Les Français mode d emploi
201 pages
Français

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Les Français mode d'emploi , livre ebook

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Description

Au fil de l'Histoire de France, Jean Amadou construit un portrait de la France et des Français sous forme de dialogue avec un Américain. Il n'épargne personne et surtout pas les icônes : Napoléon, La Marseillaise, De Gaulle, Mitterrand... et Sarkozy. Mais encore Aragon, qui affirmait que " le transport des militaires en chemin de fer peut avoir comme effet d'efféminer les troupes " jusqu'au futur maréchal Foch qui, en 1911, considérait les avions " comme de beaux jouets à l'efficacité militaire nulle ", sans oublier bien entendu les énarques, les experts de tout poil et les politiques de tous bords, qui illustrent la devise de Talleyrand : " En politique il n'y a pas de convictions, il n'y a que des circonstances. " On compte autant de traits d'esprit qu'il y a de pages.
Comme les grands vins, la plume de Jean Amadou s'affine avec le temps. Dans Les Français mode d'emploi, elle est pétillante, subtile, raffinée, impertinente. Feu d'artifice d'anecdotes, de flèches savamment décochées et de bons mots cueillis dans la grande et la petite histoire, le nouveau livre du chansonnier préféré des Français est à garder sur sa table de nuit, pour s'endormir avec le sourire aux lèvres.










L'injure politique, qui se pratique dans tous les pays, a atteint dans le nôtre une quasi-perfection, peut-être parce que nous la pratiquons depuis des siècles. Je vous en ai apporté la liste. Elle est réjouissante et montre à quel point l'imagination de nos politiques est inépuisable dès qu'il s'agit de crucifier leurs homologues. C'est De Gaulle disant de Pétain : " Ce fut un grand homme, je m'en souviens très bien, je l'ai vu mourir en 1925. " Sous l'Occupation, le ministre de l'Éducation se nommait Abel Bonnard, et on le surnomma à Vichy " Abel Connard ". Il était homosexuel et très proallemand. Pétain l'appelait " La Gestapette ". Clemenceau disait d'Aristide Briand : " Même quand j'aurai un pied dans la tombe, j'aurai l'autre dans le derrière de ce voyou. " Ses adversaires disaient de Jaurès : " Il faudrait lui mettre dans la peau le plomb qui lui manque dans la tête. "
À force d'exalter le crime, on finit par inciter un crétin à le commettre. Charles Maurras menaçait publiquement Blum de le trucider avec un couteau de cuisine. Raymond Poincaré, dont le cousin Henri était un brillant mathématicien, était surnommé " Le cousin de l'intelligent ". Clemenceau, encore lui, en remettait une couche : " Briand ne sait rien et il comprend tout, Poincaré sait tout et il ne comprend rien. " Édouard Hierrot disait en parlant de Le Trocquer, qui avait perdu une main pendant la guerre de 14-18 : " C'est le seul manchot que je connaisse qui touche des deux mains. " Maurice Thorez traita Blum " d'abject animal ", Fallières se fît traiter de " bœuf tout juste bon à mener à l'abattoir ", Jules Moch de " faisan ", Guy Mollet de " limace " et Paul Reynaud de " rat ". Mitterrand se fit traiter de " Madone des aéroports " par Poniatowski, et lui-même épingla Giscard d'un " Mozart de la manivelle ".
Alain Krivine lui le traitait de " vieux crabe ". Édith Cresson disait de Bérégovoy : " C'est une enflure ", et Rocard de Mitterrand : " Ça n'est pas un honnête homme. " De son côté, Mitterrand, à la fin de son second septennat, quand on lui demandait qui il voyait pour lui succéder répondait : " Dans l'ordre, Balladur, Fabius, Chirac, mon chien, Rocard. " Marie-France Garaud, qui fut avec Pierre Juillet l'égérie de Chirac, laissa tomber, quand le maire de Paris se sépara d'elle : " Je croyais qu'il était du marbre dont on fait les statues, il n'était que de la faïence dont on fait les bidets. " J'aurais garde d'oublier le jugement d'André Santini sur Arpaillange, ministre de la Justice : " Saint Louis rendait la justice sous un chêne, Arpaillange la rend comme un gland. " Cela touche à la poésie. Après la dissolution de 1997, qui amena Jospin au pouvoir, Bayrou déclara : " Moi, quand je fais un saut à l'élastique, je m'attache à un élastique. " Quand Daniel Cohn-Bendit vint conforter le " oui " au référendum sur la Constitution, Chevènement dit aimablement : " On voit bien que c'est un Allemand, il revient en France tous les trente ans. " Mais l'injure la plus surprenante, cerise sur le gâteau, est : " Espèce de vieil enc... ", lancée à l'Assemblée nationale par Jeannette Vermersch, députée communiste et épouse de Maurice Thorez, à Maurice Schumann, ministre des Affaires étrangères et l'un des pères fondateurs de l'Europe. Injure inattendue d'abord parce qu'elle fut lancée par une femme et surtout parce qu'elle ne s'appuyait sur aucune preuve vérifiable.






















Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 mars 2011
Nombre de lectures 247
EAN13 9782221117668
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MÊME AUTEUR
Chez le même éditeur
Il était une mauvaise foi , 1978
Heureux les convaincus , 1986
De quoi j’me mêle , 1998
Vous n’êtes pas obligés de me croire ! , 1999
Je m’en souviendrai, de ce siècle ! , 2000
Journal d’un bouffon , 2002
Et puis encore… que sais-je ? , 2004
JEAN AMADOU
LES FRANÇAIS
Mode d’emploi
© Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 2008
EAN 978-2-221-11766-8
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À Catherine, Sylviane et Jean-Michel
Robert Stilvens, attaché d’ambassade
US Embassy
2, avenue Gabriel
75008 PARIS
à Jean Amadou
Monsieur,
Peut-être allez-vous trouver ma démarche quelque peu cavalière, mais je voudrais vous rencontrer. Pourriez-vous m’accorder un rendez-vous afin que je vous explique les motifs de cette demande ? Je vous sais très occupé, mais je suis enclin à croire que ce que j’attends de vous vous amusera.
 
Je vous prie de croire en mes sentiments respectueux et cordiaux.
 
Je le repère dès qu’il entre dans le bar du Fouquet’s. La trentaine, jean, veste de sport, chemise col ouvert, subtil mélange de décontraction américaine et de distinction diplomatique. Poignée de main, il se cale dans son fauteuil.
 
Robert Stilvens : Merci de m’avoir répondu.
Jean Amadou : Vous avez piqué ma curiosité. Que voulez-vous boire ?
RS : Un cognac Coca.
JA : Cognac Coca ! C’est une boisson de réconciliation ?
RS : Ça devient très à la mode aux États-Unis.
JA : Alors nous sommes loin du temps où vous déversiez nos vins dans les caniveaux.
RS : Les mouvements d’humeur ne sont pas éternels et votre nouveau président a rafistolé les pots cassés ; et vous, que buvez-vous ?
JA : Un bourbon Coca… moi, je n’ai jamais été fâché… Que puis-je pour vous ? ´
RS : Le département d’État a quelque mal à cerner la mentalité française. Je ne parle pas de la politique étrangère de la France que nous comprenons assez bien.
JA : Vous avez de la chance.
RS : C’est pourquoi je dis assez bien… Il y a des circonstances où nous avons quelque peine à vous suivre, mais dans l’ensemble l’équipe qui gère les probabilités des réactions françaises à Washington parvient à fournir des prévisions relativement conformes aux décisions que vous prenez.
JA : Ça doit être la plus intelligente de toutes.
RS : Ne croyez pas ça… celles qui sont en charge du Venezuela ou de certains pays africains se plantent beaucoup plus souvent.
JA : Vous maîtrisez parfaitement notre langue ; « se plantent » dans la bouche d’un Américain, c’est savoureux.
RS : Ma mère est canadienne française, mon père de Chicago, dès ma plus tendre enfance j’étais bilingue. Je dois avouer que, par la suite, j’ai davantage étudié votre littérature que celle de la langue anglaise. J’aime bien Shakespeare, mais ça ne vaut pas Corneille, et je préfère Camus et Céline à Steinbeck.
JA : Quelle est votre mission exacte à l’ambassade ?
RS : C’est compliqué.
JA : Oui, mais un diplomate doit être capable de résumer un projet compliqué en quelques mots.
RS : On nous apprend surtout à délayer un projet simple dans un long discours, mais pour résumer je suis chargé de tenter de décrypter la mentalité française !
JA : C’est-à-dire de comprendre les Français.
RS : En quelque sorte, oui.
JA : Vaste programme, et qu’en pense l’ambassadeur ?
RS : Il m’a dit : « Ce me semble être au-dessus des ressources mentales d’un être normalement constitué. »
JA : Il n’a pas tort.
RS : Je vais être franc avec vous. Ce dont je vous parle, c’est ma mission officielle ; j’ai en outre un projet personnel : publier un livre pour que mes compatriotes, et au-delà d’autres nations, arrivent à comprendre les Français et, qui sait, à les aimer.
JA : Les comprendre ou les aimer ?
RS : Pourquoi, c’est incompatible ?
JA : Je le crains. Nous sommes un peuple féminin. Vous êtes jeunes, mais vous avez déjà une certaine expérience des femmes, et les femmes il faut ou tenter de les comprendre, ou se contenter de les aimer. Aucun homme n’a une espérance de vie assez longue pour faire les deux. Mais, cela dit, pourquoi vous adresser à moi ? Il y a dans ce pays des centaines de politologues avertis, d’experts qui dissèquent et étudient la société française sous toutes ses facettes et qui sont beaucoup plus aptes que moi à vous aider.
RS : J’ai longuement hésité, j’ai lu quelques-uns de leurs livres, j’ai trouvé ça, comment dirais-je… toujours alambiqué et souvent ennuyeux. Depuis deux ans que je suis à Paris, j’ai entendu parler de vous.
JA : On parle de moi à l’ambassade des États-Unis ?
RS : Nous ne restons pas confinés dans nos bureaux. Nous sortons, nous allons au spectacle, nous regardons la télé, nous écoutons la radio, c’est ce que j’appelle la partie plaisir de mon travail. Je me suis dit qu’avec vous j’aurais peut-être moins de théorie, mais davantage d’inattendu. Ça remonte à loin, quand je faisais mes études à Harvard, le Wall Street Journal avait consacré un article sous la signature de Thomas Kamm au phénomène du « Bébête Show », dont vous étiez le coauteur.
JA : Avec mes deux amis de l’époque, Jean Roucas et Stéphane Collaro.
RS : Je me souviens qu’il parlait de quinze millions de téléspectateurs tous les soirs.
JA : C’est peut-être exagéré, mais dix ou onze certainement.
RS : Ça m’avait frappé à l’époque. Quand j’ai été nommé à Paris, je m’en suis souvenu. Je me suis assuré que vous étiez toujours en vie…
JA : Pour l’instant…
RS : Et je me suis dit : ça pourrait être mon homme. Vous connaissez bien la France.
JA : Très bien. Quarante ans de tournées et de galas, vingt-deux Tours de France cyclistes, il n’y a pas de ville où je n’aie un jour posé mes valises, peu des hameaux que je n’aie traversés.
RS : Vous connaissez bien les Français.
JA : Ça, c’est plus difficile, mais disons que j’ai sur les réflexes, les réactions, les comportements de mes compatriotes quelques pistes qui sont néanmoins loin d’être toutes explorées.
RS : Ça vous intéresse de les explorer avec moi ?
JA : Pourquoi pas ? Ça me flatte : d’abord, vous avez parfaitement su courtiser mon ego, et puis il se trouve que j’aime bien votre pays, en dépit de ses défauts, de son arrogance, sa certitude d’être l’archange du bon droit et de la morale, de cette idée que tout ce qui ne passe pas par vos mains est suspect et que ce qui ne se résout pas avec des dollars se règle à coups de canon.
RS : Ce sont des poncifs assez primaires.
JA : Non, c’est un condensé. Vous êtes comme cela, à cette nuance près que vous l’êtes parce que nous vous avons fait comme cela, nous aurons l’occasion d’y revenir. Je vous aime bien parce que j’avais quatorze ans le 6 juin 44, qui est pour moi le jour le plus important du XX e  siècle, parce que je suis allé souvent à Omaha Beach, en mars ou en novembre, quand la plage est déserte. J’ai remonté à pied les deux cents mètres qui séparent le bord de l’eau de l’escarpement au sommet duquel se situe le cimetière américain et ses 1 900 tombes, et chaque fois je me suis dit que le loisir que j’ai aujourd’hui de m’exprimer librement était né sur ce sable, et que, quels que soient les griefs qu’on puisse vous faire, et qui sont souvent légitimes, aucun Français, qu’il l’ait vécu ou, comme c’est le cas pour la plupart, qu’il l’ait appris, ne peut et ne doit l’oublier.
RS : Vous devriez faire connaître ce sentiment, beaucoup de mes compatriotes y seraient sensibles.
JA : Je l’ai fait. En 2004, pour le soixantième anniversaire du débarquement, le journaliste Ivan Levaï et moi avons eu, sans nous consulter, la même idée. Faire savoir aux Américains

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