Estime de soi et insertion des jeunes
110 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Estime de soi et insertion des jeunes , livre ebook

-

110 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Tous les ans, 150 000 jeunes sortent de l'école sans diplôme ni qualification. Certains d'entre eux vont bénéficier d'une deuxième chance en suivant une formation d'insertion professionnelle. L'auteur, formatrice sur un dispositif de ce type, raconte le quotidien de ces jeunes qui tentent, pendant les 6 mois que dure leur formation, d'acquérir l'estime de soi, les connaissances de base, les codes de vie en société, les rudiments de communication, enfin de commencer à bâtir un avenir professionnel. Un témoignage optimiste, mais sans illusion.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 157
EAN13 9782296802988
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0474€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ESTIME DE SOI ET INSERTION DES JEUNES
Les laissés-pour-compte de la cité
Annick Debanne-Lamoulen
ESTIME DE SOI ET INSERTION DES JEUNES
Les laissés-pour-compte de la cité
L’Harmattan
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-54356-0
EAN : 9782296543560
Préambule
A côté, juste à côté de nous, dans les cités de nos villes, des jeunes naissent, grandissent et se fabriquent comme ils peuvent. Ils évoluent dans un contexte qui est loin d’être favorable, compte tenu des difficultés familiales, économiques, sociales, auxquelles ils sont confrontés. De plus, le système éducatif n’étant adapté ni à ce qu’ils sont, ni à ce qu’ils vivent, un grand nombre d’entre eux sortent prématurément de l’école sans diplôme ni qualification. Ça, tout le monde le sait.
Je le savais aussi quand j’ai commencé à travailler avec eux, mais ce que j’ai découvert à leur contact m’a profondément marquée : la plupart étaient persuadés de ne pas être intelligents. Ce n’était pourtant pas le cas. J’avais devant moi de jeunes adultes souvent vifs et réactifs, pouvant se montrer créatifs, présents dans l’échange, capables d’initiative, formulant des remarques pertinentes, possédant des aptitudes indéniables dans des domaines variés. Il apparaissait clairement que la stupidité n’était pas ce qui les caractérisait. L’origine de cet auto-dénigrement n’était pas difficile à trouver : ayant été confrontés à l’échec scolaire dès leur plus jeune âge, un mécanisme de dévalorisation s’était mis en marche, inexorablement. A leur sortie de l’école, le jugement porté par eux-mêmes sur leurs propres capacités intellectuelles était désastreux.
Je ne pensais pas que les blessures de l’école pouvaient être aussi traumatisantes que celles liées au vécu familial et personnel. Sur les trois ou quatre cents jeunes qui ont intégré le dispositif d’insertion professionnelle sur lequel j’ai travaillé pendant cinq ans, seuls quatre ou cinq d’entre eux se portaient une vraie considération. Les autres, les gros durs comme les grands timides, les rebelles comme les dociles, les grandes gueules comme les timorés étaient tous atteints par le même syndrome. Réfractaires à tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à l’école et à la discipline qu’elle suppose, souvent difficiles à canaliser, à motiver, peu enclins à se concentrer, ils intégraient le dispositif d’insertion pour toucher une petite rémunération.
Dans l’équipe de formateurs ma mission était double. Pour que ces jeunes puissent avancer, il fallait qu’ils améliorent le jugement qu’ils avaient sur eux-mêmes. Il était aussi essentiel qu’ils apprennent à mieux communiquer. Cela incluait leur présentation, leur posture, l’utilisation de leur voix...
Ce livre raconte le chemin parcouru durant six mois, avec un des groupes de stagiaires dont je me suis occupée.
« Chaque personne possède un mélange unique d’intelligences, de moyens, de compréhension, à travers le langage, la logique, les mathématiques, la musique, le physique (l’usage du corps pour résoudre les problèmes ou accomplir un acte), les données spatiales, la découverte des autres et de soi-même. Chacun a également son style d’apprentissage. Certains réagiront mieux à l’information visuelle, d’autres encore auront besoin du toucher ou de l’engagement physique pour comprendre les choses. Une fois que nous avons cela bien en tête, il devient impossible d’enseigner comme si l’on s’adressait à des esprits identiques. »
Howard Gardner
Laurie
Laurie me regarde et je lis dans ses yeux un mélange de tristesse et de honte. Au vu de sa posture (elle est totalement avachie sur sa table et fixe sans arrêt son portable qui est comme vissé dans sa main), on pourrait imaginer qu’elle se fiche totalement de ne pas savoir répondre à la question que je viens de lui poser. Son malaise est perceptible, et elle finit par me lancer un “je sais pas moi, ça m’saoule” destiné à faire diversion. Je reformule ma question en y intégrant un nouvel élément qui doit lui permettre de trouver la réponse. Cette fois-ci j’ai droit à un soupir excédé. Je la mets une nouvelle fois sur la piste. Son visage s’illumine, elle est comme transformée, elle a trouvé ! Je la félicite, elle se redresse, lâche son portable et savoure visiblement mes compliments.
La contradiction entre l’attitude “rebelle” et agressive du début de l’exercice et cette joie “puérile” de l’enfant complimenté me surprend encore, après toutes ces années. La fierté qu’elle éprouve est disproportionnée, voire inappropriée puisque je lui ai quasiment soufflé la réponse.
Pourtant Laurie n’est plus une enfant, elle a vingt ans, c’est une belle fille, grande et mince, ses traits sont fins, elle plaît beaucoup aux garçons mais elle a en commun avec ses camarades de formation une très mauvaise estime de soi. Elle est entrée en formation il y a quelques jours, un peu par hasard mais surtout par désœuvrement. Déscolarisée depuis trois ans, sans diplôme ni qualification, ne sachant pas comment s’y prendre pour décrocher un boulot, la formation qu’elle vient de commencer représente pour elle une deuxième chance. Pendant six mois elle va travailler sur un projet professionnel, faire des stages en entreprise, suivre des cours de remise à niveau en français et en mathématiques, et participer au module “communication et estime de soi" que j’anime.
Pour Laurie, la vie en formation est beaucoup plus agréable finalement que celle qu’elle a menée jusqu’alors. Isolée dans sa cité, sans vie sociale, en conflit permanent avec sa mère et son beau-père qu’elle ne supporte pas, sans le moindre centime pour sortir, son activité principale consiste à traîner devant la télé. Comme elle a déménagé récemment et quitté l’école, elle n’a plus vraiment de copains dans le secteur. Grâce à la formation, elle a reconstitué une petite bande et a retrouvé le plaisir d’être en groupe, de charrier les uns ou les autres, de raconter des petits trucs de la vie à ses copines, de se marrer. Bien sûr, dans la promotion, il y en a qu’elle ne peut pas “saquer”, deux filles en particulier, Cindy et Ketty, mais elle savoure le plaisir de leur lancer des vannes de temps en temps, soutenue par son petit clan.
Cerise sur le gâteau, Laurie va toucher trois cents euros par mois et cela pendant tout un semestre. C’est la première fois de sa vie qu’elle gagne ce qui peut s’apparenter à un petit (tout petit) salaire. Elle est donc plutôt satisfaite voire soulagée d’être là, mais elle préférerait être coupée en morceaux plutôt que de l’avouer. Alors elle affiche une insolence constante, doublée d’une propension à contester systématiquement le bien-fondé des activités qu’on lui propose. Marmonnements, haussements d’épaules, propos agressifs constituent sa communication habituelle avec la plupart des formateurs.
La formation de Laurie
La formation que Laurie a intégrée existe depuis quelques années et accueille plusieurs groupes de stagiaires durant l’année. Une soixantaine de jeunes par an, la plupart issus des cités, répartis en groupes de quinze, vont participer aux différents modules de la formation afin d’améliorer leurs chances d’intégrer le marché de l’emploi. Ces futurs stagiaires partagent une caractéristique commune, celle d’avoir été en échec scolaire puisque la formation leur est particulièrement destinée. Ainsi, 50 % d’entre eux sont sortis de l’école après avoir atteint au plus la classe de troisième, un tiers ont commencé un CAP ou un BEP mais l’ont abandonné, et seulement 12 % ont un diplôme professionnel mais sont néanmoins au chômage pour des raisons diverses, la plus fréquente étant qu’ils ne veulent pas travailler dans la filière correspondante.
En principe, nos stagiaires n’ont jamais basculé dans la délinquance (même si certains sont “borderline”) mais ont tous connu des parcours difficiles. Quelques-uns ont été confrontés au pire : la maltraitance, les foyers, la rue. D’autres ont eu plus de chance mais sans toutefois connaître le réconfort d’une famille stable. Quand on les interroge sur leur parcours, on les entend souvent raconter des histoires de séparations, de conflits terribles avec leurs parents ou leurs tuteurs, de fugues, de violence, d’alcoolisme. C’est comme ça, et ils n’éprouvent pas trop de difficultés à déballer leur lot de problèmes. Ils l’ont souvent fait devant leurs éducateurs, leurs assistantes sociales, leurs conseillers. Ils savent qu’ils ont tout intérêt à exposer leur situation clairement, des dispositifs d’aides financières e

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents