L Enfant du Carladès
203 pages
Français

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Description

Tous les jours, René passe devant la boutique de Maxime. Tous les jours, il hésite. Aujourd’hui, il se décide à entrer et à faire appel aux services de l’écrivain public. À quatre-vingt-quinze ans, il souhaite que Maxime l’aide à mettre sur le papier l’histoire de sa vie : son arrière-petite-fille doit savoir d’où elle vient ! Depuis les années 30, la Seconde Guerre mondiale, les années hippies jusqu’à l’époque moderne, la vie n’a pas épargné René et son épouse Irina. Un douloureux récit pour transmettre la sagesse et le bonheur à sa descendance…

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 23
EAN13 9782812933622
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Serge Camaille



L’Enfant du Carladès
















Tout à tour libraire, pigiste de presse, chroniqueur radio ou chef de publicité pour des journaux, Serge Camaille a désormais décidé de ne plus se consacrer qu’à l’écriture. C’est dans les campagnes d’Auvergne et du Berry, celles de ses plus jeunes années, qu’il puise l’inspiration de ses histoires.





Du même auteur

Aux éditions De Borée


Le P’tit Berlaudiot , Terre de poche


Autres éditeurs


La Main sur le sac
Passé composé
Tais-toi, Joseph !
Une belle bande
Un secret









En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© De Borée , 2017
© Centre France Livres SAS, 2016
45, rue du Clos-Four - 63056 Clermont-Ferrand cedex 2







Avant-propos




Il y avait quelques années qu’elle me trottait dans la tête cette histoire. Depuis qu’un vieux monsieur m’eut raconté un peu sa vie, un jour de dédicaces dans une petite ville de l’Auvergne profonde. De son récit, je n’ai retenu que le début, tant il était marquant. Mais, à compter de ce jour, je me suis mis à imaginer ce qui suit avec délectation. Jusqu’à l’an dernier, il me restait quand même un petit tracas : je ne savais pas où situer précisément mon histoire… Et j’ai découvert Niervèze, au-dessus de mille mètres d’altitude, dans le beau Carladès, un jour de fête du pain. J’en suis tombé littéralement amoureux ! Alors j’ai visité les alentours… Vic-sur-Cère, bien sûr, mais aussi Thiézac, Raulhac, Pailherols, Polminhac, ainsi que les estives environnantes. Je fus tellement séduit par les paysages, l’architecture, et surtout les gens, que je décidai d’y situer ce que vous allez lire par la suite.
Par contre, toutes les situations évoquées au cours de cette histoire n’ont jamais eu lieu dans ce magnifique terroir du Cantal. Le peu de chose gardé lors du récit de mon vieil ami – quelques pages seulement – se déroula dans d’autres montagnes que je ne connais pas, bien loin de notre Auvergne. Pour le reste, personnages et situations sortent tout droit de mon imagination, de mes rêveries… Alors, si l’un ou l’autre d’entre vous venait à se reconnaître par quelque biais que ce soit, ce ne serait que pure coïncidence.







Prologue




Dire que l’idée de fermer boutique m’avait effleuré encore ce matin. En baissant la petite grille qui protégeait mon échoppe, je me dis que j’avais bien fait de différer ma décision. Ce petit commerce, si on peut le nommer ainsi, je l’avais ouvert en 1995, rue du Port à Clermont-Ferrand. Voilà tout juste dix ans. Au début, l’attrait de la nouveauté et l’absence de ce genre de service en ville m’avaient drainé une belle clientèle. Qu’ils soient administratifs ou privés, j’arrivais à rédiger une bonne dizaine de courriers par jour. Je savais pertinemment que je ne ferais jamais fortune, mais, comme j’avais une activité qui me laissait du temps, j’avais décidé de le passer en ouvrant ce bureau d’écrivain public. Le reste du temps, je le passais à traduire des romans policiers et d’anticipation pour un éditeur parisien. Aujourd’hui, quand je voyais deux personnes franchir le pas de ma porte, j’étais heureux. L’émergence d’Internet et la publication d’ouvrages spécialisés dans les lettres types y étaient certainement pour beaucoup. Aussi, je me préparais à l’idée de mettre la clé sous la porte un jour ou l’autre.
Mais aujourd’hui fut une bonne journée. Ce matin d’abord, quand ce jeune garçon s’arrêta sur le seuil de ma boutique en retirant la casquette qu’il portait à l’envers, je l’invitai à entrer complètement. Il ferma la porte en murmurant « Bonjour m’sieur ! » à peine audible. Je tentai de le mettre à l’aise :
« Que puis-je pour toi ? »
Dansant d’un pied sur l’autre, il se lança :
« Ben voilà… j’voudrais écrire un mot à ma meuf… Mais un truc avec des fleurs, des p’tits oiseaux, tout ça ! Genre poète, quoi ! »
Je lui souris.
« Mais tu n’es pas un poète, c’est ça ?
– Ben non !
– Comment est-elle, ta… meuf ?
– Ouah, elle est bonne ! On dirait un peu Beyoncé, vous voyez ?
– Euh… non. Mais ce n’est pas grave. A-t-elle l’habitude que tu lui envoies des mots doux ?
– Non… Je suis nul en français !
– Eh bien voilà ! Je pense qu’il faut que tu oublies les fleurs et les petits oiseaux. On va faire autrement. Dis-moi, y aurait-il une chose qui lui ferait plaisir plus que tout, venant de toi ? »
Il réfléchit un instant, puis :
« Ah ouais… Elle voudrait que je viens avec elle au concert de Mylène Farmer ! Vous m’y voyez, vous ? J’aurais l’air con !
– Mais non, justement ! Laisse-moi faire. »
Je lui rédigeai une jolie lettre, dans sa dialectique propre, lui jurant un amour éternel avec pour preuve que je l’accompagnerais volontiers à tous les spectacles qui lui feraient plaisir, en commençant par celui de la belle rousse. Il lut ma prose, parut satisfait et repartit en se confondant en remerciements, non sans avoir posé un billet de vingt euros sur mon bureau.
Voilà le genre de client auquel j’avais à faire aujourd’hui.
Mais le meilleur arriva dès 14 heures, après que je fus allé avaler un sandwich et un café au Zanzibar , place Delille. Je venais à peine de m’asseoir quand il poussa la porte. Il portait un béret basque, une veste de velours côtelé noire sur une chemise blanche assortie d’une fine cravate. En ce milieu de mois de juin, il m’aurait presque donné chaud. De fines lunettes cerclées d’or faisaient ressortir les traits émaciés d’un visage qui pourtant respirait la fraîcheur. Lui donner un âge me sembla impossible. Quatre-vingts ? Un peu plus, peut-être. Sa canne semblait plus lui servir à lui donner de la prestance qu’à l’aider à marcher. Il avança lentement mais sûrement jusqu’au bureau, tira la chaise réservée à mes clients en demandant :
« Bonjour monsieur. Vous permettez ? »
Si je m’attendais à la voix chevrotante inhérente aux vieillards, j’en fus pour mes frais. Il avait une élocution précise, une voix claire comme de l’eau de source. Ma surprise passée, je ne pus que répondre :
« Faites donc ! »
Une fois bien calé sur son siège, il me jaugea un moment du regard avant d’attaquer :
« J’ai longtemps hésité à entrer dans votre boutique. Depuis plusieurs jours déjà, je passe devant sans oser franchir le pas. Mais il fallait bien que je me décide ! C’est qu’il faut bien reconnaître que le temps ne joue pas en ma faveur. »
Même si à cet instant il semblait chercher ses mots, il s’exprimait dans un français plus que correct. Je me demandais quel service je pourrais bien apporter à cet homme vénérable. Afin de le tirer de l’embarras dans lequel il semblait un peu patauger, je l’invitai à poursuivre :
« Si vous me disiez ce que je peux faire pour vous, monsieur ?
– Martin ! Je me nomme René Martin. Mais peu importe… Ma requête va certainement vous sembler incongrue…
– Dites toujours !
– Eh bien voilà, j’aimerais que vous rédigiez mon histoire. »
Je plissai le front.
« Comment ça ? »
Ma réaction sembla le mettre mal à l’aise.
« Oui, je me rends bien compte de l’absurdité de ma demande. Mais je n’ai pas trouvé d’autres solutions…
Devant son apparente déception, je l’invitai néanmoins à continuer. Il saisit la balle au bond :
« Eh bien voilà, j’ai aujourd’hui quatre-vingt-quinze ans et je voudrais laisser une trace de mon passage aux miens avant de partir.
– C’est louable.
– N’est-ce pas ? Ce qui m’a décidé, c’est une question que m’a pos

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