La mémoire du temps chez Proust et Beckett
102 pages
Français

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La mémoire du temps chez Proust et Beckett , livre ebook

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Français

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Description

Si l'Homme n'a aucune emprise sur cette durée qui lui échappe, du moins peut-il essayer de l'apprivoiser par une forme d'art telle l'écriture, qui rend éternel ce qu'elle exprime. Chercher à comprendre cet espace subjectif nous amène à retrouver le passé, soit par le travail de la mémoire volontaire, soit par la mémoire involontaire : une odeur, un son, un geste qui feront resurgir une multitude de souvenirs que nous pensions avoir oubliés. Ce n'est donc pas un hasard si Beckett s'est autant intéressé à l'oeuvre de Proust.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2013
Nombre de lectures 32
EAN13 9782336665856
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Ouverture philosophique
Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot
Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques.
Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu’elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques.
Dernières parutions
Jordi COROMINAS, Joan Albert VICENS, Xavier Zubiri. La solitude sonore (Tome 2 1931-1940) , 2013.
Rémy GAGNON, Phénoménologie de l’individualité , 2013. Jean-François MELCER, Ethique et rhétorique (d’)après Chaïm Perelman, ou la raison hospitalière , 2013.
Jean-François MELCER, Justice et rhétorique selon Chaïm Perelman, ou comment dire le juste ? , 2013.
Jacques STEIWER, Les méandres de la raison impure , 2013. Philippe RIVIALE , L’éternel dans le fini. Rencontre de Maître Eckhart et de Simone Weil, 2013.
Norbert HILLAIRE, La fin de la modernité sans fin , 2013.
Jean-Pierre GRES, La démocratie et le vivant. Un système à l’épreuve des hommes , 2012.
François HEIDSIECK, L’Ontologie de Merleau-Ponty (réédition), 2012.
María PUIG de la BELLACASA, Politiques féministes et construction des savoirs , 2012.
Pascal KOLESNORE, Histoire et liberté : éclairages kantiens , 2012.
Titre

Vincent TROVATO




La mémoire du temps chez Proust et Beckett
Copyright

Du même auteur

Aux Editions L’Harmattan


L’Enfant philosophe, 2005. L’œuvre du philosophe Sénèque dans la culture européenne, 2005. Être et spiritualité, 2006. Le concept de l’être-au-monde chez Heidegger, 2008. Esthétique de l’existence. De la connaissance de soi, 2009. Marie Madeleine. Des écrits canoniques au Da Vinci Code, 2010. Alchimie de l’écriture, 2012. Je est un autre. L’écrivain et son double, 2012.





© L’HARMATTAN, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-66585-6
PREMIÈRE PARTIE PROUST
Qui douterait un seul instant du mouvement du temps ? Est-il assimilable au débit du ruisseau décrit par Héraclite ? Cette comparaison du philosophe d’Éphèse est une métaphore confuse, parce que « le temps suppose une vue sur le temps. […] Si cette métaphore a pu se conserver depuis Héraclite jusqu’à nos jours, c’est que nous mettons subrepticement dans le ruisseau un témoin de sa course » 1 . Quel serait l’avant et l’après pour le flux d’une rivière ? Si nous ne sommes pas présents, nous ne pouvons pas le voir. Même en tant que témoins sur une barque, nous observerions passer les paysages nouveaux. Placé à l’extérieur de la rivière, l’observateur incorporerait simplement le paysage dans son présent.
Nos expériences temporelles se disposent selon un « avant » et un « après », où le point de référence est toujours l’objet-témoin. La notion même d’événement implique l’existence d’un témoin pour jouer le rôle de référence et permettre de situer l’action. Dans l’absolu, les actions se passent toujours avant ou après quelque chose : « ce qui est passé ou futur pour moi est présent dans ce monde 2 . » Comment décrire alors le temps ? « Le problème est d’expliciter ce temps à l’état naissant et en train d’apparaître 3 . »
Le temps structure notre être-au-monde et se résume à de la subjectivité. À chaque moment de la journée, au cours des activités entreprises, l’être est un champ de présence, car il entre en contact avec le temps. Ce champ projette deux horizons vers des directions divergentes : l’horizon du passé – derrière nous – et l’horizon de l’avenir – devant nous.
Convaincus qu’un événement arrivera dans le futur – « notre avenir n’est pas fait seulement de conjectures et de rêveries 4 » –, nous attendons toujours quelque chose dans la certitude d’avoir un passé. « Mon monde se continue par des lignes intentionnelles qui tracent d’avance au moins le style de ce qui va venir 5 . » C’est uniquement à partir du présent qu’il est possible de percevoir les horizons du passé ou du futur proche (dimension du souvenir) et de toucher l’avenir devenu présent (moment où surgit le souvenir).
Il s’agit d’une anticipation fermée, un cheminement déjà vécu, une évolution vers un passé plus lointain. Là, dans le présent, le temps et ses dimensions se manifestent sans aucune distance intermédiaire. C’est l’expérience originale. Husserl schématise ce phénomène par un temps non linéaire. Les horizons, nommés par Husserl « rétentions » et « protentions », s’ancrent dans un environnement, ils puisent chez le sujet leur source du champ perceptif présent et en expriment les modifications dans le passé et dans le futur 6 . En réalité, il n’existe pas de moments distincts, ni de rétentions ou de protentions réellement différentes. Le temps est subjectivité.
Lorsque nous écoutons une mélodie, seconde après seconde, nous distinguons chaque son s’estomper sur l’anticipation de la prochaine note en laissant la vive impression d’avoir à peine vécu. Ces moments présents s’éloignent immédiatement et annoncent, en même temps, l’instant d’après.
Malgré la disparition instantanée des sons, nous sommes en mesure de percevoir l’entièreté de la mélodie non fragmentée. « À chaque moment qui vient, le moment précédent subit une modification : je le tiens encore en main, il est encore là, et cependant il sombre déjà, il descend au-dessous de la ligne des présents ; pour le garder, il faut que je tende la main à travers une mince couche de temps 7 . »
Mouvement unique de flux. Le temps expliquerait le futur dans le présent et le présent dans le passé. « Le jaillissement d’un présent nouveau ne provoque pas un tassement du passé et une secousse de l’avenir, mais le présent nouveau est le passage d’un futur au présent et de l’ancien présent au passé 8 . »
À l’aide du concept de rétention, Husserl pénètre ce passé endormi derrière le champ de présence. Et c’est précisément dans le souvenir que se concrétise cette continuité du temps : « Quand, au contraire, je retrouve l’origine concrète du souvenir, c’est qu’il se replace dans un certain courant de crainte et d’espoir, […] c’est que je rejoins le temps perdu, depuis le moment considéré jusqu’à mon présent, la chaîne des rétentions et l’emboîtement des horizons successifs assure un passage continu 9 . »
Contrairement à Husserl, Proust admet la futilité à vouloir évoquer le passé : « tous les efforts de notre intelligence sont inutiles. Il est caché hors de son domaine et de sa portée, en quelque objet matériel (en la sensation que nous donnerait cet objet matériel), que nous ne soupçonnons pas 10 . » La continuité du temps est donc cette implication mutuelle du passé et du futur dans le présent.
Husserl différencie l’intentionnalité d’acte (évocation volontaire du passé) de l’intentionnalité agissante (évocation involontaire du passé). « Pour avoir un passé ou un avenir, nous n’avons pas à réunir par un acte intellectuel une série de « Abschattungen » (réminiscences), elles ont comme une unité naturelle et primordiale, et c’est le passé ou l’avenir lui-même qui s’annonce à travers elles 11 . »
Le passé, perception irrécusable déjà éprouvée, n’est pas perçu comme une unique chaîne d’événements enfilés les uns derrière les autres. Durant l’été de 1908, Proust, dans son carnet, consigne plusieurs réminiscences : « Nous croyons le passé médiocre, écrit-il, parce que nous le pensons mais le passé ce n’est pas cela 12 . » Le lecteur av

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