Nuit blanche à Istanbul
106 pages
Français

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Nuit blanche à Istanbul , livre ebook

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Description

Un roman exaltant, d’une écriture finement ciselée, qui nous emmène au plus profond des êtres, dans un récit implacable, rythmé comme un mouvement d’horloge, et qui mène à une improbable conclusion, à l’utopique rédemption. Un livre d’une rare beauté dans lequel l’intrigue est menée par la psychologie humaine, et où les personnages sont unis par un même secret.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 avril 2015
Nombre de lectures 100
EAN13 9782897210915
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

M O N T R É A L


François Lavigne
Nuit blanche à Istanbul
Roman



Les Éditions du CRAM
1030, rue Cherrier, bureau 205
Montréal (Québec) Canada H2L 1H9
Téléphone : 514 598-8547
Télécopie : 514 598-8788
www.editionscram.com
Conception graphique
Alain Cournoyer
Photo de couverture© WillSelarep – iStockPhoto
II est illégal de reproduire une partie quelconque de ce livre sans l’autorisation de la maison d’édition. La reproduction de cette publication, par quelque procédé que ce soit, sera considérée comme une violation du droit d’auteur.
Dépôt légal – 2 e trimestre 2015 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque nationale du Canada
Copyright 2015 © Les Éditions du CRAM
Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.





Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Lavigne, François, 1944-
[Isabelle] Nuit blanche à Istanbul
Nouvelle édition. Publié antérieurement sous le titre : Isabelle. 2005. Publié à l’origine dans la collection : Roman.
ISBN 978-2-89721-089-2
I. Titre. II. Titre : Isabelle. PS8623.A835I82 2015 C843’.6 C2015-940541-6PS8623.A835I82 2015
Imprimé au Canada


À celle qui m’a permis de réaliser mes rêves, à celle qui m’a propulsé, à Colette, ma fidèle amie depuis plus de cinquante ans, et qui ne cesse de me faire grandir.


La grenouille
Les grandes herbes qui bordent le lac Sauvage ondulaient sous la brise. Par endroit, la rive était nette, sans végétation. Là, les vaguelettes tapaient irrégulièrement sur le tapis de petits cailloux gris de la plage. Une petite fille s’amusait à frapper l’eau avec un jonc sec qu’elle avait trouvé en bordure de la forêt proche. Elle avait retiré ses vêtements et les avait soigneusement pliés sur une grosse roche un peu plus haut. Les gouttes d’eau éclaboussaient son corps joufflu, rougi par le soleil d’été. Elle s’amusait, paisible, seule, livrée à elle-même.
Elle laissa échapper quelques éclats de rire lorsqu’elle réussit à attraper une grenouille qu’elle avait étourdie par inadvertance en frappant dans l’eau. Il n’en fallait pas plus pour rassurer son père qui pêchait à la ligne un peu plus loin, assis sur le rebord du vieux quai. La petite fille caressait la peau verte de la grenouille inerte en répétant :
— Pardon, grenouille. Pardon, grenouille. Je n’ai pas voulu te faire de mal. Ne meurs pas, grenouille, s’il te plaît. Je vais te faire un lac juste pour toi.
Puis, écartant les cailloux de surface, la petite se mit à creuser dans la vase avec ses mains. Plus elle creusait, plus l’eau remplissait le trou. Quand elle eut terminé, elle voulut reprendre sa grenouille, mais elle avait disparu. Elle la chercha en vain. Ses yeux se couvrirent de larmes. Au moment de les essuyer, elle se rendit compte que son corps était plein d’une boue grise qui avait séché par endroits. En frottant sa peau pour tenter de se nettoyer, elle ne fit que se salir davantage. Elle s’arrêta un instant, désemparée. Soudain, elle se ressaisit puis elle entreprit de couvrir complètement son corps. Plus elle s’enduisait, plus elle sentait la fraîcheur de la terre qui la cachait des rayons chauds du soleil. Elle comprit aussi que ce dernier pouvait sécher la terre qui formait une croûte sur sa peau. Sa besogne terminée, elle s’étendit sur le dos pour se laisser sécher complètement.
N’entendant plus la petite depuis un certain temps, le père, inquiété, la chercha du regard. Ne la voyant pas, il arriva en courant au dernier endroit où il l’avait vue. Il la découvrit endormie, les talons dans l’eau du lac, les cheveux sales et en broussaille, le corps tout enduit de vase séchée. Un instant, il la crut morte. Il laissa échapper un cri sourd qui réveilla la petite. Le cœur battant, l’homme prit le temps de se remettre de ses émotions.
— Qu’est-ce que tu fais-là, ma chérie ? lança-t-il tendrement, étouffant un éclat de rire.
— Papa… euh !
— Pourquoi t’as fait ça ? Je vais t’enlever ça. Viens.
— Mais papa, j’ai perdu ma grenouille.
— Quelle grenouille ? dit le père étonné.
— Oui, la petite grenouille verte. Je lui ai fait un lac juste pour elle. Et après j’étais toute sale.
— Si ta mère te voyait… !
— …
Une peur panique envahit soudain la petite. Ses yeux devinrent exorbitants. Ses lèvres se mirent à trembloter. Elle voulut se cacher.
— Qu’est-ce que tu as, tu trembles ? Viens, viens, je vais t’aider à te nettoyer.
— Non, non, je suis capable toute seule, bredouilla-t-elle en sanglotant.
— Bon, c’est comme tu veux. Ce n’est pas grave, tu sais. Mais si tu as besoin de moi, tu m’appelles. D’accord ?
— D’accord, papa.
La petite fille descendit dans l’eau jusqu’à la taille. La pente était douce et sans danger. Elle tenta du mieux qu’elle pouvait de s’enlever la croûte de terre qui ne faisait que l’engluer davantage au contact de l’eau. Après un moment, sa panique avait diminué jusqu’à faire place au plaisir de ses propres caresses. Elle s’abandonna longuement au plaisir de toucher son corps.
Au moment de rentrer, elle n’avait toujours pas terminé.
— Aie ! Il faut y aller. On doit rentrer, le soleil baisse.
— Je n’ai pas fini, papa.
— Alors je dois t’aider. J’arrive.
— Non, non.
— Oui, oui. J’arrive. J’arrive.
Déposant son filet de truites et sa canne à pêche, le père s’approcha de sa petite et ses grosses mains tentèrent de terminer maladroitement le nettoyage. Enfin, il la sécha avec sa chemise et la pria de se rhabiller.
Il aimait sa petite. Elle avait la figure de sa mère mais était comme lui, sensuelle. En cela, tout le contraire de sa femme. Il lui tendit la main et ils marchèrent un moment en silence à travers la forêt, suivant l’étroit sentier qui menait au chalet près duquel était garée la voiture.
— Heureusement que maman ne t’a pas vue comme ça, lança-t-il sans arrière-pensées.
— …
Il n’en fallut pas plus pour remettre sa fille dans un état de panique. L’homme sentit la petite main serrer la sienne très fort. Il n’y porta pas trop attention. L’enfant recommença à trembler. Le père ne s’en rendit pas compte. Elle trembla jusqu’au chalet. Hagarde, elle monta dans la voiture. Installée sur la banquette arrière, elle s’écria d’une voix remplie de stupeur :
— Papa, j’ai peur. Je ne veux pas, maman va me faire mal. Elle va m’enfermer encore.


Istanbul
Emma attendait l’autobus. Elle était mal assise sur la banquette de bois usé et trop étroite de l’arrêt à ciel ouvert. Elle aurait voulu s’étirer un peu, appuyer son dos à la paroi métallique de la structure, épancher sa fatigue. Mais lorsqu’elle se redressait, ses fesses plutôt généreuses glissaient doucement hors du siège rendu humide par le contact de sa peau moite.
Il faisait une chaleur torride. L’air portait de ces particules d’eau qui rendent la vie inconfortable. Même à l’ombre, à neuf heures du matin, des gouttelettes de sueur perlaient déjà sur son front. Le bruit agressant et l’odeur âcre dégagée par certains véhicules de transport en mauvaise condition ajoutaient au désagrément. Malgré un ciel sans nuages, le temps était mort et l’atmosphère lourde sur la rue achalandée qui longe le fleuve. Pas même une petite brise tendre.
Emma se sentait regardée. Sa tenue contrastait avec celle des femmes voilées qui, déambulant vers le centre-ville, passaient devant elle. Certaines portaient de lourds taffetas assez ternes, marron ou grisâtres, alors que d’autres étaient vêtues de fines soies tantôt noires, tantôt de couleurs claires. Parfois on ne voyait que leurs yeux. Certaines portaient même des lunettes fumées. D’autres avaient laissé tomber le tchador et se promenaient le visage complètement dégagé, finement maquillé, et portaient des bijoux parfaitement harmonisés. La majorit

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