Du Vrai, du Beau et du Bien
184 pages
Français

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Du Vrai, du Beau et du Bien , livre ebook

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Extrait : "Il semble assez naturel qu'un siècle à ses débuts emprunte sa philosophie au siècle qui le précède. Mais, comme êtres intelligents et libres, nous ne sommes pas nés pour continuer seulement nos devanciers, mais pour accroître leur œuvres et pour faire aussi la nôtre. Nous ne pouvons accepter leur héritage que sous bénéfice d'inventaire."

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Nombre de lectures 21
EAN13 9782335035025
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335035025

 
©Ligaran 2015

Leçons sur le vrai, le beau et le bien

DISCOURS PRONONCÉ À L’OUVERTURE DU COURS, LE 4 DÉCEMBRE 1817.
DE LA PHILOSOPHIE AU XIX e SIÈCLE.

Esprit et principes généraux du cours. – Objet des leçons de cette année : application des principes exposés aux trois problèmes du vrai, du beau et du bien.
Il semble assez naturel qu’un siècle à ses débuts emprunte sa philosophie au siècle qui le précède. Mais, comme êtres intelligents et libres, nous ne sommes pas nés pour continuer seulement nos devanciers, mais pour accroître leur œuvre et pour faire aussi la nôtre. Nous ne pouvons accepter leur héritage que sous bénéfice d’inventaire. Notre premier devoir est donc de nous rendre compte de la philosophie du XVIII e  siècle, de reconnaître son caractère et ses principes, les problèmes qu’elle agitait et les solutions qu’elle en a données, de discerner enfin ce qu’elle nous transmet de vrai et de fécond, et ce qu’elle laisse aussi de stérile et de faux, pour embrasser l’un et rejeter l’autre d’un choix réfléchi. Placés à l’entrée de temps nouveaux, sachons avant tout dans quelles voies nous nous voulons engager. Pourquoi, d’ailleurs, ne le dirions-nous pas ? Après deux années d’un enseignement où le professeur se cherchait en quelque sorte lui-même, on a bien le droit de lui demander quel il est, quels sont ses principes les plus généraux sur toutes les parties essentielles de la science philosophique, quel drapeau enfin, au milieu de partis qui se combattent si violemment, il vous propose de suivre, jeunes gens qui fréquentez cet auditoire, et qui êtes appelés à partager la destinée si incertaine encore et si obscure du XIX e  siècle.

Ce n’est pas le patriotisme, c’est le sentiment profond de la vérité et de la justice qui nous fait placer toute la philosophie aujourd’hui répandue dans le monde sous l’invocation du nom de Descartes. Oui, la philosophie moderne tout entière est l’œuvre de ce grand homme : car elle lui doit l’esprit qui l’anime et la méthode qui fait sa puissance.
Après la chute de la scolastique et les déchirements douloureux de XVI e  siècle, le premier objet que se proposa le bon sens hardi de Descartes fut de rendre la philosophie une science humaine, comme l’astronomie, la physiologie, la médecine, soumise aux mêmes incertitudes et aux mêmes égarements, mais capable aussi des mêmes progrès.
Descartes rencontra devant lui le scepticisme répandu de tous côtés à la suite de tant de révolutions, des hypothèses ambitieuses, nées du premier usage d’une liberté mal réglée, et les vieilles formules échappées à la ruine de la scolastique. Dans sa passion courageuse de la vérité, il résolut de rejeter, provisoirement au moins, toutes les idées qu’il avait reçues jusque-là sans les contrôler, bien décidé à ne plus admettre que celles qui, après un sérieux examen, lui paraîtraient évidentes. Mais il s’aperçut qu’il y avait une chose qu’il ne pouvait rejeter, même provisoirement, dans son doute universel : cette chose était l’existence même de son doute, c’est-à-dire de sa pensée ; car quand même tout le reste ne serait qu’illusion, ce fait, qu’il pensait, ne pouvait pas être une illusion. Descartes s’arrêta donc à ce fait, d’une évidence irrésistible, comme à la première vérité qu’il pouvait accepter sans crainte. Reconnaissant en même temps que la pensée est le nécessaire instrument de toutes les recherches qu’il pouvait jamais se proposer, ainsi que celui du genre humain dans l’acquisition de ses connaissances naturelles, il s’attacha à l’étude régulière, à l’analyse de la pensée comme à la condition de toute philosophie légitime, et sur ce solide fondement il éleva une doctrine d’un caractère à la fois certain et vivant, capable de résister au scepticisme, exempte d’hypothèses, et affranchie des formules de l’école.
C’est ainsi que l’analyse de la pensée, et de l’esprit qui en est le sujet, c’est-à-dire la psychologie, est devenue le point de départ, le principe le plus général, la grande méthode de la philosophie moderne.
Toutefois, il faut bien l’avouer, la philosophie n’a pas entièrement perdu et elle reprend encore quelquefois, après Descartes et dans Descartes même, ses anciennes habitudes. Il appartient rarement au même homme d’ouvrir et de parcourir la carrière, et d’ordinaire l’inventeur succombe sous le poids de sa propre invention. Ainsi Descartes, après avoir si bien posé le point de départ de toute recherche philosophique, oublie plus d’une fois l’analyse et revient, au moins dans la forme, à l’ancienne philosophie. La vraie méthode s’efface bien plus encore entre les mains de ses premiers successeurs, sous l’influence toujours croissante de la méthode mathématique.
On peut distinguer deux périodes dans l’ère cartésienne : l’une où la méthode, en sa nouveauté, est souvent méconnue ; l’autre où l’on s’efforce au moins de rentrer dans la voie salutaire ouverte par Descartes. À la première appartiennent Malebranche, Spinoza, Leibnitz lui-même ; à la seconde, les philosophes du XVIII e  siècle.
Sans doute Malebranche est, sur quelques points, descendu très avant dans l’observation intérieure ; mais la plupart du temps il se laisse emporter dans un monde imaginaire, et il perd de vue le monde réel. Ce n’est pas une méthode qui manque à Spinoza, mais c’est la bonne. Son tort est d’avoir appliqué à la philosophie la méthode géométrique, qui procède par axiomes, définitions, théorèmes, corollaires ; nul n’a moins pratiqué la méthode psychologique : c’est là le principe et aussi la condamnation de son système. Les Nouveaux Essais sur l’entendement humain montrent Leibnitz opposant observation à observation, analyse à analyse ; mais son génie plane ordinairement sur la science, au lieu de s’y avancer pas à pas : voilà pourquoi les résultats auxquels il arrive ne sont souvent que de brillantes hypothèses, par exemple l’harmonie préétablie, aujourd’hui reléguée parmi les hypothèses analogues des causes occasionnelles et du médiateur plastique. En général, la philosophie du XVII e  siècle, faute d’employer avec assez de rigueur et de fermeté la méthode dont Descartes l’avait armée, n’a guère produit que des systèmes ingénieux sans doute, hardis et profonds, mais souvent aussi téméraires, et qui ne sont pas demeurés dans la science. Il n’y a de durable, en effet, que ce qui est fondé sur une saine méthode ; le temps emporte tout le reste ; le temps, qui recueille, féconde, agrandit les moindres germes de vérité déposés dans les plus humbles analyses, frappe sans pitié, engloutit les hypothèses, même celles du génie. Il fait un pas, et les systèmes arbitraires sont renversés ; les statues de leurs auteurs restent seules debout sur leurs ruines. La tâche de l’ami de la vérité est de rechercher les débris utiles qui en subsistent, et peuvent servir à de nouvelles et plus solides constructions.
La philosophie du XVIII e  siècle ouvre la seconde période de l’ère cartésienne ; elle se proposa surtout d’appliquer la méthode trouvée et trop négligée : elle s’attacha à l’analyse de la pensée. Désabusé de tentatives ambitieuses et stériles, et dédaigneux du passé comme Descartes lui-même, le XVIII e  siècle osa croire que tout était à refaire en philosophie, et que, pour ne pas s’égarer de nouveau, il fallait débuter par l’étude modeste de l’homme. Au lieu donc de bâtir tout d’un coup des systèmes hasardés sur l’universalité des choses, il entreprit d’examiner ce que l’homme sait et ce qu’il peut savoir ; il ramena la philosophie entière à l’étude de nos facultés, comme la physique venait d’être ramenée à l’étude des propriétés des corps : c’était donner à la philosophie, sinon sa fin, du moins son vrai commencement.
Les grandes écoles qui partagent le XVIII e  siècle sont l’école anglaise et française, l’école écossaise, l’école allemande, c’est-à-dire l’école de Locke

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