Fragments de mur

Brigitte Lécuyer Bookless-Editions

Description

La vie quotidienne d'Emma, simple ouvrière d'Allemagne de l'Est, juste avant la chute du mur de Berlin . Plus tard, grâce à son ami Joshua, sa vie prendra un tournant inattendu...Une histoire poignante et riche en émotion magnifiquement écrite par Brigitte Lécuyer qui sait toujours trouver le mot juste.

Sujets

• Novela corta
• Nouvelles
• Fiction
• Short Stories
• Short story

Informations

• Publié par: Bookless Editions
• Date de parution: 04 décembre 2015
• Nombre de lectures: 6
• EAN13: 9782372226318
• Langue: Français

Extrait

Brigitte Lécuyer

Fragments de mur Nouvelle

© Brigitte Lécuyer – Bookless-editions Tous droits réservés Novembre 2015

Fragments de mur Il a neigé toute la nuit sur Berlin. Le ciel est devenu laiteux et comme dans un décor de cérémonie, les rues, les avenues, les gens se sont laissé surprendre par le grand manteau blanc. Tandis que la neige joue les orfèvres et sculpte ce paysage abrupt, une ombre glisse le long des murs de béton. Emma se fiche bien de la magnificence du paysage ! Elle tente seulement de garder la bouche close, malgré le vent mordant. Entre ses lèvres bleuies s’échappent des petites volutes de fumée. La femme se déplace vite malgré des bottes sans âge qui ne la protègent plus vraiment du froid. L’empreinte de ses pas laisse des cratères aussitôt comblés par la poudreuse immaculée. Ses semelles de faux crêpe s’avachissent au fil d’hivers interminables et les pieds d’Emma sont plus gelés que des icebergs. Elle se hâte dans l’aube blafarde, ignorant les sapins endormis qui telles des sentinelles au garde à vous, persistent à se parer de guirlandes moirées, seules touches de vert dans l’immensité ouatée. Par endroit, la glace crisse et craquelle. Des gémissements secs troublent à peine le silence. D’infimes morceaux de givre suintent des arbres et s’écrasent dans ce tapis vierge. Emma frissonne et remonte sur son nez rougi le cache-col de laine re-tricotée dix fois. Elle avance à l’aveuglette, tandis que les verres de ses lunettes se parent d’une buée tenace. Elle se cramponne à sa besace maintenant délestée du casse-croûte et de la soupe, la soupe roborative et si nécessaire pour tenir la cadence, une nuit entière dans les courants d’air. D’autres ouvriers emmitouflés dans des pelisses mitées, disparaissent et s’engouffrent au sein de corridors aussi étroits que des cages à lapins. À l’approche de sa maison, Emma en oublierait presque ses reins fatigués, son dos meurtri, traçant parmi les flocons qui retombent plus dru encore. M ême sans montre, Emma sait par cœur mesurer ce temps qu’il lui faut pour rentrer chez elle ! Elle en a terminé avec sa corvée journalière. L’usine, une lourde bâtisse, est située à l’autre bout de la ville, et Emma doit faire chaque jour ce même trajet usant, ce travail assommant, le seul qu’elle n’ait jamais connu. Elle déjeunera de pain noir comme le soir...