Une vie... Un dossier

Mihai Babeanu

Description

Dans la Roumanie communiste… Ou l’on s’en tenait à la ligne érigée par le parti, ou l’on était opposant, exclu, et paradoxalement fiché et suivi de près par la Securitate. Fils d’un homme jugé "ennemi du peuple", Mihai Babeanu a ainsi fait les frais de cet ostracisme, prenant toujours un peu plus conscience de la nature du régime dans lequel il est né. Devenu ingénieur, il décide, à l’instar de son père, de tenter l’exil à la première opportunité venue. Londres puis Rome accueilleront ainsi ce réfugié qui, s’il mesurera l’insoutenabilité de sa société natale, se confrontera aussi aux revers de l’expatriation… Un homme face aux dossiers constitués sur lui par les services de surveillance roumains: il s’agit là du point d’ancrage de l’écriture de ce récit; un parti pris qui, tout en supposant un retour vers le pays d’origine, permet aussi l’évocation du passé surmonté, des heures parfois sombres, des douloureuses conditions de vie et d’accueil… Toutefois, évitant le dramatique pour mieux développer une vision ironique de la Securitate, ce témoignage parvient aussi à cette légèreté que seule permet une certaine quiétude.

Informations

• Publié par: publibook
• Nombre de lectures: 29
• EAN13: 9782748354331
• Langue: Français

Extrait

Une vie… Un dossier

Mihai Babeanu Traduit du roumain par Françoise Babeanu Une vie… Un dossier

Publibook

Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS – France Tél. : [phone] IDDN.FR.010.0115108.000.R.P.2010.030.31500 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2010

A mes parents.

Bucarest, Lundi 6 avril 2009 1 Aujourd’hui, j’ai rendez-vous au CNSAS pour 2 consulter les dossiers établis par la Securitate aux noms de mon père et du mien. Bien entendu, connaissant la circulation effrayante de la ville, j’arrive très tôt, avant l’ouverture des bureaux. Je me promène un peu dans les environs. Le CNSAS est situé dans les anciens beaux quartiers bucarestois échappés par miracle aux démolitions des années quatre-vingt. Les rues ont conservé leur charme typique, je dirais même unique pour moi, avec les odeurs de printemps et leurs noms qui font rêver : le Labyrinthe, des Petites Filles, des Hirondelles, des Griottes, de la Soie Ecrue. Quand j’étais adolescent, je trouvais superbes les villes que je voyais sur les photos, celles avec de grands buildings et des gratte-ciel. Elles étaient pour moi l’image même du modernisme. J’apprécie maintenant ce style « vieux bucarestois », avec ses maisons aux architectures si diverses, la vigne sur les murs, les jardins. Que vais-je trouver dans ces feuillets ? 1 CNSASConseil National d’Etudes des Archives de la: « Securitate » organisme gouvernemental, créé en 1999, qui permet de consulter les dossiers que la Securitate a établis au nom du demandeur ou au nom des parents proches. 2 Securitare :LaSecuritate(« Sécurité » en roumain) officiellement : Departamentul Securităţii Statului (« Département de la Sécurité de l’État »), était la police secrète roumaine pendant l’ère communiste.

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Dans la lettre m’informant de l’existence des dossiers, il était précisé le nombre de 1800 pages. Qu’ont-ils bien pu écrire ? Mais qu’est-ce que je cherche au juste ? Durant 15 ans, des tas de gens que je ne connais pas, en général grassement payés, ont écrit sur moi sans me demander mon avis. Vais-je apprendre quelque chose que je ne savais pas avant ? En présence de ce fameux dossier, je me retrouve devant un tas de documents. L’employée me présente plus de 3000 pages, le dossier de mon père constituant la part du lion. Le mien est principalement sous forme de microfilm. Le dossier « papier » se trouve probablement à l’ambassade de Roumanie de Paris. Le premier document est daté de janvier 1948 ! Le roi er Mihai I venait à peine d’être chassé du trône qu’ils commençaient déjà à établir des dossiers ! En fait, La Sécurité d’Etat, dans la forme connue aujourd’hui, a été créée au cours de l’été 1948. Cela veut dire qu’elle a hérité des dossiers de ses prédécesseurs, de ceux de Siguranta Statului qui était le service de police du Royaume de Roumanie déjà infiltré par les communistes. J’ouvre tout d’abord le dossier de mon père, et en voyant les dates, les images et les souvenirs de mes premières années me reviennent en mémoire. Je suis né en novembre 1942 au début de la bataille de Stalingrad, et il me semble maintenant que, comme beaucoup de Roumains de cette génération, je suis arrivé dans un monde qui se transformait et où la liberté se rétrécissait à grande vitesse. Après le bouleversement des années de guerre, c’est en effet à partir de 1948 que s’est confirmée la bascule complète avec ce qui avait été la vie de nos grands parents. Mes parents ont vécu (on peut même dire survécu) à ce passage brutal d’un monde à un autre et cela, alors qu’ils

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