Récits des jours et veille du livre

Monique-Lise Cohen

Description

Tandis qu'une main de femme en moi écrivait des textes positifs, argumentés, d'ordre métaphysique, historique ou poétique, l'attente des jours se déroulait dans une aridité, une pauvreté qui se répétait elle-même. La "veille du livre" raconte le roman impossible d'une écriture forgée dans la patience des jours. Les textes rassemblés ici ont été écrits sur plus d'une dizaine d'années.

Sujets

• Littérature
• Philosophie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 février 2008
• Nombre de lectures: 181
• EAN13: 9782296179073
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Récit des jours et veille du livre

Daniel Cohen éditeur

Philosophie, une collection dirigéeparJad Hatem

Partout où l’onannonce àgrandscris lafindelamétaphysique et làmêmeoù l’oncroit
pouvoirenterreren silencelalibrepensée, c’est l’homme en latotalité desonêtre eten sa
dimensiondetranscendancequiesten péril.Rien, d’une certainemanière,n’est plus
vulnérablequ’elle carelle est tout l’homme.Elles’expose àla déchéance car laliberté est
sonessence.
InsultéparAgamemnon, Achille est sur lepointdes’emporteretdetuer son rival
quand Athéna,venuel’apaiser,seplace derrièreluiet leretient par la chevelure.Il se
retourne et lareconnaît seulement pour lui.Lamain qui guérit lapassionesten même
temps lamain quidessilleles yeux.Par la conversion qu’elleopère,lasagesse est vision
del’invisible. «Nous sommes tous», ditPlotin,«commeunetête àplusieurs visages
tournés vers le dehors,tandis qu’elleseterminevers le dedans par un sommet unique.Si
l’on pouvait seretourner ou si l’onavait la chance d’avoir lescheveux tirés parAthéna,
on verraitàlafoisDieu,soi-même et l’êtreuniversel ».

Dans lamême collection:
Jad Hatem,La poésie de l’extase amoureuse, Shakespeare et Louise Labé,
Orizons,2008

ISBN978-2-296-03823-3
© Orizons, chezL’Harmattan, Paris,2008

Monique Lise Cohen

Récit des jours
et veille du livre

2008

Monique Cohen

Monique Lise Cohen afaitdesétudesdephilosophie à Toulouse.Docteurès
lettres, elle est poète, bibliothécaire etauteurdeplusieurs ouvrageset
études surdes thèmes littéraires,philosophiques,religieuxet historiques.Elle
est responsable àla Bibliothèque Municipale de Toulouse
desHébraïcaJudaïca etduCentre d’Étude etde Recherches sur la Résistancetoulousaine
(en relationavecl’IHTP) ;correspondante duCDJC-Mémorialdela
Shoah ;correspondante dela Nouvelle Gallia-Judaïca(CNRS) ; membre du
Conseild’orientationetderecherche del’ISTR(Institutdescience etde
théologie des religions)

Principales publications

Méditations à l’Orient des Cahiers, Caractères, Paris,1989.
Les Juifs ont-ils du cœur ?Discours révolutionnaire et
antisémitisme,texteprécédé d’unavant-proposde HenriMeschonnic :«Entrenature et histoire :
lesJuifs », VentTerral, Energues,1992.
Orient ce concept que «nous pouvons davantage encore étendre», Kant,1786,
CICOM, Toulouse,1994 (dir.depublication).
LescampsduSud-OuestdelaFrance,1939-1944: exclusion,internement,
déportation, Privat, Toulouse,1994 (dir.depublication).
Un jardind’inconnaissanceoùgrandit l’appel de ton nom, L’Harmattan, Paris
1997.
Vie de La Joselito selon les paroles de Carmen, avec«Coplasdel tren »de José
MartinElizondo, avant-proposdeFélix-MarcelCastan,Cocagne,
Montauban,1999.
Fragment d’un chapitre sur la résurrection (lettres, poussières et semences),
EncresVives,Colomiers,2000.
Les Juifs dans la Résistance, Tirésias, Paris 2001,(dir.depublication).
Ephraïm Mikhaël n’est jamais allé à Vienne. Précédé d’une invention de la
littérature (théorie du jugement dernier).EncresVives,Colomiers,2002.
Un souffle qui trouve sa science dans l’oubli,EncresVives,Colomiers,2003.
Histoire des Communautés juives de Toulouse, Loubatières, Toulouse,2003.
Le livre, la femme et l’enfant,Cocagne, Montauban,2005.
Récit des jours et veille du livre, coll. «Philosophie», Orizons, Paris,
2008

Hébraïca-Judaïcaà la Bibliothèque Municipale de Toulouse

Expositions et publications :

Histoire des communautés juives de Toulouse : des originesà1945(1983) ;
EphraïmMikhaëlet son temps:ou lapoésiesymboliste dans l’èreindustrielle
(1986) ;Lescampsd’internementduMididela France(1990) ;Littérature et
spiritualité(1991) ;Isaac OrobiodeCastro, Juif portugais, d’Espagne de
Toulouse etd’Europe : 1617-1687(1992) ;L’Affaire Dreyfusà Toulouse(1995) ;
Pouren finiravecl’antisémitisme(1995) ;LesJuifsdans la Résistance(1997) ;
Qu’est-cequel’humanité?(2003) ;Auschwitz:histoire,mémoire et
transmission(2005) ;EmmanuelLévinas(2006).

Film:
L’Écriture et laGuerre(2000)

MoniqueCohenestégalement
l’auteurdeplusieursdizainesd’articlesetd’études philosophiques,Actesde colloque, articlesencyclopédiquesetc.On
consultera avecprofit:
http://www.moniquelisecohen.org(textesetétudes)
http://www.resistancejuive.org(archivesdel’Organisation juive deCombat ;
études sur la Résistancejuive; forum,recherches, etc.)

RÉCIT
DES JOURS

Mère veille
epuis mon enfance, j’étais troublée inquiète,
tourmenD
tée par une question à peine formulée : «Avais-je
veillé ma mère bien-aimée ? »
Je ne me souvenais que de deux événements gravés
en moi comme le sceau du témoignage. Le premier était
une vision. J’avais alors à peine plus de deux ans, mon père
me tenait dans ses bras près d’un lit où ma mère que j’ai si
peu connue était couchée. Je savais que c’était un hôpital.
Le deuxième événement était le souvenir d’une multitude
de voix.C’était à la fin du mois de juillet ou plutôt au début
du mois d’août 1947, j’étais seule, dans une chambre qui
n’était peut-être pas la mienne ; dans la pièce à côté il y
avait beaucoup d’hommes et j’entendais leurs voix. J’avais
dans l’esprit que c’était une assemblée de médecins. Il y
avait « beaucoup de docteurs », m’étais-je dit. Phrase qui
est restée en moi. Longtemps, très longtemps après, j’ai
compris qu’il s’agissait d’hommes disant les prières et lisant
1
les Psaumes, au moment du décès de ma mère .
Nous savons de source hébraïque que le séjour des
morts avant la résurrection porte le nom de «shéol», mot
qui est de la même racine que «shééla», c’est-à-dire
« question ». La descente aushéolest une descente dans la
mort d’où l’on remonte par la force de la question.Avais-je
ou non veillé ma mère ?Dans l’attente de pouvoir même

12

MONIQUELISECOHEN

formulercettequestion,j’étaisdescendue(ou peut-êtreune
partdemoi-même) —avec elle—aushéol.
2
C’est lalecture du livre de DanielCohen,Psoas,qui
aréveillé en moi laquestion.Qu’avais-jeludanscelivrequi
m’appelaitàuneréflexion sur l’écriture et sur toutceque
j’avaisessayé d’écrire depuisdesannées ?
L’éditeurdePsoasnousavertit quel’auteuratrouvé
danscemotadmirable «Psoas» dont laracine
grecquesignifie «lombe », «rein», dequoi résumer unevieille et
longue histoire d’amour.DanielCohena accompagné et
veillésamère, et ila écrit.Toutau long du
récitdelamaladie desamère et l’accompagnement qu’il lui prodigua, avec
sonamour pourelle et savolonté farouche àlui, dans la
pauvreté,les privationset lesdifficultésdelavie, Daniel
Cohen rendpossible,peut-être àpartircette foisdu thème
hébraïque des reins,une descente
danscettematièrespirituellequ’est l’écriture.Par où seréinventelavie.
« Descente » comme cette « descente dans le char
divin» dont parlaient les mystiques juifs, audébutdel’ère
3
chrétienne, dans lescerclesde Babylonie.
Sous leterme grec,latrace del’hébreu.C’estdepuis
les reins quel’espritde Dieu souffle en vue des
résurrections littéraires.N’est-cepascequeles textesanciens nous
transmettentd’Abraham quidécouvrit — ou
inventa—àpar4
tirdeses reins,l’enseignementdela Torah?

Commencements

J’avaisdéjà commencé d’écrire,maisc’était il
yalongtemps, avant l’énoncé delaquestion
qu’avaitéveilléelalecture dePsoas.

RÉCIT DES JOURS ET VEILLE DU LIVRE

13

C’était vers lesannées 1975,unerevue féministe
m’avait sollicitéepourécrireunarticlesur laquestiondela
légitimité.L’écrituresemblait s’originerenelle-même, et
j’&#