Le virage social de l éducation
97 pages
Français

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Le virage social de l'éducation , livre ebook

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Description

L'école, durement exposée à la gravité des crises sociales de ces dernières années, a été injustement prise à partie par l'agressivité des politiques et de l'opinion. En se mettant au service de la massification, l'école change. On lui fait subir la vindicte des masses, on lui demande de réparer un tissu humain de plus en plus endommagé, on la charge des missions les plus irréalisables. Il s'agit ici de donner quelques outils d'analyse pour penser les enjeux de l'école par-delà l'angoisse sociale de notre temps.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2007
Nombre de lectures 206
EAN13 9782336264974
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’HARMATTAN, 2007
5-7, rue de l’École-Polytechnique; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan 1 @wanadoo.fr
9782296027725
EAN : 9782296027725
Le virage social de l'éducation
Essai sur la nouvelle condition enseignante

Philippe Cadiou
Sommaire
Page de Copyright Page de titre I - Éducation/nationale : deux crises côte à côte II - La destitution de l’école III - L’esthétique de l’éducation contemporaine IV - La fin de la littérature L’école de la civilisation Postface
I
Éducation/nationale : deux crises côte à côte
Éducation/nationale : deux concepts en crise dans notre temps, comme deux lignes de rupture avec l’universel, deux cassures mises bout à bout et laissées pour compte de la nouvelle donne historique. Le national d’abord. La crise nationale est liée à la perte de l’État-providence, au cri d’alarme suscité par la fin de la souveraineté des symboles d’un État fort, le deuil d’une identité fondée sur la grandeur politique de l’État français, sa culture, son rayonnement. Dans une civilisation de l’interdépendance économique des nations, la fin de l’État reste la guerre car nul État n’a renoncé à la toute-puissance. Les petites puissances économiques, c’est-à-dire les petits États, perdent de plus en plus de leur pouvoir constituant et de leur singularité. En quoi la culture d’un État peut-elle rivaliser avec la violence de l’économie mondiale ? La domination économique portée par les grandes puissances est un rouleau compresseur. Les grandes nations culturelles (comme les nations européennes) deviennent de petits États à l’échelle mondiale et se voient violemment ébranlées : ou bien elles se jettent dans la bataille à corps perdu en appliquant à leur culture cette table rase sous le nom de « réformes économiques » et en faisant allégeance aux règles de la domination du marché (à la productivité absolue) ou bien elles se cramponnent à leur culture nationale en prenant le risque de rester au bord du chemin. Le processus historique en cours invente difficilement un entre-deux, une troisième voie. Ce phénomène de la tabula rasa accompagné du déclin de la culture est ce que les philosophes connaissent sous le nom de nihilisme, c’est-à-dire la conscience progressive que l’Autre est vide, qu’il fait silence. Les grandes espérances du destin individuel et collectif s’effondrent : Dieu, la Nation, la Société et l’État en l’occurrence. Le travail de l’État - devenu de plus en plus puissance économique au service des possédants contre la puissance politique - est de réduire son champ d’action, laissant le champ social à l’abandon. Les symptômes politiques du versant de cette crise, liés à l’extension de la démocratie libérale, sont par exemple le nationalisme et le souverainisme.

Quant à l’Éducation, elle n’est plus un idéal de civilisation soutenu par les élites politiques - rattrapées par le souci exclusif de mettre à niveau la société au format du marché. Le politique ne s’occupe plus que de l’appareillement du social au marché lorsqu’il met en œuvre les conditions de l’optimum économique. Cette destruction de l’État par lui-même au nom du principe général de l’économie engendre l’idée selon laquelle la dernière mission politique de l’État est de soigner la dévastation et les ravages que l’exploitation capitaliste provoque dans la vie des hommes - exploitation qu’il encourage par ailleurs dans la recherche des politiques de croissance. L’Éducation se transforme alors en machine d’intégration et de socialisation et son but change. 1/ Elle n’est plus là exclusivement pour reproduire des élites, ni pour pousser un maximum d’individus vers les valeurs de transmission de la nation, mais pour raccommoder avant tout un lien social de plus en plus déchiré, désuni et désarticulé, un lien de plus en plus dévasté par la prédation. 2/ Le but de l’Éducation est l’adaptation au marché et à la marchandisation standard de la vie. L’éducation n’est plus porteuse d’un projet politique d’élévation de l’ensemble de la société, un projet d’émancipation qui tiendrait des Lumières. Elle n’est plus garante d’une démocratie élitiste de la connaissance étendue au niveau du peuple, mais d’un projet de massification et de socialisation des individus dans une civilisation sociale, non plus une démocratie qualitative des individus (une sorte d’aristocratie populaire ou son mythe) mais en quelque sorte une démocratie quantitative à grande échelle où l’école serait le lieu de la machine sociale avant d’être le lieu de l’élévation du peuple.

Ce qui change c’est que l’école doit à présent s’adapter aux masses et non plus les masses se laisser aspirer dans l’étau scolaire pour en ressortir par la voie élitiste. Cette mutation du rapport de l’école aux « masses » - outre le fait qu’il s’agit d’une révolution culturelle – explique la perte de symbole pour l’école elle-même, la revendication consumériste des droits des individus à l’éducation et l’instrumentalisation de l’école qui ne devient plus qu’un des leviers de la massification de la civilisation. L’école est mise au même niveau que la publicité et la communication, la société de consommation, la technique, les grands systèmes organisateurs de l’information. Devenue un simple instrument au service des masses ne peut plus avoir d’autre destin que celui de valet au service du maître. L’ancien symbole du dominateur est renversé par la vindicte du dominé.
II
La destitution de l’école
CIVILISATION SOCIALE ET CIVILISATION DES LUMIERES – La fin de la souveraineté nationale et la fin de l’éducation comme idéal politique marquent la nouvelle donne historique du problème de l’Éducation nationale. Un tournant s’opère dans notre époque, celui d’une éducation sans idéal pour une société qui commémore la fin de l’illusion politique et de la culture comme l’avènement d’un progrès : l’utopie réalisée de la fin de l’histoire. Dans le contexte d’une idéalisation républicaine élitiste, la désacralisation de l’école était ce qui devait arriver - et ce qui pouvait lui arriver de mieux. La destitution des symboles élitistes est le ressort du processus historique des sociétés démocratiques. On assiste alors au renversement démocratique de l’école par la montée en puissance des théories égalitaires en son sein. Et de fait aujourd’hui, l’Éducation nationale se transforme avant tout en machine à socialiser les masses sous l’effet du savoir social. Si « éduquer » ne consiste plus qu’à adapter l’homme aux impératifs économiques et sociaux de la technique, bien sûr on peut déplorer à présent la perte d’ambition d’un ensemble d’idéaux que la civilisation avait protégé jusqu’ici. Cet abandon est le signe d’un nouveau modèle de la civilisation - celui de la civilisation sociale - qui écrase l’ambition européenne des Lumières, celle qui faisait de l’idéal du savoir la condition de l’émancipation de l’homme et du bonheur.

QUAND LE NIHILISME S’APPLIQUE A L’ÉCOLE - Pour aller vite et pour ne pas laisser trop longtemps le lecteur dans l’indécision, nous avançons l’interprétation suivante autour du tournant actuel de l’école : de manière générale, la civilisation européenne des Lumières avec son désir du savoir est bien trop aristocratique pour la civilisation sociale. L’universalité de la civilisation vise sous le terme de la « mondialisation » la conversion des sociétés civiles en sociétés marchandes. La mondialisation de la civilisation économique n’a aucun objectif culturel fondamental. Elle entreprend la réforme de la société par l’universalisation de la technique et du droit. Elle n’est pas en elle-même responsable de l’abandon de la pensée des Lumières, mais elle considère la culture comme le résidu d’une résistance obsolète au progrès de la technique. C’est la raison pour laquelle les questions qui touchent l’école sont loin d’être de simples questions d’éducation. Elles d&#

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