La faute à Rostro
106 pages
Français

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La faute à Rostro , livre ebook

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Description

Lorsque le mur de Berlin s'effondre, en novembre 1989, Dagmar, originaire de l'ex-Allemagne de l'Est, enterre son ancienne vie et part s'installer dans le sud-ouest de la France avec Harry, un Béarnais rencontré devant la porte de Brandebourg à l'occasion du concert improvisé par l'illustre Rostropovitch.

À 17 ans, en 2007, Léo voit ses certitudes d'adolescent rebelle bousculées le jour où il découvre par hasard qu'il n'est pas celui qu'il pensait être. Dagmar, sa mère, a toujours éludé les questions qui le hantent concernant ses origines. Au point de fantasmer sur un passé qu'il décide alors d'éclaircir à tout prix…

De Pau jusqu'à Berlin, cette histoire suit le parcours initiatique et souvent rocambolesque d'un adolescent en quête d'identité.

Différents niveaux de langages se mélangent, les savoureux échanges entre Léo et son copain Valentin sur MSN ou par SMS, le journal intime que Léo décide d’écrire, et la très belle écriture de l’auteur, pleine de sensibilité, de délicatesse et d’humour.


Un roman à mettre entre toutes les mains, une très belle histoire qui nous fait parfois rire, parfois pleurer, et dans laquelle Céline Santran déploie un grand talent d’écrivain.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 juillet 2015
Nombre de lectures 210
EAN13 9791094725870
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Extrait
Chapitre 1


Valentin s’apprêtait à lâcher l’affaire lorsque Léo sursauta enfin après le troisième wizz :

- Chui là. Dsl, m’étais endormi sur le clavier.

- T mou ce soir ! c koi le pb ? Enkor ta zik ki NRV ta mère ?

C’était pas faux. S’il y avait bien une chose que Léo adorait, c’était d’entendre sa mère vociférer et tambouriner à sa porte lorsqu’il lui prenait l’envie, histoire de se vider la tête, de mettre sa musique à fond. Il fermait toujours soigneusement sa porte à clé de sorte que le mur qu’il érigeait ainsi ne faisait qu’ajouter une couche à l’exaspération sonore dont sa mère n’était d’ailleurs pas la seule à profiter. Elle abandonnait toujours le combat après une volée pathétique de poings rageurs sur la porte close.

- Nan nan, t’y es pas du tout. C open space ce soir, ma mère a réussi à traîner mon père à 1 opérette.

-  ???


- Ouais, tu l’as dit ! Lui ka tjrs cru ke ct André Rieu kavé inventé les Valses de Vienne…

- PTR… Mais c ki ce Dédé Machin ?

- T’occupe, c un naze, un affolé du violon, ma mère adore, la honte totale koi. Nan, en fait, g mis la zik pour pas entendre le merdo-brouteur des voiz1.

Plus communément appelé sanibroyeur, le merdo-brouteur était un des cauchemars de Léo. Remarquez, il fallait admettre que les voisins du dessus n’y étaient pas pour grand-chose dans cette histoire. Le quatrième et dernier étage de l’immeuble où habitait Léo avait été rajouté, sûrement par un architecte des bois frustré des legos, plusieurs années après la construction initiale de l’édifice. Résultat : un système d’évacuation ni fait ni à faire, et des tuyaux trop petits pour supporter des toilettes normales avec une chasse d’eau comme tout le monde. La propriétaire des lieux avait fait installer un sanibroyeur dont le bruit était à l’image des économies que la radine avait voulu faire : colossal, monumental, insupportable.

- Fé leur bouffé du riz à tes voiz1. Paré k ça constipe !

- MDR. Trop drôle kan tu t’y mets ! Bon, il est tard, J vé. À 2M1.

- Vi c vrai, j’avais po vu l’heure. A2M1. ++

- ++

Léo éteignit sa chaîne hi-fi. Finalement, il n’avait pas vraiment envie d’aller se coucher. Un énième broutement de l’engin maudit du quatrième vint rugir au-dessus de sa tête. Quinze secondes qui suffisaient à mettre en branle la machine infernale qui contrôlait ses nerfs. Tout son corps se raidit. Il regarda l’écran de son ordinateur encore allumé, et se laissa soudain gagner par une sorte d’évidence, l’urgence de déverser là, maintenant, le magma informe qu’il sentait mariner jusque dans son estomac comme un repas mal digéré. C’était ça ou aller dézinguer le merdo-brouteur et tout ce qu’il y avait autour.

Léo se remit à son clavier et commença à écrire :

Vendredi 19 octobre 2007


Ceci est mon testament. Non pas que j’aie grand-chose à léguer. À dix-sept ans, tout ce que j’ai réussi à accumuler atteint des sommets au patrimoine du néant, et c’est pas ma collection des Inrocks ou mon synthé Bontempi qui vont faire de moi un illustre légateur. J’écris ces lignes pour vider ma tête de toute cette boue qui poisse mes neurones et me donne constamment envie de hurler, hurler jusqu’à ne plus rien ressentir.

Je m’appelle Léo, enfin, mon vrai nom c’est Léopold, celui qui me vaut chaque année à la rentrée mon quart d’heure de gloire à l’académie des baltringues. Remarquez, j’aurais pu être encore plus verni que ça, si mes parents avaient poussé leur délire de soixante-huitards attardés jusqu’au bout en m’appelant Mstislav. Et pas la peine de postillonner comme si vous aviez un barbelé dentaire à triple rangée, mes parents s’y sont déjà cassé les dents, pour finalement renoncer. Mstislav Leopoldovitch Rostropovitch. Celui-là, je suis pas près de l’oublier. Comme je suis plutôt du genre athée tendance blasphématoire, je me dis qu’au moins, il ne risque pas de se retourner dans sa tombe à entendre les noms d’oiseaux dont je le gratifie chaque jour, chaque seconde que je passe à ruminer ma colère. C’est pas ma faute si je suis né. D’ailleurs, pour les amateurs de linguistique et d’analyse grammaticale aussi pompeuse que soporifique, je vous ferai remarquer que le syntagme « je suis né » – pour ajouter de la crédibilité à mon propos, je vous signale que j’ai perdu trois plombes avant de trouver ce mot barbare dans un bouquin poussiéreux de la bibliothèque de mes parents – renferme un sens passif qui prouve que j’ai subi ma naissance avec autant d’impuissance que vous qui êtes en train de subir cette phrase sans fin et qui m’épuise. Deux secondes, je reprends mon souffle. C’est fatigant d’écrire. Mais c’est décidé, j’irai jusqu’au bout.
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