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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 octobre 2011 |
Nombre de lectures | 24 |
EAN13 | 9782296471368 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Pierre Deloger
(1890-1985)
De la boulange à l’opéra
Graveurs de mémoire
Jean-Philippe GOUDET, Les sentes de l’espoir. Une famille auvergnate durant la Seconde Guerre mondiale , 2011.
Armand BENACERRAF, Trois passeports pour un seul homme, Itinéraire d’un cardiologue , 2011.
Vincent JEANTET, Je suis mort un mardi , 2011.
Pierre PELOU, L’arbre et le paysage. L’itinéraire d’un postier rouergat (1907-1981), 2011.
François DENIS et Michèle DENIS-DELCEY, Les Araignées Rouges, Un agronome en Ethiopie (1965-1975), 2011.
Djalil et Marie HAKEM, Le Livre de Djalil, 2011.
Chantal MEYER, La Chrétienne en terre d’Islam, 2011.
Danielle BARCELO-GUEZ, Racines tunisiennes, 2011.
Paul SECHTER, En 1936 j’avais quinze ans, 2011.
Roland BAUCHOT, Mémoires d’un biologiste. De la rue des Ecoles à la rue d’Ulm, 2011.
Eric de ROSNY, L’Afrique, sur le vif. Récits et péripéties, 2011.
Eliane LIRAUD, L’aventure guinéenne, 2011.
Louis GIVELET, L’Écolo, le pollueur et le paysan, 2011.
Yves JEGOUZO, Madeleine dite Betty, déportée résistante à Auschwitz-Birkenau, 2011.
Lucien LEYSSIEUX, Parcours d’un Français libre ou le récit d’un sauvageon des montagnes du Dauphiné, combattant sur le front tunisien avec les Forces françaises libres en 1943, 2011.
Sylvie TEPER, Un autre monde, 2011.
Nathalie MASSOU FONTENEL, Abdenour SI HADJ MOHAND, Tinfouchy (Algérie 1958-1960), Lucien Fontenel, un Français torturé par les Français, 2011.
André ROBINET, Larzac-Millau-Grands Causses, Elevage et partage des savoirs, 2011.
Dmoh BACHA, Palestro Lakhdaria, Réflexions sur des souvenirs d’enfance pendant la guerre d’Algérie, 2011.
Robert PINAUD, Dans la gueule du loup, 2011.
Claude Milon
Pierre Deloger
(1890-1985)
De la boulange à l’opéra
Gratitude à Colette Milon pour la 4 e de couverture.
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56168-7
EAN : 9782296561687
Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
à Simone M-B
Silhouette du personnage
Quand Pinkerton, l’officier de la marine américaine, interroge Goro, l’entremetteur nippon, sur l’architecture de la maison de papier qu’il vient d’acheter pour 199 ans, le Japonais répond « là ! » chanté sur la note « sol » d’ailleurs. (Un rire discret de l’assistance souligne ce léger trait d’humour). Oui. Le mot « là » se chante sur la note musicale « sol » ! Ce « là » fait partie des facéties de librettistes traducteurs-adaptateurs français, des librettistes originaux, du compositeur peut-être ? « La » sur un « sol » ou là sur le sol. Le sol se déguise et se monte du col ! Ce genre de fantaisie, la plupart du temps involontaire et ignorée des auteurs, se rencontre souvent au théâtre lyrique !
Là, indiquant la salle, dehors, sur la terrasse, en plein air. Bien sûr. Quel idiot ce grand dadais d’amerlo ! Il ne comprend rien à rien avec ses yeux tout écarquillés et sa chevelure blonde, se dit Goro, l’Asiatique méprisant cet Américain-là et tous les étrangers d’ailleurs. Cela doit se sentir. Le spectateur doit capter ce dédain profond venu du fond des civilisations orientales. Mais l’officier de marine, lui, ne perçoit rien, ou feint de ne rien percevoir des sentiments hostiles, intérieurs, et parfaitement dissimulés de l’homme au visage jaune, mystérieux, impénétrable, inquiétant, au petit sourire figé, aux yeux bridés quasiment clos, d’où la difficulté d’interprétation de ses pensées. Tout doit venir du dedans, d’une conception agissante et secrète du personnage. Le comédien devra animer son analyse du plus profond de lui-même, en ses abysses, dans son oratoire privé où se croisent l’instinct promoteur d’intuition, l’intelligence servante du discernement et le savoir-souche issu de l’antique savoir des anciens, savoir vénéré dans le coffre hermétique de sa mémoire.
Cette méthode donnera une vraie dimension à votre Goro. Elle lui apportera une réalité authentique reflétée par touches délicates et discrètes sur son masque réputé impassible, au maquillage soigné. Elle lui conférera une existence humaine suggérée par des gestes tout menus, par une vie à peine insinuée, par une expression corporelle toute en retenue, comme repliée. La « présence » de l’acteur se nourrit de son écoute qui reste très attentive à l’autre, s’affirme, incarne complètement le personnage. Tout autre chemin ne serait qu’apparence superficielle, artificielle, sans le moteur de cette motivation intérieure. C’est tout.
Ce discours s’adressait à moi d’abord, bien sûr, mais tout le monde en profitait et restait concentré, sage comme à l’école.
Ainsi ne parlait pas Zarathoustra !
Mais simplement.
Tout simplement.
Un petit homme, vêtu d’un blouson court, serré à la taille, couleur chamois, comme n’importe quel ouvrier sortant de son usine en porte. Cet accoutrement qui s’apparentait peut-être au compagnonnage permettait une liberté de mouvements sans entrave aucune.
Ah si ! Une particularité. L’ouvrier ne porte pas en guise de cravate une lavallière à la mode des rapins de 1830. Le petit homme, lui, en portait une, bleue à gros pois blancs.
Ce petit homme se nommait Pierre Deloger.
Il soliloquait.
Sa mise-en-scène s’érigeait, prenait corps.
Il en mimait les moindres détails en récusant tout imitation potentielle. Il traçait à grands traits les portraits, l’action, la situation. Il proposait le chemin. Il se voulait indicateur, rien de plus. Il évitait tout risque d’oblitérer, si peu que ce soit, la personnalité, la nature de chacun des artistes.
Il respectait l’autre en face, l’acteur, le chanteur, le figurant.
C’était Pierre Deloger.
Il enseignait. Le verbe « enseigner » figurait souvent dans son vocabulaire courant.
Lui, enseignait. A vous d’assimiler !
Les mots ? Les mots se percutaient, se répercutaient, sonnaient, résonnaient, raisonnaient, se cognaient dans tous les sens, comme les rebonds inattendus des balles de squash marquant leur impact sur les faces de l’enclos.
Les idées ? Les idées, brosses gorgées des pigments les plus vifs, répandaient leur flot de couleurs aux entrailles mouillées du ciment frais, aux parois réceptrices de mon temple intime, y créant d’harmonieuses, de pittoresques, d’imprévisibles et inaltérables fresques géantes.
Comme il est loin ce temps, ce bon temps qui ne m’a pas quitté d’une semelle. Qui ne me quitte jamais. Le temps de l’apprenti permanent dessiné en réceptacle respectueux, avide de savoir, affamé de merveilleux, vorace de clarté.
Mais en impressionnante surimpression mon trac, énorme panique, désarroi au paroxysme, incontrôlable, et qui ne facilitait pas l’assimilation ni la réalisation de ces préceptes capitaux.
Et pourtant ce jour-là, flottait, bien au-dessus du sol, à la verticale, l’esprit du très lyrique Giacomo Puccini pour s’imprimer dans la partition du temps éternel.
Un temps plein de soleil et de lumière.
NB : les expressions et mots marqués d’une astérisque *
sont expliqués page 193
Le trèfle ourdissait sa quatrième feuille
Dans un ciel d’azur très vif, le soleil, déjà haut, répandait sa lumière dorée et son ardeur caniculaire sur ce coin de colline toulonnaise. Depuis onze heures ce matin-là, comme les autres jours d’ailleurs, j’avais traversé une bonne douzaine de fois le bout de jardin fleuri qui séparait la villa de la boîte aux lettres, petite caverne creusée dans le muret d’enceinte, à côté de la porte d’entrée. C’était l’heure du facteur. Son heure de passage rue Melchior Daniel, au quartier Sainte-Anne, juste au-dessus de la verte pinède. Là-haut, la crête du Faron, couronnée d’un clair travertin coquillé aux blanchâtres tonalités, dominait l’espace, annonçant le ruissellement prochain d’un métal chauffé à blanc et la rumeur pastorale des cigales aux cordes pincées sonnant en multitude.
Le marchand de glace à rafraîchir venait d’arrêter sa camionnette, non loin de notre domicile ce qui provoquait un rassemblement de ménagères portant leurs bassines. Et cette distribution des pains de glace à rafraîchir provoquait de joyeux conciliabules à la Pagnol.
J’épiais.
J’attendais.
J’espérais.
J’espérais, comme tous les baladins du spectacle occidental de cet après-guerre, et d’avant, et d’après, et de naguère, et de jadis, et de plus tard comme tous ceux que l’on ne nommait pas encore intermittents du spectacle et qui, h&