Mopaya
130 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Un homme retrouve, dans les éclats de sa mémoire, le Congo de son enfance, l'Angola en pleine guerre et la Suisse sous la neige. Récit d'une odyssée. Pour se réapproprier sa vie, il choisit de livrer son histoire, et de laisser quelqu'un d'autre en retrouver la clé. Récit d'une quête. "C'est étonnant de lire ma propre histoire dans des mots qui ne sont plus les miens. Cela me permet un recul inhabituel. (...) Je découvre au travers des pages de la poésie, là où je ne trouvais en moi que des plaintes. Tout semble transposé et pourtant cela reste juste". Mopaya est né de la parole de Gabriel Nganga Nseka et de la plume de Douna Loup.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2010
Nombre de lectures 265
EAN13 9782336269443
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ecrire l’Afrique
Collection dirigée par Denis Pryen

Dernières parutions
Ilunga MVIDIA, Chants de libération. Poèmes, 2010.
Anne PIETTE, La septième vague, 2010.
Mamadou SOW, Mineur, étranger, isolé. Destin d’un petit Sierra-Léonais, 2010.
Yvon NKOUKA DIENTTA, Africain : honteux et heureux de l’être, 2010.
Anne-Carole SALCES Y NEDEO, Ces années assassines, 2010.
Armand HAMOUA BAKA, La girouette, ou l’impossible mariage, 2010.
Aimé Mathurin MOUSSY, Le sorcier d’Obala, 2010.
Telemine Kiongo ING-WELDY, Rire est mon aventure, 2010.
Bernard MOULENES, Du pétrole à la solidarité. Un itinéraire africain, 2009.
Roger SIDOKPOHOU, Nuit de mémoire, 2009.
Minkot Mi Ndong, Les Tribulations d’un jeune séminariste, 2009.
Emilie EFINDA, Grands Lacs : sur les routes malgré nous !, 2009.
Chloé Aïcha BORO et Claude Nicolas LETERRIER, Paroles d’orphelines, 2009.
Alban Désiré AFENE, Essola, 2009.
Daniel GRODOS, Les perles noires de Gorée, 2009.
Ilyas Ahmed Ali, Le miroir déformant, histoires extraordinaires, 2009.
Boika TEDANGA Ipota Bembela, Le Destin d’Esisi, 2009.
Patrick-Serge BOUTSINDI, L’homme qui avait trahi Moungali, 2009.
Ludovic FALANDRY, Sawaba. Une vie volée, 2009.
Jimmy LOVE, Les Émigrants, 2009.
Mamadou Dramane TRAORE, Les soupirs du baobab, 2009.
Abdoul Goudoussi DIALLO, Un Africain en Laponie, 2009.
Simplice IBOUANGA, Au pays des tyrans, 2009.
Mopaya
Récit d’une traversée du Congo à la Suisse

Douna Loup
Gabriel Nganga Nseka
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296118294
EAN : 9782296118294
Sommaire
Ecrire l’Afrique - Collection dirigée par Denis Pryen Page de titre Page de Copyright Remerciements Dedicace Il n’est jamais plus tard que minuit On ne parle jamais bien de sa propre mère ni du ciel Ce n’est pas tout évangile, ce qu’on dit parmi la ville Les hommes d’action sont toujours des rêveurs On ne laboure pas le ciel, on ne maudit pas son père Tout futur est proche Postface biographique
Remerciements
À mon père qui, malgré son absence, est toujours resté présent. C’est ma manière de l’honorer, avant de poser un jour, là où il repose, une pierre tombale.
Je remercie les familles Geiser et Flückiger, de La Neuveville, pour leur accueil et leur accompagnement lors de mes premiers pas en Suisse.
Je remercie M. Mercier Sébastien qui, par ses encouragements à un certain moment de ma vie, a pu me redonner confiance et espoir.
Je remercie M. Dos Martires, qui est pour moi comme un père, un coach.
Il y a certaines personnes, dans le silence, qui me font encore du bien et à qui je pense fortement.
Je remercie mon épouse qui m’aide à retrouver une stabilité favorisant une certaine créativité.
Enfin, je remercie Douna qui a accepté d’être une plume, une porte-parole, une traductrice, une interprète dans la réalisation de ce projet.
Gabriel Nganga Nseka
À mes filles, Miomey et Soaniry.
Il n’est jamais plus tard que minuit
Proverbe birman

Tu n’as pas eu le temps de comprendre.
À peine le temps de faire tes adieux, pas le temps d’expliquer ce départ.
Tu es un peu triste de laisser derrière toi, ton pays, ta famille, ton emploi, tes amis, tes élèves.
Mais tu ne penses plus qu’à une chose. Te mettre à l’abri.
Dans une valise tu as pris ta radio, quelques habits, un réveil, dans l’autre tu as des cosmétiques à revendre sur place. Il faut faire fructifier tes économies de route.
On t’a dit qu’il faut du liquide pour avoir un visa et du liquide encore pour passer les frontières.
L’Angola.
Tu as un visa pour l’Angola dans un premier temps, parce que l’Europe directement ce n’est pas possible et que l’on dit que c’est plus facile depuis l’Angola.
Que sais-tu de l’Angola ?
C’est un pays en guerre, tu ne parles pas le portugais, mais tu ne vas faire qu’y passer, le plus vite possible pour rejoindre les terres espérées, l’absence de risque, la sûreté.
Enfin.
Car ici tu sens que les heures pressent.
Ce soir, dans l’aéroport tu ne te retournes pas, tu vas avec sang-froid tout droit vers l’inconnu.
Tu as 22 ans.

Luanda.
Nuit, ciel pailleté d’étoiles et autres feux.
L’avion atterrit.
Tu pénètres dans l’aéroport.
Il sent l’urine, il est sombre, il est sale, il grouille de militaires, il y en a plus que de personnes en civil.
Tu remplis ta carte de débarquement en tremblant, tu donnes l’adresse de la famille que tu dois rejoindre, tu pries pour que les militaires ne t’adressent pas la parole, tu viens de voir un jeune homme se faire arrêter par des militaires, tu ignores quel sera son sort.
Tout se passe bien pour toi, tu atteins la sortie sans anicroche, simplement un dégoût qui monte dans ta poitrine et te donne la nausée.
Après un trajet en taxi, tu arrives enfin dans le quartier populaire où tu seras hébergé. La famille t’accueille et tu vas te coucher dans la chambre du fils aîné.

Luanda.
La guerre résonne aux fenêtres tous les matins.
Comme une insulte.
Elle emplit les petites ruelles sombres du Bairo Rocha Pinto. Elle glisse le long des côtes abruptes. Elle plisse les yeux des hommes. Déchire les vêtements des enfants. Fatigue la démarche des femmes.
Il y a des patrouilles de police tous les jours. Elles tournent de quartier en quartier dans leurs voitures bleu ciel, les enfants les appellent « azulinos ». C’est le signal. Dans le Bairo Rocha Pinto, les policiers coupent le moteur dans les ruelles en pente pour glisser en silence et surprendre les jeunes restés dehors. C’est le recrutement forcé.
Les enfants crient « azulino », tout le monde est averti et les jeunes tentent de se cacher.
Toi tu dois disparaître.
Un Zaïrois qui ne parle pas le portugais, c’est un ennemi des Angolais.
Un Zaïrois qui ne parle pas le portugais c’est un membre de l’UNITA, l’opposition armée soutenue par le Zaïre.
Un Zaïrois qui ne parle pas le portugais c’est un bon prisonnier politique, ou s’il est jeune, un futur recruté de force qui servira de bouclier humain.
Un Zaïrois qui ne parle pas le portugais ne doit pas se pencher aux fenêtres quand passent les « azulinos ».
Un Zaïrois qui ne parle pas le portugais doit disparaître.
Tu ne savais pas que la guerre, ici, c’était ça. Que la guerre, ici, c’était devenu la vie. Que la guerre ça rongeait tout.

1
La route serpente entre les arbres. Il faut être attentif, chaque virage serre la voiture contre la paroi ou le vide. Mon habitude parfaite de cette route veut prendre le contrôle, je me débats pour regarder avec surprise les mouvements souples de la trame de béton. Les événements de la journée, les discussions, les odeurs, les regards des patients, me laissent seul, peu à peu.
Ils glissent de ma peau comme l’on fait tomber, un à un, ses vêtements avant de prendre une douche.
Comme chaque soir, à mi-parcours je me retrouve seul, ma journée de travail se pose au fond de la voiture, avec un air de vieux costume et je me retrouve seul.
Cette solitude ne dure pas, elle laisse place à l’attente familière de ma fatigue. Une fatigue que je connais bien.
Une fatigue que personne ne lit sur mon visage.
Une fatigue qui ne dit rien, elle tient ma main pendant toute la soirée comme une vieille mère. Puis, après le repas, assis dans mon salon vide, une fois tous les bruits de la maison atténués par la soudaine blancheur de la nuit, enfin relâché, je ferme les yeux et me reviennent inévitablement les images d’un passé qui semble à présent mener une vie autonome et lointaine dans une part de ma tête.
Luanda.
Seconde nuit noire à Luanda. Tu es dans la chambre avec le fils aîné qui te parle de la situation du pays. De ce pays où tu viens d’arriver mais qu’il te faut également quitter. Tu as compris qu’ici tu ne peux vivre que terré, sur le qui-vive. Il te faut au plus vite faire ce faux passeport angolais qui te permettra d’obtenir un vrai visa pour tu ne sais quelles contrées d’outre-guerre.
« Azulino ! Azulino ! »
Des pas dans la rue. Une porte de voiture qui claque. Tu te caches sous le lit, le garçon éteint tout. Ils viennent. Ils sont dans la salle à manger et parlent avec les parents. Ils viennent dans la chambre. Regardent partout ; le garçon leur dit qu’il n’y a personne. Personne. Ils s’en vont.
Puis l’un deux fait soudain demi-tour, entre à nouveau dans la chambre et se penche pour voir sous le lit.
Ils te sortent de là.
Un fusil sur la tempe.
Ça crie en portugais et tu ne comprends rien.
Le garçon crie, explique, s’agite, les policiers s’énervent, le fu

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