El Duende
97 pages
Français

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Description

Jose Ribera, torero le plus célèbre de sa génération vient de perdre la vie dans un étrange accident de voiture. Son physique ténébreux et son impavidité face aux cornes des toros fascinaient les foules. La passagère, Amaranta Ribera, épouse du torero est plongée dans le coma. Cette femme éblouissante et provocante est en fait la petite fille de Pedro Sepulvera,
le plus grand éleveur de toros bravos d’Andalousie. Edouardo Romero, persuadé de découvrir les dessous de cet inexplicable accident, mène l’enquête avec une intransigeance implacable. Ce policier suspicieux est le petit-fils de Rosa Exposito, une jeteuse de sort qui voue une haine viscérale à tous les membres de la famille Sepulveda. Cette enquête conduira le policier au coeur des mystères de l’Andalousie.
Le fil conducteur du roman, El Duende, cet impossible à dire, sorti tout droit de l’esprit occulte de l’Espagne endolorie, entraîne le lecteur, de rebondissements en rebondissements. Entre tauromachie, flamenco, vengeance et amour fou, il lui fait respirer à pleins poumons l’odeur de cette terre ocre, pleine de charbons et de pierres qui fleurent l’herbe broyée et la
salive de l’enfant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 février 2016
Nombre de lectures 9
EAN13 9782897262440
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À Julia, Constance et César,
mes trois amours
« Si tu aimes une fleur, qui se trouve dans une étoile,
c’est doux, la nuit de regarder le ciel. »
Antoine de Saint-Exupéry Le Petit Prince
L ’accident paraissait des plus ordinaires. La voiture, une Porsche 911 gris métallisé, avait percuté un arbre et terminé sa course dans le fond de la vallée, cent mètres plus bas. Les deux passagers avaient été éjectés; l’homme était mort sur le coup, la femme avait été emmenée inconsciente à l’hôpital. Le drame avait eu lieu, sans témoins, par une belle nuit de juillet. L’air était encore tiède et la lune brillait.
Le policier qui rédigeait le procès-verbal avait gardé, malgré ses trente-cinq ans, l’air d’un adolescent, avec ses cheveux brillants couleur jais, son visage au profil grec, sa peau mate presque glabre où seul un duvet naissant ombrait la lèvre supérieure. Bizarrement, il n’était pas beau et dégageait une impression de suffisance empruntée qu’intensifiait la fierté avec laquelle il portait l’uniforme. Alors qu’il examinait avec minutie la carcasse de la voiture, il s’imagina les sensations que pouvait procurer la conduite d’un tel bolide et regretta de n’être pas plus riche. Il consigna les noms des victimes, la plaque minéralogique et le fait étrange de l’absence totale de traces de freinage du véhicule.
En regagnant Castellar de la Frontera par la petite route qui serpentait à travers la plus grande forêt de chênes-lièges d’Espagne, Edouardo Romero réfléchissait aux circonstances de l’accident. Ses antennes de bombyx auguraient que la malchance n’était pas l’unique instigatrice de cette tragédie. Le mort, Jose Ribera, était le toréro le plus célèbre de sa génération. Sa silhouette impénétrable et sa témérité devant les cornes des toros fascinaient les foules. Demain matin, l'accident fera la une de tous les journaux et l'Espagne entière pleurera son idole , pensa le policier. Edouardo Romero n’était pas un aficionado et considérait la corrida comme une funeste coutume. Depuis la mort de son oncle, jeune toréro de dix-neuf ans, piétiné par un toro lors de son alternative, sa famille tout entière abominait la corrida et tout ce qui s’y rapportait. Il n’était qu’un enfant, à l’époque, mais se souvenait très bien de cet après-midi : les arènes combles, la chaleur écrasante. Il revoyait son oncle, le corps vissé sur le sable, droit comme un I pour recevoir les charges du monstre. Il est coutume que les habits de lumière d’alternative soient blancs, la couleur du mariage, et Edouardo Romero avait gardé intacte la vision du contraste des taches écarlates qui s’étendaient sur le tissu nivéen, alors que le toro s’acharnait sur son oncle, ne lui laissant pas la moindre chance. Il entendait encore les hurlements hystériques de sa grand-mère quand on évacuait le corps désarticulé du jeune toréro. En cachette des siens, Edouardo Romero s’était quelquefois risqué jusqu’aux arènes, mais il n’avait jamais été sur la même longueur d’onde que cette assistance anxieuse, dans l’attente que le pire se produise. Il ne comprenait pas ces hommes assez fous pour se dresser devant un toro et pour, par lui, affronter chaque fois leur peur.
Le policier n’avait pas connu son père. Il avait passé son enfance dans les jupes de sa mère et de sa grand-mère. Ces deux veuves cendrées, voilées de tristesse, avaient commencé à vieillir avant l’âge et personne n’aurait pu imaginer qu’elles avaient été belles. Elles paraissaient à ce point semblables qu’il était impossible de les différencier l’une de l’autre. Le policier avait été un petit garçon si timide et si pleurnichard que sa grand-mère lui disait souvent qu’elle l’entendait déjà pleurer dans le ventre de sa mère. À l’école, il devint rapidement le souffre-douleur des autres enfants se moquant sans vergogne du poltron qu’il était. Il prit l’habitude de se réfugier auprès de sa grand-mère. Il passait de longs moments avec elle; sa présence l’apaisait. Quand elle perdit la tête, à la mort de son fils Javier, Edouardo Romero fut le seul à garder avec la vieille dame un semblant de relation. Il se souvenait précisément du moment où un vacher de Pedro Sepulveda avait demandé à parler à sa grand-mère. C’était trois jours après l’enterrement. Rosa Exposito avait saisi un bâton et, avec une violence sauvage, avait réduit en poussière toute la vaisselle de la maison, hurlant comme une possédée dans une langue inconnue qu’elle parlait avec aisance. Il avait fallu l’aide des voisins pour la maîtriser et la traîner jusqu’au patio où on l’avait laissée attachée sur un petit banc, éructant des paroles énigmatiques, une bile verte aux lèvres et les yeux allumés comme ceux d’un chat dans l’obscurité. Personne ne connaissait le secret du vacher qui avait mis Rosa Exposito dans un tel état. Le soir, un vent de terre inclément et tenace balayait le sol, une pluie fine ébouriffait les arbres. Alors que sa grand-mère était toujours attachée et ne se laissait approcher par personne, Edouardo Romero s’était recroquevillé contre elle. Mouillée autant par la pluie que par sa morve et ses larmes de rage, elle paraissait dans une totale simplicité d’esprit. Perplexe, l’enfant s’était décidé à la libérer. Elle l’avait regardé sans le reconnaître. Il lui avait rapporté un peu de paella qu’elle avait mangée, sans appétit, avec les doigts. Elle lui avait adressé un vague sourire de gratitude, marmonnant un psaume inintelligible. Après cet événement, elle avait pris l’habitude de passer des heures interminables assise sur le petit banc, exposée au soleil ou à la pluie, indifférente à tout. Edouardo Romero la rejoignait souvent. Il n’essayait pas de lui parler. Il savait qu’elle était hors d’atteinte et qu’il aurait été plus facile de discuter avec un mort. Quand ils étaient ensemble, une odeur de fumée et de larmes, que l’enfant triste trouvait rassurante, flottait en permanence dans l’atmosphère. À partir de cette époque, Rosa Exposito n’avait plus laissé personne franchir la porte de sa chambre qu’elle fermait à double tour; elle gardait toujours sur elle la clef de son repère, pendue à une chaîne de cou à côté du scapulaire aux dessins effacés que portait son fils le jour de sa mort. Elle avait cessé d’être cette femme enjouée qui savait lire dans les cartes et soigner les autres. C’était comme si un châtiment étrange l’avait dépouillée de tout pouvoir surnaturel. En quelques jours, enlisée dans le bourbier de ses délires, elle était devenue une vieillarde à la peau parcheminée. La nuit, dans les phantasmes de son insomnie, on pouvait l’entendre s’agiter, pousser des cris incompréhensibles qui retentissaient dans toute la maison.
Bien des années plus tard, Edouardo Romero comprendrait que cet idiome curieux utilisé par sa grand-mère depuis la mort de son fils était celui de la tribu de Gitans dans laquelle elle avait passé toute sa jeunesse.
Sorti major de sa promotion à l’école de police, Edouardo Romero s’était métamorphosé en un jeune homme hargneux et rogue, bien décidé à prendre sa revanche sur ceux qui le raillaient alors qu’il n’était qu’un enfant. Depuis quelques années, dans le commissariat de Castellar, il faisait régner l’ordre public avec une intransigeance implacable. À plusieurs reprises, son chef lui avait reproché son excès de zèle et sa raideur procédurière. Cette nuit-là, il se réjouissait à l’avance d’avoir une affaire à élucider, car dans la petite ville de Castellar, à part quelques vols à la tire, il ne se passait pas grand-chose. La mort mystérieuse de Jose Ribera allait le sortir de la routine des PV de stationnement et des querelles de voisinage. La blessée, Amaranta Ribera, épouse du toréro, était la petite fille de Pedro Sepulveda, le plus grand éleveur de toros de lidia d’Andalousie. Dès le lendemain, si les blessures de la jeune femme le permettaient, Edouardo Romero irait l’interroger à l’hôpital.
Depuis son enfance, le policier avait souvent croisé Amaranta Sepulveda à Castellar. Cette créature de rêve, à la chevelure éblouissante, noire et lisse, ruisselant sur ses épaules, à la peau fine couleur miel et aux yeux d’améthyste le subjuguait. Il se souvint d’une féria,

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