Ce constat a fait de lui un humain en colère – un révolté –, un artiste qui n’a jamais décoléré – un « immense provocateur ». Il n’a pas posé en militant, il a simplement été un vigilant. « Motus et bouche cousue », très peu pour lui ! Incapable de la boucler, toujours prompt à l’ouvrir, à dire ou à chanter vrai et fort, à gueuler « comme un chien ». Pas du genre à s’accommoder de tout, à s’incliner devant « Le difficile », à accepter l’inacceptable. « Il y a, disait-il, les hommes qui aiment… et puis les autres. » À l’adresse de ces « autres », de ces inféodés de la haine et de la soumission, il a multiplié les bras d’honneur et les invectives. Il n’a pas hésité, paroles et musique à l’appui, à nommer et dézinguer le pire : les idées « dégueulasses » enfoncées comme des clous « dans l’esprit des gens qui n’en ont pas », les comportements dégradants et les actes assassins. Et le pire du pire : le pouvoir, l’autorité, la religion, l’esclavage, l’injustice, l’intolérance, les contraintes, les humiliations, les tortures, les exterminations, les génocides, les dictatures, les diktats, les puissances en tout genre, les mensonges « démocratiques », les médias à la dévotion de tous les ordres établis, le « progrès » au service du fric, les gradés payés pour dégrader la planète, les mafias qui passent à la caisse, les famines qui engraissent les adipeux, et la mort planifiée des innocents pour achever le tableau.

Il ne s’est pas soumis, il n’a rien cédé : « Je n’ai de salut que dans le refus. » Et il a proposé ses rêves en lieu et place des massacres et des ignominies. De fait, Léo l’utopie est indissociable de Léo la colère (pendant l’Occupation, Aragon avait signé « François la colère » certains de ses poèmes, notamment Le musée Grévin). Léo le solitaire est inséparable de Léo le solidaire qui n’a pas hésité à passer du « je » au « nous » : « Nous aurons du sang/Dedans nos veines blanches/Et le plus souvent/Lundi sera dimanche. » Ou encore : « NOUS AURONS TOUT/Dans dix mille ans ! »

Si, en l’état actuel des tristes sociétés humaines, nous en sommes réduits à devoir extraire le mot « espoir » du mot « désespoir », si tout est à revoir, une seule voie est possible. Ce n’est pas celle de la résignation. C’est celle de l’imagination, via l’insoumission. Une voie fléchée par la voix de Léo Ferré.

 

Longtemps encore, nous aurons besoin de Léo Ferré ! De son audace artistique et de sa libre parole.

« Il n’est pas facile d’avoir la tête de Schubert et de ne ressembler à personne », a noté affectueusement Paul Guimard en 1961, au moment où son ami Léo commençait à connaître une certaine notoriété. Entreprise difficile sans doute, mais parfaitement réussie : n’ayant jamais cherché à être le clone de quiconque, Léo Ferré n’a été que lui-même. Ni Dieu, ni maître… ni modèle, ni disciple ! Il n’a imité personne et personne n’a pu l’imiter. Que chaque humain s’évertue seulement à devenir lui-même, qu’il respecte les particularités de l’autre et chacun pourra s’accomplir : telle a été l’éthique immuable que Ferré a définie comme étant la substance même de « l’anarchie »… et qu’il a appliquée à la lettre. C’est ainsi qu’il est devenu Ferré tout en restant Léo : un individu unique, un être singulier.

Singulier, il l’a été comme poète et comme musicien en explorant des contrées inconnues, en se libérant de toutes les habitudes et interdictions, en faisant exploser les genres et les codes. N’a-t-il pas dépassé les normes habituelles de la chanson (vers réguliers, nombre réduit de couplets, refrain) pour écrire en vers libres des textes fleuves qu’il a enregistrés ou donnés en scène en s’appuyant sur ses compositions somptueuses ? N’a-t-il pas intitulé ces inventions vertigineuses (Le chien, Il n’y a plus rien, etc.) « chansons symphoniques » et scellé ainsi les épousailles de la musique « classique » et de la « chansonnette » ? N’a-t-il pas décrété que l’on peut « tout mettre en musique, même la prose » et ne l’a-t-il pas prouvé ? N’a-t-il pas fait « descendre la poésie dans la rue » en posant des mélodies sur des bijoux de Baudelaire et d’Apollinaire, de Rutebeuf et de Caussimon, de Seghers et d’Aragon, de Verlaine et de Rimbaud ? N’est-il pas à la fois l’auteur caustique des Temps difficiles ou gouailleur de Paname et le poète sublime de La Mémoire et la mer ? N’a-t-il pas transformé La Chanson du mal-aimé en oratorio et écrit des opéras ? N’a-t-il pas dirigé en même temps, sur disque et en concert, Ravel et ses propres compositions ? N’a-t-il pas à la fois signé des mélodies sophistiquées (que n’auraient pas reniées Schubert et Debussy) et joué avec Zoo, un groupe de musique pop ? N’a-t-il pas enrichi la « langue française » de ses audaces de vocabulaire et de ses néologismes ? N’a-t-il pas été un artiste « funambulesque » marchant avec légèreté sur les fils improbables qu’il a lui-même tendus entre Villon et Rimbaud, entre Beethoven et Duparc ?

Unique, il l’a été dans sa manière de vivre aussi librement que possible et de le dire. Vivre ou survivre ? Comment être vraiment libre quand tout est contrainte autour de soi ? Peut-être est-il parvenu à « exister malgré tout » parce qu’il a su trouver des antidotes à la souffrance qui tétanise, des échappatoires au chagrin qui accable : il a composé, il a écrit. C’est dans ce double exercice qu’il a trouvé la force d’être insolent, iconoclaste, tonitruant, flamboyant, visionnaire, utopiste… tout en restant sceptique ! Il a poursuivi son « inaccessible étoile » sans illusion, en sachant que l’issue est « imbécile et fatale ». Faudrait-il en conclure que Léo Ferré ne fut qu’un énième Sisyphe ? Il n’a jamais caché que, dans l’œuvre d’Albert Camus, plutôt que Le Mythe de Sisyphe, c’est L’Homme révolté qui l’a aidé à trouver ses marques : il s’y est reconnu… S’il a pu voler des instants de liberté, s’il a pu penser, agir et s’exprimer librement, c’est parce qu’il a osé se révolter.

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