Au temps de Périclès ou Le désabusé

Stéphane Scrive

Description

Dans Au temps de Périclès ou Le désabusé, Stéphane Scrive dépeint l'évolution d'une société qui l'a vu naître en trois grands moments : les émeutes de mai 68, la prise du pouvoir par les socialistes en 1981 et la montée du Front National en 2002. Cette pièce de caractère met en scène deux visions qui se confrontent, celle du père et de son fils, deux générations en désaccord. Si Philippe est un homme sceptique, sa femme Elisabeth, son fils Antoine et sa petite fille Mahaut viennent bouscouler cet homme vivant dans le passé.

Sujets

• Littérature
• Pièce de théâtre
• Harmattan Littérature

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 07 novembre 2017
• Nombre de lectures: 3
• EAN13: 9782140050350
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

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Stéphane Scrive

Au temps de Périclès ou Le désabusé

Comédie en trois actes

Au temps de Périclès ou Le désabusé

© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris www.harmattan.com ISBN : 978-2-343-11134-6 EAN : 9782343111346

Stéphane Scrive Au temps de Périclès ou Le désabusé Comédie en trois actes

Acte I La scène se passe en mai 1968 au moment des événements bien connus Scène I Philippe administrateur de ministère, Elisabeth, sa femme Elisabeth (assez énervée) Philippe, tu m’entends ? Philippe (perdu dans son journal) Oui, chérie, je t’entends. Elisabeth (de plus en plus énervée) Tu m’entends, mais tu ne m’écoutes pas. Philippe (qui sort de son journal) Je t’écoute, je suis tout ouïe.

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Elisabeth Je suis très inquiète. Antoine s’est enfermé dans sa chambre, il y a une heure et il fait comme toi, il ne répond pas. Philippe (philosophe) Eh bien, il boude, mais on ne saura jamais pourquoi, ou alors il s’est mis brusquement et miraculeusement à étudier. Ce n’est pas trop tôt à trois semaines du bac. Elisabeth Tu n’y es pas du tout. Il s’est enfermé avec « Le petit chimiste » Philippe Quel petit chimiste ? Elisabeth Le jeu éducatif que tu lui avais donné pour son dixième anniversaire. Rappelle-toi. Vous vous étiez, tous les deux, escrimés en vain à chercher à comprendre les manipulations à effectuer et, en désespoir de cause, le jeu était parti aux oubliettes. Philippe Je me souviens. Mais, alors, à moins qu’il n’ait fait de grands progrès dans la science universelle, ce dont je doute, je pense qu’il n’y a aucun danger. Je connais Antoine, il est

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faiblard en maths, nul en physique et, en chimie, il n’a pas inventé la poudre, du moins si j’en crois le dernier bulletin de notes qu’il a bien voulu nous montrer. Il ne tirera rien de ce nouvel essai. Elisabeth Détrompe-toi, car cette fois-ci, il est très motivé. Il est revenu de la manifestation tout à l’heure dans un grand état d’agitation et de ce qu’il marmonnait, j’ai cru comprendre qu’il recherchait la formule du cocktail Molotov. Philippe Ainsi, mon fils veut devenir barman. C’est une vocation nouvelle à défaut d’être une profession d’avenir. Elisabeth Ne tourne pas tout en dérision. Tu sais, comme moi, qu’il s’agit de ces projectiles que les jeunes envoient sur la police ou sur les gendarmes. Cela peut se révéler très dangereux. Il peut faire sauter l’immeuble. Philippe Encore faut-il qu’il trouve la recette et, là-dessus, je lui fais confiance pour échouer. De toute façon, il s’est enfermé à double tour et il n’est pas question d’enfoncer la porte. Wait and see.

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Elisabeth Je vois que tout cela te laisse indifférent. Alors, parlons d’autre chose. Comment s’est passée ta journée ? Es-tu allé au bureau ? Philippe Je craignais de ne pouvoir y pénétrer, mais j’ai saisi l’occasion de l’absence du piquet de grève, au repos dans le bistrot d’en face, pour m’y infiltrer en catimini. Ce patron de bar est un génie du commerce. Tous ses confrères ont baissé le rideau par crainte de représailles. Lui, non seulement il est ouvert, mais il fait de la retape dans la rue. Dans les couloirs du ministère, c’est le vide absolu, presque intersidéral, le rêve. On aurait cru un de ces couvents modernes aujourd’hui abandonnés par ses moines depuis le Concile. Pas une âme qui vive si ce n’est la vieille Mademoiselle Crochet qui en a fait sa résidence secondaire ou plus exactement sa résidence principale. J’avais été très étonné lorsque j’y étais venu, de bon matin, la première fois quand j’y ai débarqué frais émoulu de l’Ecole, de la voir en train de procéder à sa toilette et de préparer son petit déjeuner. Je pense que maintenant elle n’en sort plus de peur de ne plus pouvoir y rentrer. Elisabeth Et le ministre ?

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Philippe Il venait rarement, il ne vient plus du tout. Son cabinet même a déserté. Les plus timorés se cachent en province, les plus audacieux cherchent déjà à se recaser dans les antichambres des futurs ministres ou présumés tels. Sic transit gloria mundi. Elisabeth Encore une citation latine. Quand perdras- tu l’habitude d’étaler tes réminiscences littéraires ? Quand ce n’est pas le latin, c’est le grec. Heureusement, tu ne connais pas l’hébreu. Philippe L’éternelle querelle des anciens et des modernes. J’en suis désolé, mais j’aime le grec et le latin. Souviens-toi. Quand Antoine est né, je voulais l’appeler Hippolyte, ce qui veut dire en grec, celui qui délie les chevaux. Tu n’as pas voulu. Pourtant il était beau, Hippolyte, ce jeune homme qui résiste au harcèlement de sa belle-mère. Et puis, c’était le prénom de mon arrière-grand-père auquel, d’ailleurs, Antoine ressemble fort, nul en thème, indiscipliné à l’extrême et courant les filles. Tiens, je regrette d’avoir cédé. Elisabeth Hippolyte ou non, ton fils est toujours confiné dans sa chambre et mon inquiétude s’accroît. Surtout en ces temps où tout est révolution et où on ne peut sortir dans la rue sans entendre des cris et des vociférations.

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