De l éducation des modernes
190 pages
Français

De l'éducation des modernes , livre ebook

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190 pages
Français

Description

Les tensions qui traversent actuellement le monde éducatif ne relèvent pas de causalités économiques, sociales ou institutionnelles. Elles requièrent, pour être mieux comprises, une approche relevant de la philosophie politique de l'éducation. La situation actuelle ne peut être appréciée indépendamment des idéaux démocratiques et individualistes. Cet ouvrage cherche à cerner les contours de l'expérience démocratique de l'éducation à travers les éclairages de Tocqueville, Péguy et Dewey.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 306
EAN13 9782296246195
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’EXPERIENCE DEMOCRATIQUE DE
L’EDUCATION

INTRODUCTION

1 - Penser l’éducation.

Chaque rentrée scolaire charrie son lot de livres sur et autour de
l’école.Età chaque rentrée, le découragementenvahitcelui qui
s’intéresse à ces questions,tantle nombre de publications estécrasant.
Àvrai dire, le sentimentestcelui de l’« écrivaillerie » dansun « siècle
débordé » : « L’écrivaillerie semble être quelque symptôme d’un
siècle débordé : Quand écrivîmes-noustant, depuis que nous sommes
1
entrouIl fable ? »ut, nous semble-t-il, prendre la question de
Montaigne ausérieux: la prolifération des ouvrages consacrés à l’école
illustre d’une part untravail scientifique qui améliore la connaissance
que nous avons dusystème éducatif ; mais cette même prolifération
trahiten mêmetempsun malaise,voireun désarroi à l’égard d’une
perception globale etphilosophique de l’éducation des modernes.
Jamais on n’a autantécritsur l’école, sur le système éducatif etsur ses
acteurs ; jamais on ne s’està ce pointpréoccupé dufonctionnement
des institutions scolaires etjamais, dans le même mouvement, les
missions de l’école n’ontété à ce pointincertaines, jamais letravail
philosophique sur l’éducation n’a été à ce pointdéfaillant. Etce n’est
pas l’invocationun peu vaine d’obscures « finalités de l’école » qui
peutmodifier ce constat: le discours sur lesvaleurs dissimule assez
malune difficulté moderne à formuler les contours de ce que pourrait
être « l’expérience moderne de l’éducation ». Si nous savions à peu
près clairementce qu’étaitl’expérience républicaine de l’éducation
(les écoles normales contribuaientd’ailleurs à cetravail
d’explicitation), si nous sentons confusémentqu’une expérience
démocratique de l’éducation commence à poindre àtravers les
différentes évolutions dusystème éducatif, nous sommes en revanche bien
incapables de préciser davantage les contours de cette expérience
démocratique. La littérature sur l’école esten effetmassivement une
littérature d’expertise – elle répond d’ailleurs fréquemmentà des
commandes institutionnelles directes ouindirectes – qui faitla part
belle auxsavoirs positifs sur l’école etdélaisse ounéglige ce qui
ressortità la philosophie de l’éducation. En d’autrestermes, on peut
écrire sur l’école à condition de s’inscrire dans la sociologie de
l’éducation, oudans la psychologie appliquée à l’éducation, ouencore

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à condition de privilégier les didactiques des disciplines etlestravaux
sur la formation. Ainsi, on le comprend aisément, on constate eton
déploreun recul,voireun effacementdes préoccupations
philosophiques sur l’éducation alors que, dans le mêmetemps, la demande
sociale sur ces questions se faitplus pressante. Il fautici, afin
d’éclairer cette situation paradoxale, s’arrêter rapidement, etsans
aucune intention polémique, sur la question des sciences de
e
l’éducation. La science de l’éducation fut, pouRépr la IIIublique, la
2e e
science de la République. Au tournantdes XIXetelleXX siècles,
construitavec le concours de la philosophie, des sciences sociales et
de la psychologie, avec égalementle concours des courants
pédago3
giques, letype idéal de l’éducation républicaine. Cette science de
l’éducation està l’époqueun lieude confluence,un carrefour des
disciplines sous l’égide de la philosophie, etplus précisémentsous
l’autorité des protestants libérauxqui gouvernentalors le ministère de
l’instruction publique. Tombée progressivementdans l’oubli après la
première guerre mondiale, cette science de l’éducation resurgitau
milieudes années soixante sous l’appellation nouvelle de « sciences
de l’éducation » etavecun nouveauparadigme. En effetles nouvelles
sciences de l’éducation ne recouvrentpas,tants’en faut, l’ancienne
science de l’éducation : les sciences sociales etla psychologie
dudéveloppementpuis des apprentissages s’autonomisentpar rapportà la
philosophie avantde contester son magistère. De plus letravail se
modifie égalementsurun plan plus politique dans la mesure oùles
transformations profondes de la machine scolaire rendentlestravaux
d’expertise indispensables. Si bien que lestravauxréalisés, pertinents
etintéressants, sontd’emblée orientés : idéologiquementinscrits dans
un paradigme dominé par la psychologie etles sciences sociales, il
leur fautpolitiquementcontribuer à la meilleure gestion etaupilotage
plus efficace dusystème éducatif. Nous connaissonstous ces
innombrablestravauxsur les cohortes d’élèves donton étudie patiemment
lestrajectoires scolaires ; de même, nous connaissonstous cestextes
indigestes qui mettenten avantles dispositifs d’apprentissage etde
formation ; enfin, nous connaissonstous ces revues prestigieuses qui,
sous couvertd’objectivité scientifique, récusent tout texte de nature
philosophique. Pour le dire nettement, lestravauxproposés par les
sciences de l’éducation sontdoublementobérés : d’une partils se
cantonnent trop souventà l’expertise dusystème éducatif etnégligent
trop les réflexions plus philosophiques ; d’autre partcestravaux, sous
couvertde neutralité idéologique,véhiculenten réalitéune idéologie
scolaire etpolitique qu’il serait urgentd’expliciter etd’interroger.
Pour l’essentiel, cette idéologie puise ses racines dans les années
soixante et une intéressante description généalogique en a été
proposée par Jean-Pierre Le Goff dans son ouvrageMai 68, l’héritage
im

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possible. Qu’on comprenne bien le propos : il ne s’agit pas pour nous
de dénoncer le caractère idéologique des sciences de l’éducation, un
tel procès n’aurait pas de sens puisque tout discoursvéhicule des
composantes idéologiques ; il s’agitde dire que les sciences de
l’éducation sontidéologiques etqu’elles occultentcette dimension
alors que, par exemple, la science de l’éducation revendiquaitentoute
connaissance de cause son orientation républicaine. Ce faisant, la
science de l’éducation rendaitpossible le débat tandis que les sciences
de l’éducation, par leur dénégation, rendent toute discussion
impossible. Les sciences de l’éducation, qui renoncentà interroger ce qui
néanmoins les détermine, sontprisonnières de ces engagements
militants etne contribuentpas à éclairer l’expérience démocratique de
l’éducation. Mieux: elles obscurcissentles questions aulieude les
éclairer. L’orientation idéologique des modernes n’esten aucun casun
problème dès lors que celle-ci estnettementassumée, elle ne le
devientque dans la mesure oùcette orientation massive estdissimulée,
diffuse etparfaitementinfalsifiable. En quoi consiste donc cette
idéologie scolaire etpolitique dontnous parlons ? Schématiquement, et
nous suivons ici les indications proposées par LaurentJaffro
etJean4
Baptiste Rauzy, on peutla décrire de la façon suivante :une pensée
défaillante de la démocratisation scolaire qui notammentoublie
d’articuler la justice etle mérite,une remise en cause de
latransmission aunom d’une psychologie dudéveloppementpuis des
apprentissages,une recomposition radicale de la culture scolaire etdusavoir
scolaire avecun double déplacementde la culturevers l’information
etdusavoirvers la compétence.

2 - Laphilosophie politique de
l’éducation.

Notre hypothèse centrale estla suivante : pour élucider
philosophiquementletemps qui estle nôtre, il semble nécessaire de croiser la
philosophie de l’éducation avec la philosophie politique afin
5
d’élaborerune philosophie politique de l’éducation. Nous pensons
donc que lestensions quitraversentl’école ne relèventpas
prioritairementde causalités économiques, sociales, institutionnelles
oudémographiques

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