Le problème à N corps
110 pages
Français

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Le problème à N corps , livre ebook

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Description

Vincent est un homme comblé. Il a un travail exaltant et vit une existence épanouie auprès d’une femme belle et intelligente. Tout lui réussit.


Tout ? Depuis qu’il a retrouvé un journal intime, rédigé pendant ses études, l’angoisse ne le lâche plus : sur la liasse de feuilles, sa belle écriture régulière retranscrit en détails sa rencontre avec Marianne, dix ans plus tôt.



Pourtant, il ne se souvient de rien.



Comment expliquer cet oubli ? Que s’est-il passé pour que sa conscience ait occulté cette passion de jeunesse ?



Vincent part sur les traces de sa mémoire muette. Ses armes : la linguistique informatique, le TGV Paris-Grenoble, des collègues chercheurs en sciences du signal, le Télécran® et un écrivain oublieux amateur de chair fraîche.





Dans cette peinture en creux d’une trahison amoureuse, le mensonge par omission biaise les contacts et un théorème de physique fondamental annonce l’infidélité qui rôde.




Pour son premier roman, Catherine Quilliet nous plonge dans un thriller implacable sans cadavre ni policier, où l’arme du crime est un roman de Michel Butor.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 décembre 2015
Nombre de lectures 22
EAN13 9782366510768
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Titre
Catherine Quilliet
Le problème à N corps
roman



Préface
Préparez-vous à être saisi d’un sentiment de vertige en commençant Le problème à N corps . Vous y serez pris en un jeu de miroir avec cette part de vous-même qui rêve de ne rien perdre de son passé grâce à un journal de vie le plus exhaustif possible. Car c’est ainsi que, depuis son adolescence, procède Vincent. Il note tous les événements qui lui adviennent, sentiments, sensations, rencontres. « Moyen de lutte honorable, antidote contre l’oubli », proclame ce trentenaire dont le nom même, Estière, revêt une valeur symbolique : il ne cesse de lorgner vers le passé.
Seulement voilà. Dans un roman rien ne se déroule comme on pouvait s’y attendre. « Plongez un corps dans ses souvenirs, et il subira de bas en haut une poussée », nous informe Catherine Quilliet. Quelle poussée ? Celle de l’oubli, bien sûr. Un fragment non négligeable du passé de Vincent s’étale sous ses yeux, mais le problème est qu’il n’en a conservé aucun souvenir. C’est d’autant plus étrange qu’il s’agit là du fragment d’un discours amoureux, et pas n’importe lequel ; un de ceux dont la mémoire généralement ne vous quitte pas. D’où l’effroi de notre héros. Il croyait tout tenir sous contrôle, et voilà qu’il s’échappe à lui-même. Débute alors une enquête. Avec ces souvenirs enfuis, va-t-il pouvoir se retrouver, comprendre sa vie et enfin la vivre ? C’est tout l’enjeu du livre.
 


Depuis Rimbaud, nous savons que « Je est un autre ». Tous les romanciers et les poètes, tous les psys, tous les policiers vous le diront. L’auteur du Problème à N corps le sait comme quiconque. Mais qu’advient-il si votre personnage, si « il » devient un autre ? S’échappe à lui-même, s’égare dans sa propre vie ? Tels sont les chemins qu’explore Catherine Quilliet, non sans humour, non sans ruse ni multiplication de fausses pistes. C’est ainsi que, lors du voyage, vous croiserez un grand écrivain en retrait du monde, et puis l’un des premiers romans de Butor, L’Emploi du temps , où triomphe, comme en ces pages, « une double mise en abîme, une construction assez vertigineuse » ; il forme comme un sous-titre possible à notre roman qui en effet va vous conduire, plus d’une fois, au bord des gouffres.
Catherine Quilliet agence son dispositif romanesque avec le plus grand soin et une extrême rigueur. Désirs et sentiments, amour et lassitude, masques et bergamasques, fêtes galantes et soirées entre copains ; c’est Marivaux au pays des logiciels de reconnaissance d’écriture, Hitchcock réduit aux seuls crimes des tourments domestiques — les pires. D’où un suspense que l’auteur alimente en perpétuelles accélérations et freinages qui poussent le lecteur vers la page suivante, jusqu’au terme imprévisible et brillant de cette quête. La leçon nous saute alors au visage : le passé, réel ou imaginaire, constitue une très efficace arme de destruction massive pour des existences qu’on croyait établies et sans histoire.
 


Il est toujours grisant d’assister à la naissance d’un écrivain. Dans ses nouvelles, déjà, Catherine Quilliet tenait dans sa main la plupart des atouts du jeu littéraire tel qu’on l’aime : élégance et imprévu, concision et légèreté. Regroupées sous le joli titre de La fuite est un art lointain , elles nous promenaient dans un monde aimablement pervers, parmi des êtres d’apparence anodine où les méchants ont des allures de bons tandis que, parfois, passe un vrai gentil, un franc naïf pris dans les rets d’une manipulation bizarre. Vous voyez en votre mère une femme sensible et généreuse ? Détrompez-vous, c’est une fieffée garce, un monstre au sourire trompeur. Ce paysan qui vous recueille et prétend vous sauver fera votre perte. Ces écolos aux composts parfaits cachent de véritables psychopathes. Et ainsi de suite. Que celui qui n’a jamais connu la griserie de la saloperie intégrale, le vertige du crime, l’ivresse du sexe et de la mort mêlés lève le doigt, et n’ouvre pas le recueil. Les autres, c’est-à-dire nous tous, peuvent y aller.
« Chacune des villes que je connais a sa mythologie privée », répond Catherine Quilliet à l’interviewer du site Le Littéraire qui lui demande quelle ville ou lieu a pour elle valeur de mythe. On pourrait en dire autant de ses textes. Chacun possède son propre univers, mais emboîté dans celui, plus vaste, d’une œuvre en train de naître et dont nous avons plaisir à suivre les premiers pas. Arpentez-en les lumières comme les ombres, n’hésitez pas à vous perdre dans ses coulisses, ses bas-fonds, ses arrière-mondes. Et vous deviendrez alors ce prince heureux dont, telle Phèdre, Catherine Quilliet saura « du labyrinthe vous enseigner les détours ».
Bruno Tessarech


Prologue
Il relut, interloqué, les phrases qu’il avait commencé à parcourir distraitement, et dont il réalisait soudain qu’elles ne réveillaient aucun écho en lui. Son écriture n’avait pas vraiment changé, pas de doute, c’était bien lui qui avait écrit ces lignes. Mais quand ? Et la fille, c’était qui ?
Les réponses lui reviendraient forcément quand il lirait la suite.
Mais plus il avançait dans sa lecture et moins le récit s’ajustait à ses souvenirs de jeunesse. Chaque anecdote l’éloignait davantage de lui-même. Il ne reconnaissait rien. Il n’avait aucun visage à mettre sur les obsessions déroulées page après page.
La surprise, qui maintenant s’éparpillait en une multitude de picotements désagréables, il faudrait toujours vérifier qu’on achète bien du 100 % coton, lui donnait de plus en plus chaud. Transpirer en cette saison, quelle absurdité. Il ouvrit la fenêtre, s’obligea à rationaliser. Oublier des événements, ça lui était déjà arrivé, comme à tout le monde. Rien d’extraordinaire. Mais son sang ne battait pas moins violemment pour autant, la sensation d’oppression ne diminuait pas. Ce qu’il venait de lire, ce pan de vie jailli de nulle part ne ressemblait pas à un événement anodin qui s’efface en quelques mois. Ses tentatives de banalisation étaient risibles devant l’énormité du trou de mémoire tout juste excavé.
Dans l’immeuble en face, la mamie du deuxième regardait la télévision, comme tous les soirs. On était vendredi, le douze mars, un vendredi comme un vendredi, et l’air pourtant fluide de la nuit parvenait avec difficulté jusqu’à ses poumons.
La sonnerie du téléphone le fit tressaillir.
Deux coups, puis plus rien : c’était Claire, bien sûr. Elle l’appelait toujours quand elle rentrait tard, pour l’avertir qu’elle sortait de la station de métro et qu’elle tournerait le coin de l’avenue dans un instant. Sa mission à lui, Vincent, serait alors de surveiller, de la fenêtre du living, qu’elle progressait sans encombre dans la ruelle inconfortablement déserte aux heures tardives.
En ce qui le concernait plus précisément ce soir-là, ça signifiait qu’il n’avait guère plus de cinq minutes pour tout remettre dans le vieux carton à ramettes, puis replacer celui-ci dans l’espace mort derrière un des tiroirs de leur lit suédois.


Première partie


Vendredi 19 mars 2004
Vincent posa le dernier feuillet, le visage crispé. Pendant plusieurs jours, il avait guetté avec impatience l’occasion d’être seul suffisamment longtemps dans l’appartement pour reprendre sa lecture, mais celle-ci ne l’avait pas éclairé. À quoi rattacher les événements relatés dans cette liasse disparate ? Copies à grands carreaux, papier vert quasi poreux, de ceux qu’on reçoit pour brouillonner pendant les examens, feuilles blanches, pages arrachées à des cahiers… Cela semblait dater de ses premières années de fac à Grenoble, ce qui n’était pourtant pas si vieux. Dix, douze ans. Ou treize. Maximum.
Comment avait-il pu oublier cette fille ?
Il fronça les sourcils, se concentra. Encore une fois il tenta d’associer un souvenir direct au récit de cette flambée amoureuse, relatée minutieusement, quasiment au jour le jour, pendant une période qui devait s’étaler sur cinq ou six semaines. Se souvenir – ça aurait dû être simple.
Mais rien ne revenait.
Les études n’étaient pas l’unique préoccupation de Vincent à l’époque, et il avait profité avec enthousiasme des diverses possibilités offertes par la vie étudiante : sociales, sportives, sexuelles. Intellectuelles, aussi. Qu’il ne se souvienne pas, au milieu de ce foisonnement, de tous les détails de ce qu’il appelait maintenant ses conneries de jeunesse , d’accord, mais de là à oublier l’histoire qu’il venait de lire, un tel jeu de cache-cache, puis de couche-couche…
Est-ce qu’il était en train de perdre la mémoire ? Le désarroi était allé croiss

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