L Homme de nulle part
253 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Né d'une mère tzigane et d'un père européen, je suis un métis. Enfant , j'ai vécu cette double appartenance comme un handicap. Parvenu à l'âge adulte, j'ai cherché au contraire, à réaffirmer cette identité. Mais la tâche était rude; ma mère m'ayant imposé le silence dès que je fus en âge de comprendre. Un silence bien lourd à porter pour un petit homme, mais avait-elle vraiment le choix, moi qui étais âgé de huit ans en 1939 ? Tout le monde connaît aujourd'hui le génocide des tziganes durant la Seconde Guerre mondiale.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2005
Nombre de lectures 260
EAN13 9782336278018
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Homme de nulle part

Pierre Amiot
© L’Harmattan, 2005
9782747580977
EAN : 9782747580977
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Épilogue Chanson : La fin du voyage
A mes parents
Il y a deux parties bien distinctes dans ce livre.

Dans la première partie, j’ai reçu une véritable leçon de sociologie. Combien de personnes, en France, connaissent l’histoire des Tziganes ?

Dans la deuxième partie, le récit d’un de ces hommes courageux, méprisés souvent, affamés quelquefois mais plein d’espoir, de ressources personnelles trouvées à mesure que la nécessité les exige, m’a véritablement passionnée.

Dans notre actualité, c’est un autre aspect de cette difficulté pour soi-même, à s’intégrer (on vient de si loin !) et pour les autres qui rebutent à voir leur société traditionnelle et confortable s’agrandir de ces éléments venus d’ailleurs.

Cet ouvrage ne tombera pas dans l’oubli. Après l’acquisition de connaissances sur un peuple mal connu et souvent méconnu, le lecteur restera comme moi respectueux d’un homme engagé, vaillant et artiste qui aime la vie et la traverse avec dignité.
Lucie Aubrac
1
L’objectif essentiel de cet ouvrage est d’apporter un peu plus de clarté dans l’histoire d’un peuple qui sert de bouc émissaire au monde entier depuis plus de mille ans. Ces membres, épris de liberté, ne veulent en aucun cas être dirigés ni manipulés ; ils en paient le prix fort. Ceux qu’on appelle les “Tsiganes” ont un passé qui reste assez trouble pour la majorité des gens ; eux-mêmes ne connaissent pas exactement leurs origines. Certains érudits disent qu’ils viennent de l’Inde, ce qui est en partie vrai. D’autres disent que se sont des Afghans chassés par des envahisseurs chinois. Réfugiés en Inde, ils se seraient mélangés à des Dravidiens et à des populations blanches venues de Méditerranée Orientale depuis très longtemps. Ils auraient élu domicile dans la province du Rajasthan ; c’est aussi mon avis. Aucune recherche sur leur véritable origine n’a vraiment abouti. Par contre il nous est impossible de faire abstraction de l’invasion de cette province par une tribu chinoise, les “Kouchans.” Les mêmes qui les avaient déjà chassés d’Afghanistan. Ces derniers se seraient eux aussi mêlés aux habitants de cette région.
On peut lire dans le dictionnaire que « c’est un peuple aux origines mal connues, qui n’a jamais été ni guerrier ni pasteur et que sa langue est assez proche du sanskrit avec des termes enrichis de mots pris lors de la traversée de différents pays ». Il faut avouer que tout cela est assez compliqué.
Le commun des mortels n’a aucune raison de dissimuler ses origines. Sur le vieux continent, personne ou presque n’a jamais eu à subir de réelles vexations parce que ses ancêtres étaient nés dans un endroit ou dans un autre de la vieille Europe. Chacun peut raconter son histoire et celle de ses ascendants, tout en cachant peut-être certains détails gênants, mais sans plus.
Malheureusement nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne, surtout lorsque l’on se heurte au racisme de certaines personnes « bien intentionnées », comme dit Brassens dans sa chanson.
Les Tsiganes, tout comme les Juifs, sont des victimes du racisme, depuis la nuit des temps. Le Tsigane cherche alors à devenir invisible mais ne réussit pas toujours, loin s’en faut. Il est curieux de constater que cet état d’esprit de la part des populations du monde entier ne s’adresse essentiellement qu’à ces deux peuples.
En ce qui me concerne, j’ai dû cacher mes origines pendant plus de quarante- cinq années. Dans quelques familles tsiganes, il arrive que ce passé reste secret parce que leurs membres ont subi trop de brimades et savent ce qui va leur arriver si ce passé est étalé au grand jour. Alors nous tentons de le cacher et nous pensons qu’il va rester définitivement enterré. C’est en tout cas ce que nous croyons, mais il arrive quelquefois qu’il resurgisse brutalement dans certaines circonstances et remonte à la surface avec des effets souvent dévastateurs, terrifiants. La dernière guerre mondiale en a été l’exemple le plus frappant quand on pense au sort qu’Hitler réserva aux Tsiganes et aux Juifs.
Ce livre autobiographique est composé de faits authentiques ; des milliers d’individus se sont trouvés confrontés aux mêmes difficultés que les miennes et au bout du compte y ont laissé leur vie. La majorité des “voyageurs” ne cachaient pas leur origine mais elle avait toujours été pour eux un lourd fardeau. Certains ont essayé de cacher ce passé mais n’y sont pas toujours parvenus. Je fais partie de ceux-là. Comme le lecteur l’aura compris, il s’agit de ma propre histoire mais aussi de celle du peuple de ma mère dont je parle en première partie.
Né d’une mère tsigane et d’un père européen, je suis donc un métis. Le régime nazi avait décrété que le peuple tsigane devait disparaître, y compris les métis. J’étais donc un condamné à mort en sursis ainsi que mes frères, ma sœur et ma mère, mais cela je ne l’ai appris qu’après la guerre. Je dois dire que j’étais le seul de la famille à savoir que ma mère était une “Manouche” : elle ne s’était confiée qu’à moi et sûrement pas de gaieté de cœur. Lorsque je lui ai dit avoir découvert l’existence d’un de ses frères, vivant à la campagne, elle m’a raconté une petite partie de son histoire et de sa vie. D’autres gens mal intentionnés s’en sont chargés à sa place quarante-cinq ans plus tard. Les grands- parents de ma mère avaient émigré en Auvergne après que l’Alsace eut été rattachée à l’Allemagne après la guerre de 1870. Elle est née dans le Puy de Dôme.
Je pense qu’il serait bon d’expliquer ce qui est arrivé à ces gens depuis près de mille ans et des terribles souffrances qu’ils ont dû endurer de la part des sédentaires, uniquement parce qu’ils étaient des nomades, et que pour eux les frontières et la notion de propriété n’avaient pas de sens. Ils ont aussi trop longtemps été confondus avec les bandes de pillards qui écumaient les provinces à différentes époques.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, des soldats allemands, des officiers dont la bravoure au combat n’était plus à démontrer, furent arrêtés et envoyés dans les camps de concentration parce qu’ils avaient le malheur de ne pas être de purs aryens. Avoir des ascendants tsiganes dans l’Europe hitlérienne était synonyme de mort à court terme : la sinistre “solution finale ” préconisée par le régime nazi, englobait à la fois les Juifs et les Tsiganes. De 1941 à 1945, les persécutions les plus atroces ont été commises à l’encontre de ce peuple dont beaucoup étaient plus ou moins sédentarisés depuis longtemps. Ce scénario était prévu de longue date. Depuis longtemps les recherches avaient commencé en

Allemagne et dans l’Italie de Mussolini. Ils furent les premiers à être enfermés dans les camps de concentration en 1933 avec les opposants au régime nazi.
Déportés, torturés, gazés puis brûlés dans les fours crématoires, ils ont servi de cobayes aux médecins S.S. Le docteur Mengele et ses sbires stérilisaient les femmes d’une manière horrible ; quant à leurs enfants ils subirent des expériences médicales dignes d’un film d’épouvante. La communauté tsigane en Europe se chiffrait autour de deux millions en 1939 ; selon une étude allemande, la moitié de ses membres finirent dans les fours crématoires.
En France ceux qui étaient dans les camps de concentration y restèrent jusqu’au début de l’année 1946. Le gouvernement français semblait tenir à ce qu’ils y restent le plus longtemps possible !
Au cours des siècles même les Juifs n’ont pas eu à subir autant de mauvais traitements que les Tsiganes. Depuis près de mille ans le monde entier s’est acharné à les détruire, sans que ceux-ci sachent pourquoi on leur voulait tant de mal. Ils ne le savent toujours pas d’ailleurs. Malgré tout les fils du vent, envers et contre tous, sont toujours là, insoumis, rebelles à toute forme d’autorité ; ils sont toujours présents et redressent fièrement

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