L Homme aux yeux de fille
183 pages
Français

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L'Homme aux yeux de fille , livre ebook

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Description

Jean-Pierre, trentenaire, quitte son appartement dans le quartier de la Chancellerie à Bourges et part dans le Midi pour terminer son travail de deuil. Mais c'est compter sans les lois du hasard qui mettent sur sa route Martin, le régisseur de la tournée d'été 1965 des vedettes yéyés ; Martin, l'homme qui a des yeux indescriptibles, comme ceux d'Isabelle, sa femme, qu'il vient de perdre. C'est donc aux rythmes de Cloclo, Richard Anthony, Eddy Mitchell et de bien d'autres, que Jean-Pierre va suivre la caravane de ces jeunes artistes qui tortillent des fesses, dansent le twist et crient « yéyé ! » Il découvre alors les jalousies entre starlettes, les promenades en décapotable sur les petites routes de Provence, les échanges de fumettes le soir après le spectacle… la vie de saltimbanques qui ne passent jamais deux nuits de suite dans le même lit.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 février 2015
Nombre de lectures 28
EAN13 9782365752763
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chérif Zananiri



L’Homme aux yeux de fille








L’homme aux yeux de fille , est une œuvre de fiction qui ne prétend ni représenter des personnes existant ou ayant existé, ni des événements réels ; toute ressemblance serait donc fortuite.


Chapitre 1. Tout le monde me demande si je t’aime encore

Dimanche 4 juillet 1965

Tout le monde me demande si je t’aime encore Et si je pense encore à toi. Ils me demandent de parler de mon cœur, C’est triste depuis de long mois. Je mens un petit peu, et je dis fièrement, Cette histoire est finie, Mais je dois avouer que certains soirs peut-être Parfois j’y pense et puis j’oublie. J’y pense et puis j’oublie, J’y pense surtout quand je suis seul la nuit, Et quand ton souvenir Revient me faire souffrir Très vite j’y pense et puis j’oublie. Tout le monde me demande si j’ai pleuré, Et si je pleure encore pour toi, Mais s’ils me le demandent C’est tout simplement pour pouvoir rire de moi. Si je mens un petit peu et que je dis fièrement Je n’ai jamais pleuré de ma vie, C’est tout juste si mes yeux me picotent un peu Lorsque j’y pense et puis j’oublie. Mais j’y pense beaucoup plus que je n’oublie, Car tout au fond de moi, Je sens que cet amour, J’y pense, j’y penserai toujours, J’y pense, j’y penserai toujours.

Claude François



Pour la troisième fois, Jean-Pierre regarda son chien dans les yeux et lui donna ordre de venir : « Viens le chien, il faut partir ! »
Le chien fixa son maître puis reposa sa tête sur ses pattes avant. « Allez, viens ! » L’animal demeura sur son tapis et ferma les yeux. « Pareil pour moi, j’ai pas trop envie, mais j’ai promis. Allez, on y va ! » Le chien demeura immobile. « Je sais que tu viens tout juste de t’habituer à notre appart de la Chancellerie, mais j’ai promis, alors faut y aller. Tu préfères l’autre en centre-ville ? Non, ce n’était plus possible, il fallait le quitter. »
Devant la passivité de l’animal, l’homme promis un os ; « Oui, un nonos ! » Le chien dressa les oreilles et les pointa en avant, puis aussi lentement qu’il put, se remit sur ses quatre pattes et se dirigea vers son maître, signant sa reddition.
Lechien n’était pas un animal comme les autres, c’était un ami, sorte de relique d’un ancien temps, celui des jours heureux avec Isabelle. Un regard de l’animal rappelait telle promenade le long de la Loire, tel autre geste inattendu ramenait à la surface une cascade de souvenirs, comme le jour où un flan sorti du four fut étalé sur le carrelage de la cuisine… Le chien était là pour rappeler les souvenirs doux comme la crème et sucrés comme les mûres rouges des ronciers.
« On reconnaît le chien gourmand », dit le maître devant l’animal couché sur le dos. « Tu te rends pour un os ? Ah, que c’est facile de t’acheter ! T’es un bon garçon ; viens, je te mets la laisse. » Le chien s’approcha, se fit attacher et attendit que le maître ait fermé la porte à leur départ.
« Faut qu’on descende, la voiture nous attend. »
C’était une voiture, mais ce n’était pas que cela. Pour Jean-Pierre, c’était aussi Dodoche ! Son amie depuis toujours, avec laquelle il entretenait des conversations sans fin. Depuis six mois que son épouse était partie, seuls Lechien et sa Dodoche avaient droit à ses confidences.
Il ouvrit la porte arrière de la voiture et attendit que le chien grimpât ; celui-ci détourna la tête, préférant la place aux côtés du pilote.
« Tu ne veux pas ? Tu sais, le voyage va être long, c’est mieux à l’arrière. » Le chien regarda les passants sans respect pour le maître. « Tu veux te mettre à côté de moi ? Bon allez, on y va ! » Jean-Pierre ouvrit la portière avant, l’animal sauta et s’installa sur le siège-hamac. Il attendit que le maître ait retiré la laisse, puis se cala comme pour dire : « Tu nous as assez retardés comme ça, allez, au volant ! »
Le maître fit le tour de la voiture, s’assit sur son siège et mit le moteur en marche ; il regarda le compteur, le volant, tapota le tableau de bord, puis passa la première. Il avait déjà inscrit sur une feuille l’itinéraire et se promettait de le respecter, plus par confort que par goût de l’organisation. Plus de 650 km à faire avec son amie Dodoche et son dévoué Lechien pour aller de Bourges à Narbonne .
En supportant, lui l’homme méthodique par excellence, un chien qui n’en faisait qu’à sa tête.
Toute la famille s’était rendu compte de sa tristesse, de sa profonde peine au départ de sa femme et les uns par gentillesse, les autres par pitié, décidèrent de l’entourer pour l’aider à faire son deuil. Il eut bien des sollicitations pour fuir son quotidien et courir le monde, avec frère, cousins, amis plus ou moins proches. Il refusa tout d’un revers de main, considérant que cela relevait davantage de la pitié que de véritables sentiments amicaux et qu’il était bien assez grand pour se reconstruire tout seul. Cependant, au mois de mai, son cousin Denis, installé à Narbonne, lui proposa de passer quelques jours chez lui au mois de juillet. « Entre la plage, le massif de la Clape, les randonnées, on revivra peut-être nos soirées d’adolescents. »
Peut-être !
Enfants puis adolescents, Jean-Pierre et Denis avaient été des cousins inséparables, sympathisant et vivant en symbiose. Sitôt que l’un souffrait, l’autre éprouvait les premières douleurs du cœur, sitôt que l’un goûtait avec joie un succès, l’autre s’épanouissait de bonheur. Alors oui, quelques jours avec son cousin, cet ami unique, étaient une invitation acceptable et méritaient considération. Il était temps de sortir de son tête-à-tête avec lui-même : triste, gris et sans issue
« Allez, direction Clermont. »
Ce fut à la hauteur de la commune de Levet qu’il vit le premier auto-stoppeur. Jean-Pierre regarda son chien : « Qu’est-ce t’en penses Lechien ? Il a bonne tête ou pas ? » L’animal grogna et le maître prit cette réaction pour réponse négative : « D’ailleurs, pourquoi s’encombrer d’une personne antipathique, qui ne va pas aligner trois mots, qui va pomper le même air que toi, qui va t’envoyer ses relents de tabac ? Non, on continue à deux ! » Ils roulèrent quelques kilomètres sans voir âme qui vive sur le bord de la Nationale, puis soudain, sans doute, du fait de la configuration de la route, un grand nombre de jeunes, debout sur le bord, portaient un carton sur lequel était inscrite leur destination. « On ne peut pas passer à travers. Y en a plein et puis faut le dire, on a de la place dans la voiture ; ce n’est pas charitable de les laisser tous. Alors autant choisir ! »
Il regarda à nouveau son chien : « Lequel ? Tu as un critère ? » L’animal ouvrit grand la gueule et bailla avec délectation. « C’est comme ça que tu réponds ? Tu ne m’aides pas beaucoup, Lechien. Pas gentil ! Allez l’ami, il faut s’ouvrir au monde ! »
Jean-Pierre ralentit et comme dans un supermarché, balaya du regard les auto-stoppeurs alignés. « J’en vois un au loin ; celui au pantalon pattes d’éléphant. Tu vois, le troisième à partir de celui du poteau. J’ai l’impression qu’il est sympa. Il a l’air de sourire alors que peut-être, il s’agit d’une grimace au soleil. Qu’en penses-tu ? » Le chien fit « hum » et l’homme prit cela pour un oui ; il rétrograda et s’arrêta aux côtés du jeune homme.
« Où allez-vous ? dit Jean-Pierre.
– Si tu veux bien, je vais à Clermont. »
Le tutoiement que l’homme imposa, déstabilisa le chauffeur : « Oui, je veux bien, c’est là que je m’arrête ce soir. Si vous voulez, je descends pour vous ouvrir le coffre. »
– Te bile pas, je peux le faire, reste au volant. »
Il ouvrit la portière arrière et lança toutes ses affaires en vrac, y compris une guitare dont l’étui était cabossé par endroit, puis se dirigea vers l’avant de la voiture et vit le chien à la place du passager. Sans se démonter, il ouvrit la portière, osa prendre le chien et le plaça avec douceur à l’arrière sur ses affaires. Il s’assit et tendit la main à Jean-Pierre : « Je m’appelle Jess.
– Bonjour Jess.
– Disons qu’on m’appelle Jess, mon vrai nom est Roland, mais je trouve que Jess c’est plus dans l’air du temps. Qu’en penses-tu ? »

***

« Je voulais te remercier, dit Jess au bout de quelques minutes.
– Oh, y a pas de quoi. J’allais pas faire cette longue route tout seul, autant prendre quelqu’un de sympa. »
Le chien, comprenant sans doute la teneur de la conversation, grogna pour rappeler sa présence.
« Merci encore, mais tu ne me connais pas, je suis peut-être pas quelqu’un de bien, qu’en sais-tu ?
– Oh, je n’en sais rien et puis, qui est vraiment bien ? Peut-être que je ne suis pas mieux de mon côté.
– J’suis même pas majeur !
– Ah

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