Le Terroir savoyard et ses traditions
70 pages
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Le Terroir savoyard et ses traditions , livre ebook

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Description

Nous lançons ici une invitation au voyage en forme d'hommage aux terres hospitalières célébrées par la chanson, à la recherche de l'âme du petit Savoyard. Consacrer douze chapitres aux multiples facettes des deux départements de Savoie, c'est le moins que l'on puisse faire pour rendre compte de leur richesse et de leur diversité, côté lac et côté montagne, des activités traditionnelles aux stations de ski, des vaches aux fromages, du vin blanc à la fondue. D'un ensemble aussi contrasté émane une étonnante impression d'unité, celle d'anciennes provinces qui ont su évoluer avec leur temps, celle d'un peuple adapté à son environnement, celle d'un mode de vie typique solidement ancré dans les mentalités.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 avril 2014
Nombre de lectures 117
EAN13 9782365729635
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Régis Déperraz
 
 
Le Terroir savoyard et ses traditions
 
 
Avant-propos
 
 
Outre son intérêt documentaire, cet ouvrage se présente comme un témoignage sur une époque à la fois révolue et proche de nous. Il se propose de renouer avec la tradition autrement que par le folklore, les fêtes et les célébrations. Il parle de nos prédécesseurs, des anciens  – nos parents le plus souvent – en partant du principe que la meilleure façon de ne pas les oublier c’est encore de les faire revivre. Voilà donc l’objectif que nous visons ici, légitime et naturel : retrouver, en voyageant dans l’espace et le temps, nos propres racines ; un bien commun à tous et une part de nous-mêmes.
En route maintenant vers un monde sans mécanisation.
 
Régis Déperraz
 
 
Le parler savoyard Le sanctuaire de la langue
 
Nul n’ignore que le français vient du latin, utilisé par nos ancêtres les gaulois, mais plutôt mal, vu qu’ils l’ont mal appris, à cause d’une part de leur origine celtique, et d’autre part des vagues successives d’envahisseurs nordiques et germaniques qui ne le maîtrisaient déjà pas bien eux-mêmes. Au fil des siècles, ce latin vulgaire (c’est-à-dire parlé par le peuple) se transforme en ce que l’on appelle le roman qui donne naissance sur notre sol à de multiples dialectes, dont l’un s’impose finalement : le francien (parlé en Ile-de-France). Tous ces dialectes se répartissent entre la moitié nord du pays (langue d’oïl léguée par les Francs) et la moitié sud (langue d’oc léguée par les Goths). Entre les deux s’intercale le francoprovençal, légué par les Burgondes, et qui correspond, en particulier, aux pays de Savoie. Et voilà où nous voulions en venir.
 
Le francoprovençal, ou arpitan, a été parlé du XIV e au XVI e  siècle, jusqu’à ce que le roi François I er impose, par ordonnance, l’exclusivité du français, qui a de fait été utilisé par les lettrés, les gens d’église, les dignitaires, les grands du royaume, mais pas par les couches rurales. Le mot arpitan signifie montagnard. On ne l’utilise que depuis les années 1970 pour éviter l’ambiguïté du terme « provençal », car l’arpitan (autrefois parlé en Rhône-Alpes, Suisse Romande et val d’Aoste de façon schématique) se rapproche plutôt de l’occitan. On l’a déjà compris : notre patois savoyard correspond à ce dialecte francoprovençal sans trait d’union pour éviter la même ambiguïté déjà signalée.
Il s’agit donc à la fois d’un langage très élaboré et d’un patrimoine culturel.
Or les portes de ce sanctuaire linguistique se sont refermées inexorablement. Après plus de mille ans, pour ne pas dire deux, de formation, d’évolution et d’existence, ce bijou de communication a rejoint les oubliettes où règne le pouvoir absolu des déesses de la disparition et de l’extinction.
 
Le mot patois désigne un langage, principalement oral, qui concerne un petit groupe, une commune par exemple, voire un village, d’où l’infini variété des usages et des nuances. Si plusieurs patois présentent de fortes ressemblances sur une aire géographique donnée, ils forment alors un dialecte. Dès l’instant où un dialecte n’est pas compris d’un autre, il constitue une langue à part entière. Combien de patoisants ont dû se sentir étrangers ou immigrés à l’intérieur de leur propre pays ! D’autant qu’à la fin du XIX e  siècle, le patois est proscrit des écoles. L’enfant surpris à l’employer, même par inadvertance, subit de sévères punitions, des brimades, des humiliations, parfois infligées par ses propres camarades à la récréation. Mais pourquoi donc avoir choisi le francien comme langue officielle du royaume ? Parce que… Paris ! Et parce que la cour était à Paris. Il ne restait plus alors qu’à l’imposer à l’ensemble du pays, et cela s’est fait presque tout seul, le paysan ayant toujours eu tort au yeux de l’histoire.
Maintenant que le décor est planté, chacun peut évoquer ses plus chers souvenirs, raconter ses meilleures anecdotes, remonter tout à loisir jusqu’à ses plus lointaines parentés. Car, n’en doutons pas, ici plus qu’ailleurs, c’est-à-dire dans le domaine linguistique, ce qui est mort l’est pour de bon pensons au grec ancien ou au latin. Et les très honorables, très méritants et très respectables groupements, clubs, associations, amicales… de patoisants ne parviendront jamais à inverser la tendance. Notre but ici n’est donc pas de nous perdre dans les méandres d’un interminable historique – nous ne l’avons déjà que trop fait –, ni dans ceux de la syntaxe, de la morphologie, de la phonétique…, ni de dresser un dictionnaire complet des mots existants, mais plutôt de citer quelques faits significatifs, qui apporteront un peu de satisfaction nostalgique à certains d’entre nous et qui ne diront strictement rien à beaucoup d’autres, ne serait-ce que parce qu’ils ne sont pas originaires de la même vallée ou de la même montagne.
 
Je garde en souvenir la voix tonitruante qui me tirait du sommeil, le matin, lorsque j’étais enfant : « À l’abade ! », façon très efficace de signifier que l’on avait bien assez dormi comme cela. Le verbe « s’abader » signifie en effet « s’activer », et « se lever », en s’adressant aux vaches en particulier mais ce rapprochement peu flatteur m’a longtemps échappé. Ce seul exemple montre que la richesse d’un patois réside avant tout dans son lexique, et en particulier dans ses verbes. Il m’arrive, encore aujourd’hui, de dire et personne ne me comprend : « Je me suis comparé toute la journée », affirmation énigmatique pour exprimer les difficultés rencontrées du matin au soir, un jour où, décidément, tout va mal. Un autre exemple encore : « encoubler », au sens de rencontrer un obstacle (qui peut être une chose ou une personne) ; « Je me suis encoublé dans l’escalier » (ce qui semble sous-entendre, par la même occasion, que l’on est tombé). « Il n’arrive pas : il a dû trouver une encouble » (sévère jugement pour la personne responsable du retard !). On voit immédiatement que le patois est à la fois beaucoup plus expressif et plus concis que le français, tout en restant très nuancé. Mais il n’y a pas que le vocabulaire…
 
On connaît la subtile -et très habituelle- distinction entre le « y » pronom adverbial dans « j’y vais » (qui indique ici le lieu) ou dans « j’y pense » (au sens de « je pense à cela ») et le « y » pronom personnel complément d’objet direct, utilisé à tort désormais par les héritiers de notre patois savoyard dans des expressions comme « j’y sais… j’y ai dit… j’y cherche ». Faute maximale, lourdement sanctionnée, indigne de tout écolier qui se respecte. Et pourtant…
Si le francoprovençal était devenu notre langue officielle, les rôles seraient inversés. Il faudrait dire « j’y connais »… j’y ai répondu… faut y faire… », et ce seraient les autres alors qui auraient tort. Tout est relatif en ce monde, même au niveau du langage. Autre chose : au collège de chez moi, un surveillant s’obstinait à nous répéter chaque jour : « mettez-vous voir en rang », « regardez-moi voir ce désordre », ce qui provoquait l’étonnement, l’incompréhension et l’hilarité de la quasi-totalité des élèves. Qu’y avait-il à « voir » là-dedans ? Il s’agit en fait d’un emploi très courant du parler savoyard, sorte d’explétif ou d’adverbe d’intensité, parfois écrit « voire », destiné à insister sur la chose dite : « passe-moi voir le sel... Ferme voir la fenêtre… Cherche voir mes lunettes ».
Le savoyard a coutume de terminer les questions qu’il pose par « ou bien » : « Tu lis le journal, ou bien ? Il est parti, ou bien ? », c’est-à-dire, en somme, qu’il ne finit pas sa phrase. Il devrait dire, par exemple : « Tu lis le journal, ou bien tu n’as pas le temps ? Il est parti, ou bien il est toujours là ? ». Il s’agit aussi d’une façon d’apostropher son interlocuteur en lui laissant le soin d’achever ce que l’on a commencé. On soupçonne que cette expression serait d’origine, -ou en tout cas d’usage-, suisse, la Romandie étant incluse, on s’en souvient, dans l’aire géographique du francoprovençal. On n’oubliera pas, bien sûr, la façon traditionnelle de se sépa

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