La favela de Mangueira et ses histoires de vies en commun

Lucia Ozorio

Description

Les luttes pour la vie des habitants de cette favela de Rio forgent une puissance de vie peu commune et des arts de l'existence peu connus.La démarche de prise de paroles et de construction d'histoires de vie en commun que relate ce livre, renforce cette dynamique communautaire et l'élargit en nous la communiquant. Communication précieuse d'une puissance de vie et de dire d'une périphérie du Sud, à connaître pour contrebalancer des biopolitiques refoulantes du Nord.

Sujets

• Autobiographie
• Témoin
• Récit
• Témoignage

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 décembre 2016
• Nombre de lectures: 7
• EAN13: 9782140025273
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 5 Mo

Extrait

Lúcia Ozório

LA FAVELA DE MANGUEIRA ET SES HISTOIRES DE VIES EN COMMUN

Travailler avec les périphéries

Travailler avec les périphéries

Préface de Christophe Niewiadomski et Christine Delory  Momberger

L A FAVELA DE M ANGUEIRA ET SES HISTOIRES DE VIES EN COMMUN

© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris www.harmattan.com [e-mail] ISBN : 978-2-343-10091-3 EAN : 9782343100913

Lúcia Ozório

L A FAVELA DE M ANGUEIRA ET SES HISTOIRES DE VIES EN COMMUN

Travailler avec les périphéries

Photographies Lúcia Ozório Rafael Serra

Préface Christophe Niewiadomski et Christine Delory-Momberger

Histoire de Vie et Formation Collection dirigée par Gaston Pineau

avec la collaboration de Pierre Dominicé (Un. de Genève), Martine Lani-Bayle (Un.de Nantes), José Gonzalez Monteagudo (Un. De Séville), Catherine Schmutz-Brun (Un. De Fribourg), André Vidricaire (Un. du Québec à Montréal), Guy de Villers (Un. de Louvain-la-Neuve).

Cette collection vise à construire une nouvelle anthropologie de la formation, en s'ouvrant aux productions qui cherchent à articuler "histoire de vie" et "formation". Elle comporte deux volets correspondant aux deux versants, diurne et nocturne, du trajet anthropologique. Le voletFormations'ouvre aux chercheurs sur la formation s'inspirant des nouvelles anthropologiespour comprendrel'inédit des histoires de vie. Le voletHistoire de vie, plus narratif, reflète l'expression directe des acteurs sociaux aux prises avec la vie courante à mettre en forme et en sens. Dernières parutions

Volet :Histoire de vie

Gilles DUGAL,Aux frontières du sacré et du politique,2016. Martine LANI-BAYLE,Récits et résilience, quels liens ? Chemins de vie, 2016. Jean-Charles BONDU,STO : Sans Taire les Oubliés. Souvenirs éparpillés, 2016. Corine CHAPUT-LEBARS,Histoires de naissances. Naissances d’histoires,2016. Simone LANDRY,Autopsie d’un mariage. De l’emprise à l’échappée, 2015. Jacques SERIZEL et Armelle ROUDAIRE,Accompagner à « re-connaître » les Acquis de l’Expérience en milieu carcéral, 2015. Micheline THOMAS-DESPLEBIN,Ma maison était dehors, 2015. Jacques SERIZEL et Armelle ROUDAIRE,Éducation populaire et croisements de savoirs. L’Histoire de Vie Collective du Comité des Œuvres Sociales du Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais, 2015. Geneviève STOCK,De la rue à la lutte, 2014.

Préface

Le travail présenté par Lúcia Ozório dans cet ouvrage revêt à nos yeux une importance toute particulière. En effet, à l’occasion d’un colloque international organisé à Rio de 1 Janeiro en 2014 Christine Delory Momberger et moi-même avions eu l’occasion de visiter avec l’auteur la favela dont il est question dans les pages qui suivent. Située au Nord de Rio, Mangueira, troisième plus ancienne favela de la ville, abrite aujourd’hui plus de 40 000 personnes. Il s'agit d’un immense quartier paupérisé, situé en périphérie immédiate de la ville, se déployant sur les pentes abruptes d’une colline surplombant la cité. Pour des européens peu familiers de ces quartiers, quitter l’ambiance feutrée des amphithéâtres et des salles de réunion pour se rendre dans un lieu qui véhicule tant de préjugés n’est pas sans faire naître quelques inquiétudes. Pour autant, malgré la réputation de violence et de criminalité souvent associée à ces quartiers, les favelas, dont les habitants représentent actuellement plus d’un tiers de la population totale de la ville, participent depuis toujours à la culture spécifique de cette mégalopole. A ce titre, l’une des particularités de la favela de Mangueira est d’accueillir une célèbre école de samba fondée en 1928. L’influence manifeste de cette dernière sur le carnaval de Rio participe aujourd’hui très activement au développement de cette fête nationale devenue l’événement touristique que l’on sait. Cependant, outre cette participation emblématique au rayonnement culturel de la ville, Mangueira abrite également plusieurs associations de quartier, dont une bibliothèque communautaire, dans laquelle nous avons eu

1 VI International Congress of (Auto)biographical Research (VI CIPA). University of the State of Rio de Janeiro (UERJ). Brazil. 16-19 novembre 2014. 7

l’occasion de rencontrer quelques-uns des habitants dont l’histoire est contée dans ce livre. Le grand mérite de l’ouvrage de Lúcia Ozório est d’attirer judicieusement l’attention du lecteur sur les modalités particulières de socialisation des habitants de cette favela et sur les formes de solidarité qui s’y déploient. L’auteur, par les images et par les mots, nous donne ici un accès privilégié aux voix des minorités sociales de ces quartiers. Ainsi, photographies et récits de vie des habitants, recueillis et partagés à l’occasion de rencontres collectives, témoignent d’existences individuelles et collectives qui ne sauraient être réduites à l’image réductrice habituellement véhiculée par des médias avides de sensationnalisme, de délinquance, de trafic de stupéfiants ou de défilés d’écoles de samba. Toutefois, ce livre ne se limite pas à la compilation de témoignages visant à la déconstruction de préjugés. Il rend également compte d’une recherche participative courageuse dans laquelle l’auteur, avec finesse et persévérance, a su non seulement s’immerger durablement sur le terrain pour favoriser la mise en place d’un espace de confiance et de respect mutuel avec les habitants, mais également créer les conditions d’un échange visant à faire émerger la pluralité des traits d’appartenance qui composent cette communauté. Ainsi, plus que de chercher à dessiner les contours d’une hypothétique identité partagée des habitants, la recherche réalisée par Lúcia Ozório contribue au contraire à rendre compte de l’hétérogénéité des mondes qui composent ce tissu social pluri-référencé et dans lequel la notion de«vivre ensemble » mérite une attention particulière. Ce travail s’inspire ainsi d’une orientation de la recherche visant à éclairer le double processus d’individualisation et de socialisation auquel ne cessent de se livrer les habitants de ce quartier et qui questionne l’apport spécifique des récits biographiques de celles et ceux qui appartiennent de fait à

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des communautés jugées socialement indésirables. En ce sens, l’une de ses spécificités du travail mené par Lúcia Ozório tient au fait qu’il vient témoigner de l’inscription bio-politique des approches biographiques, relayant ainsi les recherches menées depuis plusieurs décennies dans le domaine des histoires de vie en formation et dans celui de la recherche biographique en éducation. Il n’est sans doute pas anodin de souligner que le terme « bio-politique », rapprochement de « vie » et de « pouvoir », constitue un néologisme forgé à Rio de Janeiro par Michel Foucault en 1974 à l’occasion d’une série de conférences consacrées à la médecine sociale. Le philosophe identifiait alors l’émergence d’une forme particulière d’exercice du 2 pouvoir , « le biopouvoir » , qui ne s’applique plus seulement aux territoires, mais également aux populations et à la vie des individus qui les composent. Invitons désormais le lecteur à prendre connaissance des récits présentés dans les pages qui suivent. Ces derniers attestent non seulement du soin qu’attache l’auteur à rendre compte d’une intervention qui déborde les seuls enjeux du témoignage, mais également de l’utilité sociale d’une recherche visant à permettre aux habitants de Mangueira de contourner le risque de fusion identificatoire en s’ouvrant à la diversité de leurs appartenances. Au final, ce livre montre combien l’existence des habitants peut alors être considérée comme une richesse collective débordant très largement les frontières géographiques de la favela.

Christophe Niewiadomski et Christine Delory -Momberger

2 FOUCAULT, M. Naissance de la biopolitique : Cours au collège de France 1978-1979. Paris : Seuil, 2004. 9