Les Cadoles (pulp gay)
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Les Cadoles (pulp gay) , livre ebook

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Description

Les Cadoles

AbiGaël



Pulp de 156 000 caractères


Dans l’Aube, les huttes de pierre sèches séculaires des vignerons sont progressivement restaurées. Roland, un parisien enfant du pays revient s’y promener de temps à autre. Sa rencontre avec un vigneron restaurateur bénévole marquera sa vie à jamais.

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Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 octobre 2012
Nombre de lectures 68
EAN13 9782363074706
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Cadoles
(156 000 caractères)
AbiGaël
Lepiège
Je me précipitais brutalement dans la cadole en pestant contre cet orage aussi violent que soudain, qui m’obligeait à interrompre mon jogging pendant un bon moment. J’étais déjà presque trempé. Bien heureux de la trouver là, cette cadole qui tombait à point nommé. Mon corps était déjà rentré sous l’abri de pierres sèches, ma tête toujours tournée vers l’arrière regardait encore par l’ouverture les zébrures de pluie dues aux bourrasques de vent. Le temps de pivoter le cou, et me voilà en face de… deux yeux ! Deux grands yeux bruns, qui me fixent avec étonnement, à quarante centimètres des miens. Mouvement de recul ! Surprise totale de trouver le petit local occupé.
— Heuh… Ahh ! Pardon… Excusez-mon… intrusion brutale. Je ne vous avais pas vu entrer !
— Y’a pas de mal. La cadole est assez grande pour qu’on y tienne à deux.
Mon embarras est aussi grand que ma surprise. Certes, les cadoles sont faites pour cela. Ou du moins, elles furent construites pour cela au cours des siècles passés. Dans ces temps lointains, les vignerons ne disposaient pas sur leurs parcelles de cabanons en semi-dur, destinés à abriter aussi bien leurs outils qu’eux-mêmes en cas de besoin. Aussi utilisèrent-ils les pierres plates trouvées sur place pour construire ces petits abris, souvent à la lisière des bois. Dans les pays méditerranéens, où l’on en trouve aussi, on les appelle « loges » ou « bories ».
Je me trouve là devant cet homme, comme un con et bien embarrassé, sans savoir quoi dire ni quoi faire. Il est debout, la main sous la ceinture, un pied relevé nonchalamment contre la paroi. Il affiche la quarantaine sportive et rugueuse des agriculteurs qui passent leur vie dehors. Ses joues sont bleues de barbe, sa moustache en bataille affiche ses premiers poils blancs, comme sa chevelure en désordre. C’est un taiseux. Un malaise certain s’installe, alors qu’il me détaille de la tête aux pieds, d’un regard insistant.
— Fichu temps, non ? Je ne trouve que cela à dire, et je me sens un peu bête.
— Normal. On est en Mars.
— Vous venez souvent ici ?
— Ce n’est pas ma salle de bal préférée, mais…
Là, je me sens vraiment stupide, et surtout vexé qu’il me fasse comprendre le peu d’intérêt de ma question. Je tente de me racheter et bafouille :
— C’est vrai qu’elles sont faites pour ça, ces cadoles. Beau boulot, hein ? Savaient travailler les anciens, autrefois…
Pas de réponse. Un taiseux, je vous dis. Je me sens obligé, pour les convenances, de
poursuivre un semblant de conversation pendant que l’orage se déchaîne à l’extérieur, et je tente un trait d’humour :
— Au moins dans ces cas-là, à l’époque, ils devaient avoir le kil de rouge sous la main pour passer le temps, je suppose.
Les grands yeux bruns me regardent d’un air étonné, comme si je venais de dire une grosse connerie. Mais, à ma surprise, il se tourne vers le mur, derrière lui, où une grosse pierre carrée fichée au sein de l’appareillage de pierres sèches saute aux yeux à mi-hauteur. Il sort un couteau Laguiole de sa poche, ouvre une lame et l’engage sur le bord supérieur de la pierre pour la faire basculer :
— Là, effectivement.
Je ne m’y attendais pas : un vieux carafon vide, en verre rustique, converse silencieusement avec un gobelet hors d’âge, maculés tous deux de bave de limace sèche et de toiles d’araignées. Ils reposent sur un lit d’herbes aujourd’hui tombées en poussière, qui servait probablement à garder le vin au frais. Le fond du flacon est encore couronné d’un dépôt violacé, reste de vin aujourd’hui complètement sec. C’est rigolo.
Pour masquer ma surprise, je continue sur le même ton :
— Je vous offre un verre ? C’est du vieux !
— Ça, pour être vieux, il est vieux ! Je l’ai découvert il y a plus de vingt ans… fait partie du mur, maintenant.
Il remet scrupuleusement la pierre en place, la martelant avec son poing fermé pour qu’elle rentre dans le trou et reprenne l’alignement. Ni vu, ni connu ! Je m’étonne tout de même, plus pour le flatter que par réel intérêt.
— Ben fallait le savoir ! Z’êtes malin, vous… En tout cas très observateur !
— C’est mon boulot. J’entretiens.
— Vous entretenez quoi ? L’improbable personnage commence à piquer ma curiosité.
Il soupire lourdement, comme si j’étais le dernier des crétins, qui ne comprend rien à rien.
— Ben les cadoles, pardi !
— Ah bon ? C’est la mairie qui vous charge de ça ?
— Mais non ! Savent à peine qu’elles existent. C’est la tradition. Celle là, c’est mon arrière arrière-grand-père qui l’a montée de ses mains, au-dessus de ses vignes. Ce verre-là a du heurter aussi les chicots de mon grand-père et p’t’être aussi ceux du paternel s’il est venu y lutiner sa promise. J’veux pas la laisser tomber en ruine. J’remets les pierres, j’enlève les mousses et les ronces. Je vire les saloperies laissées par les touristes. Et pour les autres cadoles aussi ; je fais pareil.
— Mais il y a un parcours officiel, maintenant, non ? Un « Parcours des Cadoles » qu’ils
disent au syndicat d’initiative. C’est justement le chemin de rando sur lequel je courrais, tout à l’heure. Mais en fait, on n’en voit pas beaucoup. C’est bidon leur truc. Elles sont souvent planquées, mal signalées, peu mises en valeur, et toutes pareilles.
— Non, pas toutes !
— Mais si ! Sont toutes basses, rondes et sans charpente ; peu d’intérêt, finalement.
— ? ? ? Non ! C’est faux.
— Ça te plairait d’en voir d’autres ? Une belle ?
Il est passé au tutoiement, spontanément. Après tout, pourquoi pas. Je m’emmerde à cent sous de l’heure dans ce pays barséquanais où mes parents passent encore leurs étés par obligation. C’est le pays de la grand-mère, une figure emblématique du village, et ils ne se sont jamais résolus à vendre la bicoque dont ma mère a hérité. Les cadoles, je connais donc depuis tout petit. Mais je n’y ai jamais vraiment fait attention, tant elles font partie du paysage, même quand la commune a cherché à mettre en valeur depuis une quinzaine d’années quelques un de ses maigres attraits touristiques. Il faut dire que le village, situé sur la route de Dijon, est un trou perdu, en limite sud des terroirs de Champagne.
Je suis fils unique et, faute de passer suffisamment de temps au pays pendant l’année, je n’y ai jamais vraiment eu d’amis. Les vacances ici c’était la punition, surtout si les cousins germains n’étaient pas là, comme c’était souvent le cas en août. Il y a longtemps que les environs ont cessé de m’intéresser et que j’ai épuisé les centres d’intérêt locaux. Alors, leur « Circuit des Cadoles », je ne fais que l’emprunter ce week-end, pour le seul plaisir de courir sur un sentier facile. C’est juste histoire de me maintenir en forme avant mes prochaines vacances d’été en montagne, qui seront assurément beaucoup plus sportives. Je cours depuis le début de la matinée. Je me suis un peu éloigné de ma base. Je connais moins bien les vallons de ce bout du pays, alternance de vignes tirées au cordeau sur les flancs de coteaux et de taillis de résineux fort mal entretenus sur les plateaux. En outre, il y a eu récemment beaucoup de mouvements de terrain dans ces coteaux d’appellation Champagne, avec défrichements et modifications de pentes à grands coups de bulldozers. Aussi le paysage a-t-il beaucoup changé.
— Y’a mieux que celle-là ?
— Suis-moi ! Il ne pleut plus. Je vais te montrer la plus belle.
De fait, l’orage s’est calmé presque aussi soudainement qu’il était venu. Il tambourine maintenant au loin, au-dessus de la Seine. L’homme marche d’un bon pas. Il ne porte qu’une musette légère et sa veste défraîchie négligemment jetées sur l’épaule.
— T’es pas du coin, j’me trompe ? En ballade chez nous ?
— J’suis parisien. Mais tu connaissais sûrement ma grand-mère, madame de Fromental, de Ribey-le-haut.
— Ah ! Je vois… la vieille bigote qui chantait faux à la messe de dix heures ?
Alors que je devrais me vexer, je ris, tant étaient glosées les trilles dominicales stridentes
de ma grand-mère, qui faisaient pourtant le bonheur du curé.
Ouaip ! C’est bien elle, en effet. Mais ne me dis pas que t’allais à la messe, toi ! T’as rien d’une grenouille de bénitier, il me semble ? Ici, la messe, c’est seulement pour les aristos, les bourges, les mômes et les bonnes femmes, non ?
— T’as raison. Moi j’s’rais plutôt du genre grenouille d’anisette. Mais n’oublie pas que le café des Perrières est juste en face du portail de l’église. Alors, quand c’était ouvert, depuis la terrasse du rade, elle nous vrillait les tympans tout pareil, ta vieille !
Rires…
Ma pauvre grand-mère… Si elle savait ! Pourtant, je l’adorais. Mais je fuyais comme la peste les messes où elle se « produisait », tant pour éviter le chahut de mes tympans que la honte de me faire remarquer en public comme étant de son sang. Rien n’était pire que ces hypocrites compliments de sortie de messe, dont se gobergeait pourtant la malheureuse diva de presbytère. De toute façon, c’est bien lointain, tout ça. Je suis devenu totalement agnostique depuis longtemps. Je ne reviens plus au pays que pour ramasser les factures et le rare courrier ; j’en profite pour me ressourcer le week-end, au vert, de temps en temps.
En dépit de la petite dizaine d’années qui doit nous séparer, je peine à suivre mon guide tant il se montre agile et endurant. Il passe d’un fourré à l’autre, sautille par-dessus les ravines, escalade les talus comme un cabri, et n’hésite pas à s’enfoncer au milieu des couverts de broussailles. Nous avons quitté le sentier balisé depuis longtemps. Je suis en short et me déchire les jambes nues sur des ronciers perfides. Les genévriers acérés qui épargnent ses bas de pantalons griffent et fouettent mes mollets sans pitié. Les pierriers calcaires, qui invalident toute culture sur ces plateaux arides, sont omniprésents. Des éboulis de pierres sèches, laminés et feuilletés par des siècles de gel, roulent partout sous nos pieds. Où m’entraîne-t-il ? Je suis complètement perdu. Sur quelle planète ai-je atterri ? Je tente de sauter d’un petit escarpement et m’élance. Le môle rocheux sur lequel j’espérais me réceptionner explose en mille morceaux sous mon poids. Mon cul part en toboggan puis mon corps fait boule de neige. Un torrent de pierrailles instables dévale avec moi comme une avalanche, dans un fracas de fin du monde. Mon mentor stupéfait s’arrête brusquement en entendant mon hurlement, ainsi que la cascade de pierre qui dévale dans son dos : je suis dessous ! Les pierres roulent jusqu’à ses semelles.
— Merde ! Tu fais quoi ?
Je suis complètement sonné. J’ai l’impression d’avoir mal partout. Plusieurs secondes s’écoulent avant que je ne reprenne mes sens, au milieu d’un silence soudain devenu sidéral. L’homme commence par rire de ma position pitoyable, mais, ne me voyant pas bouger, il remonte un peu pour m’aider.
— Ça va ? Tu vas pouvoir te relever ?
— Ooough ! Ouille, ouille, ouille… Putain quel con !
Je trouve encore le tonus de m’insulter copieusement. J’ai les mains et les poignets en sang, sans parler des genoux et des mollets, griffés de partout. Je tente de me relever. Une douleur fulgurante me transperce la cheville gauche. Je hurle et laisse passer encore une longue minute avant de refaire une tentative. J’essaie de laisser passer la douleur, mais elle
revient, lancinante, dès que je bouge la jambe. Me voilà bien arrangé, au milieu d’une perrière inconnue, et avec un inconnu dont je ne sais même pas le nom… Quelle poisse ! Je tente un nouvel essai, en l’interpellant :
— Aide-moi, s’il te plait. Je ne connais même pas ton nom !
— Gauthier.
— Et toi ?
— Roland.
— ? ? ? Ben, qu'est-ce que t’as fait de ta Durandal, chevalier ?
Je me force à lui sourire à travers ma douleur. J’ai déjà entendu cent fois cette plaisanterie, mais le ton pince-sans-rire sur lequel il l’a proférée m’amuse. L’homme a des lettres, ce qui m’étonne un peu. J’arrive à me lever avec son aide, en grimaçant. Mais pour poser le pied par terre, bernique !
— Ouais mon pote, on est en plein moyen-âge, avec ton prénom et le mien… Mais je sens que mon entorse, elle… sera bien du vingt et unième siècle ! Et on est loin de tout, ici ; Putain, j’sais même pas où !
— Non, justement. On est quasiment arrivé. Voici la cathédrale de pierre que je voulais te montrer.
Il tend le bras vers une sorte de grand pain de sucre qui se fond sur l’horizon des pierriers, à cinquante pas d’ici. De loin, ce buron local à l’air effectivement beaucoup plus complexe que les autres. Je tente de clopiner vers lui en m’appuyant sur son épaule, après m’être dégagé de la base du pierrier.
— Wouahouuug… Aaaiillle ! Putain, j’vais pas y arriver… J’me suis fait salement mal… Bordel de merde !
Je m’arrête, en tremblant de douleur et d’inquiétude. Gauthier semble bien embêté. Il hésite un instant, puis après m’avoir soupesé du regard, il me prend dans les bras comme un enfant. Je m’abstiens de hurler, alors que mes chevilles s’entrechoquent à chacun de ses pas.
— Voici la Cathédrale. C’est la merveille des cadoles. Mais il n’y a que très peu de gens qui la connaissent, car elle est loin de tout.
Ça, pour être loin, elle est loin ! Ça fait une demi-heure qu’on a quitté le village en marchant bon train. Heureusement que personne ne m’attend, ce soir. Je surmonte mes appréhensions de l’avenir immédiat pour m’intéresser à ce logis provisoire. Il est vrai que cette cadole est magnifique. Elle est constituée de trois parties accolées, deux chambres communicantes entre elles et une beaucoup plus petite. Du dehors, elle ressemble à certaines chapelles grecques, toutes en rotondités byzantines successives. La première, formant l’entrée, est haute de six à sept mètres, sa forme en pain de sucre peut aussi évoquer un clocher ou un campanile. La deuxième est une demi-sphère presque parfaite d’environ trois à quatre mètres de diamètre. La grande pierre sommitale du dôme qui bloque tout l’appareillage est admirablement percée d’un beau trou bien rond, manifestement prévu pour laisser sortir la fumée. À l’opposé du
« clocher », une sorte de petit four à pain forme une troisième alvéole plus petite. Il doit servir pour le chauffage, mais aussi de four ou de garde-manger. Je frissonne dans ce buron glacial, et, comme s’il lisait dans mes pensées, Gauthier annonce qu’il part chercher du bois.
Au sol, de la paille, ou plutôt des herbes sèches. À défaut d’être au chaud, je ne serais pas trop sur la dure en espérant un éventuel secours. J’enlève ma godasse avec difficulté : ma cheville gonfle rapidement. Je risque de ne pas pouvoir la remettre de sitôt. Je contemple mes autres plaies avec perplexité : Pas d’eau pour nettoyer, même pas une goutte d’alcool pour désinfecter…
Saute la brèche ? Vlan… Dans la dèche !
Voilà Roland très mécontent.
Descente en flèche ! N’a plus la pêche…
Gauthier le prend comme un enfant,
… Contre son torse, car son entorse,
Le laisse sans force. Là ça se corse !
Le bec dans l’eau, groggy, KO…
Roland : Zéro… Gauthier : Zorro !
Putain d’cadole, cavernicole,
Ce piège de pierre rudimentaire
M’enserre, misère ! Cloué par terre,
Sans eau… au sol, et sans ma grolle !
Messire Gauthier, preux chevalier,
De son blessé va s’occuper.
Il va chambrer l’intimité,
Il va chauffer… leur amitié !
En attendant mon guide qui se donne des airs de Pygmalion, je m’égare dans une rêverie maussade. De multiples questions se bousculent sous mon crâne tempétueux. Comment vais-je sortir d’ici ? Qui vais-je prévenir ? Comment vais-je faire pour rentrer...
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