Ethnographie d un parcours adolescent
215 pages
Français

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Ethnographie d'un parcours adolescent , livre ebook

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Description

L'adolescence est souvent considérée sous l'angle de tous les risques et tous les dangers. Les jeunes apparaissent comme une population dangereuse ou pour le moins inquiétante. Pascal Le Rest cherche à déchirer ce stéréotype dans un livre qui expérimente une langue traduisant les paradoxes d'un âge particulièrement complexe mais captivant. Ecrit à la première personne, ce texte nous rapproche de Franck, un jeune homme de 19 ans. A ce témoignage s'ajoute l'oeil ethnographique de l'auteur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2010
Nombre de lectures 256
EAN13 9782296250697
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ethnographie
d’un parcours adolescent
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN: 978-2-296-11336-7
EAN: 9782296113367

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Pascal Le Rest


Ethnographie
d’un parcours adolescent

Une jeunesse entre béton et bitume


L’Harmattan
ETHNOGRAPHIQUES
Collection dirigée par Pascal LE REST


Ethnographiques veut entraîner l’œil du lecteur aux couleurs de la vie, celle des quartiers et des villes, des continents et des îles, des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, des blancs et des noirs. Saisir le monde et le restituer en photographies instantanées, de façon sensible et chaude, proche et humaine, tout en préservant la qualité des références, des méthodes de traitement de l’information et des techniques d’approche est notre signe et notre ambition.


Déjà parus

Jacques HUGUENIN, La révolte des « Vieilles » : Les Panthères Grises toutes griffes dehors, 2003.
Pascal LE REST, Des Rives du sexe, 2003.
Mohamed DARDOUR, Corps et espace chez les jeunes Français Musulmans, Socioanthropologie des rapports de genre, 2008.
Bertrand ARBOGAST, Voyage initiatique d’un adolescent, 2009.
Du même auteur


La voie du karaté , une technique éducative , Chartres, Imprimerie Durand, 1997.
Le karaté de maître Kamohara , Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 1998.
Sur une voie de l’intégration des limites , Chartres, Comité Départemental de Karaté d’Eure-et-Loir, 1999.
Le Karaté, sport de combat ou art martial , Chartres, Comité Départemental de Karaté d’Eure-et-Loir, 1999.
Les jeunes, les drogues et leurs représentations , Paris, L’Harmattan, 2000.
Le karatéka et sa tribu, mythes et réalités , Paris, L’Harmattan, 2001.
Prévenir la violence , Paris, L’Harmattan, 2001.
Drogues et société, Paris, L’Harmattan, 2001.
La Prévention Spécialisée, outils, méthodes, pratiques de terrain , Paris, L’Harmattan, Collection Educateurs et Préventions, 2001.
L’attraction des drogues , Paris, L’Harmattan, Collection Educateurs et Préventions, 2002.
Le visible et l’invisible du karaté, ethnographie d’une pratique corporelle, Paris, L’Harmattan, 2002.
Paroles d’éducateurs en Prévention Spécialisée, les éducs de rue au quotidien. L’Harmattan. Paris. 2002.
Des rives du sexe , L’Harmattan, Paris, 2003.
Méthodologie et pratiques éducatives en Prévention Spécialisée , L’Harmattan, Paris, 2004.
L’errance des jeunes adultes; causes, effets, perspectives , L’Harmattan, Paris, 2006.
Le métier d’éducateur de prévention spécialisée. La Découverte. Collection Alternatives sociales. Paris. 2007.
Prévention spécialisée et évaluation , In Les défis de l’évaluation en action sociale et médico-sociale (ouvrage coordonné par B. Bouquet, M. Jaeger, I. Sainsaulieu), Dunod, Paris, 2007.
L’éducation spécialisée , Ellipses, Paris, 2008.
Les nouveaux enjeux de l’action sociale en milieu ouvert , Erès, Collection Trames , Paris, 2009.
Je bouffais de la littérature à longueur de journées. Allongé sur mon lit, la fenêtre ouverte sur le monde, je fumais des blondes en dévorant des auteurs français. Les filtres encombraient les cendriers. Dès le réveil et jusqu'au coucher, je lisais. Je n'avais d'autres ambitions que celle-là. De temps à autre, après une phrase particulièrement bien ciselée, je me levais et, tandis qu'elle ronronnait dans ma tête, je regardais le monde par la fenêtre.
Je demeurais en équilibre sur une frontière invisible. Dehors, tout paraissait tranquille. Mais, la grisaille, la puanteur et la fadeur m'explosaient au visage. Le monde n'avait pas bougé, je détournais le regard. J'avais envie de crier, de gueuler, de vomir. Je me contentais d'écraser violemment le mégot. La haine aux lèvres, les yeux fuyaient d'un point à l'autre de la chambre. Ils tombaient sur un poster des Sex-Pistols et dans ma tête résonnait God save the queen et dans mes tripes grondait leur fameux Never mind the bollocks. Une colère rutilante se levait et j'allumais une blonde. Encore une. Promenant le regard sur les murs de cette prison que je tapissais de paysages lunaires et de posters de groupes punks ou de hard rock, je me persuadais que j'avais plus à gagner à lire un putain de livre qu'à traîner ma révolte dans les rues blafardes. Je soufflais afin d'expulser ma rage et me jetais sur le lit, me renfermant pour quelques heures dans un univers fabriqué. Décidément, je trouvais plus de vie dans les livres que dans la rue. Mais, j'en voulais aux écrivains qui trichaient, qui mentaient. Ils prêtaient à leurs personnages une qualité de vie, une intensité dans les émotions, une profondeur dans les sentiments qui ne ressemblaient pas à la tristesse, au désespoir, à la misère des gens dans la rue. Leur mensonge permettait aussi de survivre, de se raccrocher à quelque chose qui avait une apparence de vie. En cela, je les louais. Et je lisais, défiant les heures. La nuit, je ne refermais pas un livre. Il m'échappait. Je luttais contre la fatigue. Les yeux me brûlaient. Ma vue se troublait. Alors je me frottais les paupières, et revenais à la lecture. J'expirais bruyamment, chassant une onde de lassitude. Le livre m'échappait dix, quinze fois. Les yeux se fermaient. La tête chavirait. A la fin, au seuil de l'hypnagogie, une main poussait l'interrupteur. Le jaune agressif de l'ampoule disparaissait. Je sombrais dans un sommeil profond. Lourd. Sans faille. Au matin, jamais une bribe, un lambeau de rêve ne me troublaient. Les nuits se passaient comme si je ne rêvais pas. J'en riais d'ailleurs. Ça en disait tellement long sur le danger qui me menaçait. Les nuits ressemblaient à un trou, à un vide. Mais dès que j'ouvrais les yeux, j'étais en pleine possession de mes moyens. J'étais dans l'être après avoir succombé au non-être. Je me levais d'un bond et ouvrais les volets. Le monde se répandait stupidement dans mes yeux. Ça m'affolait. L'exaspération me sortait de la poitrine. Je hochais la tête comme pour dire non. Je voyais si bien à travers cette fenêtre ouverte sur le monde ce qui se cachait derrière, en horreur, en tragédie, en lâcheté, en mensonge, en trahison, en exploitation, que je retournais au lit, ramassais le livre abandonné dans la poussière et me le figeais dans la tête. Je m'y replongeais, oubliant de déjeuner et basculais dans l'illusion, le refuge d'une fiction. Parfois, mon père me bousculait un peu. Il trouvait anormal que je reste toute la journée à lire. Il aurait préféré que je sois moins statique et que je l'aide à bêcher le jardin, à bricoler un truc ou à tondre l'herbe. Il ne me comprenait pas et c'était réciproque. De toute façon, je trouvais toujours un bon prétexte pour ne rien faire et pour échapper aux corvées. Elles incombaient à ma sœur. Elle écopait de ce que je refusais de faire. Je n'étais pas très fier de me défiler. Je culpabilisais. Pas longtemps. Je rejetais ce mode de fonctionnement pitoyable qui voulait qu'on s'emmerde à des conneries auxquelles personne ne nous obligeait. Je ne pouvais pas adhérer aux activités que mon père désirait me voir pratiquer. Je ne voyais rien de plus détestable que de bêcher le jardin. Mon père voulait surtout que je me bouge, que je cesse de me vautrer dans une inertie malsaine.
Il est vrai que je ne quittais ma chambre et mon lit que pour prendre les repas en famille. Encore fallait-il que ma mère crie plusieurs fois à mon intention que le repas était servi.
A contre-cœur, je me levais et tramais les pieds jusqu'à la cuisine. Les repas étaient redoutables. Ils étaient le lieu des dissensions familiales. Papa et moi arrivions toujours après le hors-d'œuvre à embrayer sur un sujet qui nous opposait. Ça pétait le feu. Il n'acceptait pas ma révolte et s'escrimait à me faire entrer dans le crâne que le monde me changerait. Or, je ne cessais d'articuler ma volonté de ne jamais jouer les règles du jeu. Il partait dans des colères monstres et balayait tous les arguments que je lui soumettais. Maman intervenait et me défendait. Je n'avais que faire de sa défense et elle ne faisait qu'armer papa qui décuplait de courroux à l'encontre de tous. Il avait le dernier mot au fromage et le dessert se déglutissait dans le mutisme absolu. Il s'avérait impossible de discuter tranquillement. Dans cette incommunicabili

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