Derrière la lumière
134 pages
Français

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Derrière la lumière , livre ebook

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Description

Elle et lui. Dans leur dialogue, ils se rappellent leur existence. Maintenant qu'ils sont tous deux disparus, ils peuvent évoquer leur passé dans une sérénité intemporelle, puisque les voilà délivrés de toute contingence. Lui, plasticien et sculpteur, aura quitté la vie le premier. Elle, photographe, lui survivra quelque temps.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2009
Nombre de lectures 276
EAN13 9782296928626
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Derrière la lumière
Du même auteur :


Inventions provisoires (poésie), Tribu, 1984

La Machine de l’Être (poésie), L’Instant Perpétuel, 2000

L’excès du visible (poésie), DALBA II, 2000

La preuve du sable (poésie), N & B, 2001


© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09431-4
EAN : 9782296094314

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Jean-Noël Hislen


Derrière la lumière


L’Harmattan
« L’instant théâtral »
Collection dirigée par Luc Dellisse

Cette collection existe depuis février 2005. Elle publie en priorité des textes qui unissent modernité littéraire et sens des situations dramaturgiques. Elle attache une attention particulière aux fables d’aujourd’hui, qui rendent compte de manière stylisée du réel « ici et maintenant ». Elle accueille également des traductions de textes contemporains méconnus et marqués par la vérité scénique.

Déjà parus

Michèle LAURENCE, Le jeune homme à la canne, 2009.
Nathalie LEGER-CRESSON, La Menace au Sérieux, 2009.
Bertrand SINAPI, KranK, 2008.
Eve LAUDENBACK, Et Dieu oublia le Prince Charmant, 2008.
Dorothée MENDEL, Un temps pour elle, 2007.
Alain Julien RUDEFOUCAULD, L’ombre et le pinceau, 2007.
Nicolas F. VARGAS, Kamasutra Parkinson Blues, 2007.
Gaël BANDELIER, Point de fuite possible, 2007.
Marc-Emmanuel SORIANO, L’autre côté, 2007.
Jean-Marc STREICHER, Une année sans printemps, 2007.
Marie GUTIERREZ, Rien sous la lune (Comment j’ai rencontré Cary Grant), 2007.
Ilias DRISS, Les derniers témoins, 2007.
Sophie TONNEAU, Je serai toujours là pour te tuer, 2007.
Emmanuel SCHAEFFER, Les noceurs, 2007.
Julien GUYOMARD, car ceci est mon vin, 2007
Alain Lulla ILUNGA, Confidences à l’ombre ou Le procès Diallo, 2006
Sophie COURTOIS, Des bulles et des grains, 2006
Arturo RUIBAL, Le joueur de billard, 2006.
Didier VALADEAU, Dichotomes, 2006.
Ludovic HUART, Le vol de l’hirondelle , 2006.
Michèle LAURENCE, Après une si longue nuit, 2006.
Jacques ALBERT, Dieu t’aime, 2006.
1
Elle

Ce gouffre où j’ai peur de descendre qu’on appelle la solitude. Je me sens prête à tout pour ne pas en souffrir. La solitude va se nicher au fond de soi. Elle fait comme un trou dans l’être que les autres ne soupçonnent pas. La solitude me laisse toujours désemparée. Je me sens comme piégée au fond d’une cuve dont je ne peux escalader les parois. C’est une forme d’intimité dangereuse et imprévisible. Elle me paraît plus supportable quand je suis seule à la maison. Mais c’est souvent au milieu des autres que je sens jaillir son poignard brûlant. Elle est peut-être plus déchirante encore si elle s’empare de vous quand vous faites l’amour. Elle prend parfois d’autres formes, tel le museau fouineur d’un animal en chasse dans la nuit.
Je ne comprends pas la solitude et je n’ai pas d’autres armes contre elle que ma détermination à ne pas lui céder. Quand j’entre dans un magasin, tous les gens autour de moi circulent et s’agitent comme des êtres sans consistance et ils se réduisent bientôt à un mouvement d’images anonymes et lointaines. Il n’est au pouvoir d’aucun d’entre eux de briser ce qui me les rend si vagues et si inaccessibles. C’est à de pareils moments qu’on se croit anéanti. On sent se refermer autour de soi cette prison sans murs et sans gardiens qui menace à chaque fois de ne se rouvrir jamais.
Quand quelqu’un comme toi s’approche de moi, il peut briser le sortilège. Il me donne pour un temps l’illusion qu’une autre vie est possible. Ton sang se glisse dans mon sang. Ta peau se rattache à la mienne. Mes mains se cachent dans les tiennes. Mon visage disparaît dans tes yeux. Je t’appartiens si fort, je m’oublie à tel point que les bêtes noires de la solitude vont se tapir dans leur tanière. Heureusement que tu ne peux pas lire cette frayeur cachée au fond de mon regard. Si tu venais à la soupçonner, que ferais-tu de cette part de vide ? Comment pourrais-tu me rejoindre à travers cette zone hostile et étrangère ?
Je n’ai pas d’armes pour lutter contre elle. Il me faut me battre à mains nues. La solitude me corrompt, elle m’expose au renoncement, aux lâchetés. Etre avec toi n’est sans doute qu’un baume, le réconfort d’une présence lénifiante et rassurante. La solitude naît de l’exaspération d’être soi, de n’être que soi. On peut s’en faire un titre de gloire en montrant jusqu’à quel point cette souffrance rend admirable. Mais au prix d’un plus grand effort, on peut aussi la cacher au plus profond de soi pour qu’elle y devienne indécelable.
C’est un aveu que je te fais aujourd’hui de cette solitude que je cachais derrière toi, derrière moi, partout où nous étions ensemble. Si tu l’as devinée sans jamais m’en parler, je préfère n’en rien savoir parce que j’aurais honte.
Nous naissons tous avec des démons à combattre, il nous faut affronter ces forces obscures qui nous défont de notre énergie. Quelquefois nous sommes vainqueurs. Quelquefois nous tombons à terre.
Et j’aurai vécu jusqu’au bout, n’ayant jamais cessé d’affronter l’animal odieux qui se tenait toujours tapi non loin de moi pour se précipiter et m’étouffer. La solitude qui traverse mes nuits blanches. Elle s’efface à travers toi. Elle se cache à l’intérieur de ta voix. Elle renonce à chacun de tes gestes. Ainsi, toujours prête à réapparaître, elle attend que tu disparaisses pour de nouveau montrer les dents. Je la reconnais ce soir-là, quand je comprends que tu ne reviendras plus. Quand je me mets à trembler, surprise de ce retour du vide qui se creuse en moi.
Ce soir-là je me suis mêlée à la foule pour regagner l’appartement, j’ai traversé la fourmilière humaine comme si c’était un simple désert. Ce soir-là, je m’assieds sur la première chaise venue et je reste longtemps absorbée par le mouvement de l’aiguille des secondes sur le cadran de l’horloge. Pas de musique, pas de radio. Me tenir au plus près de ma solitude pour penser à toi. Pour te projeter dans ta mort qui brûle au centre de ma vie. Ce soir-là où la solitude s’est remise à tourner sur le cadran de mes jours.

Lui

Quand on meurt on n’a plus de nom. On se contente d’être mort. Même si on avait pu se mettre dans la tête qu’on pouvait être immortel. Bien entendu on n’est pas immortel. Heureusement faut-il se dire. Maintenant que je suis mort il est beaucoup plus facile de se retourner vers cette vie qui a été la mienne, loin de toute passion et de toute émotion, à l’écart de ses enjeux, de ses gloires et de ses défaites. La finalité de cette existence est dépassée. Et voilà comment chaque vie accomplie devient son propre cimetière. Enfin regarder sa vie sans les faux-fuyants de l’avenir et de l’espoir. Le possible et l’impossible ne se font plus concurrence. Cette dialectique-là est restée dans le monde. Les déchirures ne font plus souffrir et la joie reste sans résonance. La vie se tient toujours à deux pas de la mort. On le sait mais tant qu’on vit on ne finit jamais par le croire. Voilà. Etre mort c’est peut-être avant tout pouvoir parler de sa vie. Car de la mort on ne peut rien dire non plus quand on est mort. Quand on est mort on devient aussitôt un simple personnage. On peut s’imaginer qu’on est assis quelque part ou debout dans un endroit indéterminé. Il ne peut rien vous arriver d’autre que ce qui vous est déjà arrivé dans la vie. On pourrait dire qu’on devient une abstraction dont la gratuité ferait tout le charme.
Toi aussi tu es là, quelque part ; il arrive donc qu’on puisse se rencontrer dans ce royaume. Les mots que nous disons à tout le moins semblent pouvoir aller à leur destinataire. Ce sont des entités sonores qui forment des phrases, élaborent des discours sans retenue et sans économie et qui ont apparemment gardé le privilège de pouvoir être comprises. Voilà pourquoi maintenant je parle dans cette sphère indéfinie qui n’a pas de nom. Nous parlons sans jamais nous voir mais nos voix pareilles à celles de deux esprits vont cherchant l’une et l’autre à atteindre celui ou celle qui doit l’entendre. Nous hasardons des phrases qui se croisent, parole après parole. Aucun dialogue n’est attendu cependant et nous projetons notre voix dans un espace qui se referme sur nous-mêmes.
On n’a plus envie de fumer quand on a franchi la frontière. Mais on garde la trace de l’envie qu’on a de prendre une cigarette, accomplissant machinalement et mentalement tous les geste nécessaires à l’exécution de l’opération. Alors lai

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