L impossible oubli
263 pages
Français

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Description

Grâce à son courage et à sa détermination, Carmen a réussi à soustraire le petit Simon aux autorités allemandes d'occupation. La jeune femme est en passe de devenir institutrice titulaire et c'est une nouvelle vie qui s'offre à eux auprès de la mère Michalon, une vieille dame dont la famille a été décimée pendant la guerre. Ensemble, ils tentent de panser leurs plaies et de retrouver un bonheur et une tranquillité qu'ils croyaient à jamais perdus. Pourtant, lorsque le directeur du lycée que fréquente Simon convoque Carmen, elle comprend qu'elle n'en a pas terminé avec l'injustice et la méchanceté des hommes. Même si la paix est revenue, certains esprits, eux, sont encore empreints du sceau de la haine. A nouveau, elle va devoir protéger cet enfant qu'elle considère comme son fils. Mais en l'aidant à retrouver ses racines, ne risque-t-elle pas de le perdre à jamais ?

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 139
EAN13 9782812933950
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Christine Navarro



L’Impossible oubli
















Christine Navarro a toujours eu le goût de l’écriture. Journaliste de métier, elle a également enseigné la littérature. Elle se consacre aujourd’hui à son activité d’auteur. Elle est aussi passionnée de musique et joue du saxophone. L’Impossible Oubli est son cinquième roman aux éditions De Borée.





Du même auteur

Aux éditions De Borée


L’Échappée belle
L’Éventail d’ivoire
La Chevelure d’ébène
Le Temps d’un été, prix Vague des Livres 2006, prix du Lions Club Montluçon 2007









En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© De Borée , 2017
© Centre France Livres SAS, 2017
45, rue du Clos-Four - 63056 Clermont-Ferrand cedex 2








Première partie







I




– Papa ! Vous ne devinerez jamais qui j’ai rencontré aujourd’hui !
M. Fougerolles regarde sa fille d’un œil attendri. Surpris aussi. Il demeure toujours étonné que les événements passés semblent avoir laissé si peu de traces dans la mémoire et le caractère de l’adolescente. Adèle reste la même qu’avant la guerre, comme si tout ce qui vient de se produire n’avait été pour elle que de très grandes vacances, et qu’elle n’ait jamais réellement pris conscience de la situation.
Il devrait s’en trouver heureux : il a tout fait pour cela, justement. Cependant, il se demande parfois si l’insouciance de sa fille ne démontre pas, en dépit de ses soins, un peu d’égoïsme. Il n’aimerait pas la voir devenir superficielle, en grandissant.
Lui a beau faire, il ne peut oublier. Le voudrait-il que chaque matin, devant son miroir, ses cheveux prématurément blanchis lui rappelleraient vite les drames qui ont bousculé le monde et sa propre existence. La guerre est loin maintenant. Pourtant, il ne cesse d’y penser.
Des images le hantent : l’épuration, les exécutions sommaires, les femmes tondues, les bassesses vengeant une humiliation ruminée pendant des années. Bien plus encore peut-être que le conflit lui-même, elles ont laissé en lui des traces indélébiles. Il a découvert avec effroi la face obscure de l’humanité. Il aurait préféré ne jamais la connaître.
Elles rendent amer même son propre combat, ses compagnons, la Résistance et ses héros anonymes, ces sacrifiés de l’ombre aujourd’hui laissés pour compte, parce que le monde, dans la liesse de la vie et de la liberté retrouvées, préfère les oublier. Il se demande quelquefois s’ils ne sont pas tombés pour rien.
Il secoue la tête pour chasser ces pensées sombres. Il lance même un sourire à sa fille, qui sautille autour de sa chaise, tout excitée par la nouvelle qu’elle veut lui apprendre.
– Qui as-tu rencontré, ma fille ?
– Ah ! ça, mon papa, il faut que vous le deviniez. Vous avez droit à cinq questions. Et un gage si vous ne trouvez pas.
– Ça serait quoi, le gage ?
– Ça fait une question !
– Hé là ! Tu triches ! Ça ne fait pas partie du jeu.
– Bon. D’accord. C’est bien parce que c’est vous.
Elle le prend affectueusement par l’épaule, s’installant sans façon sur l’accoudoir du fauteuil où il est assis. Il a un mouvement de recul à ce contact. Toujours ces vieilles réminiscences : il sursaute et se tient immédiatement sur le qui-vive lorsqu’il est surpris par un geste trop brusque et trop proche. Là, ce ne sont plus les images de foule ivre de vengeance qui l’assaillent. D’autres cris lui vrillent les oreilles, ceux qui résonnaient et se répercutaient contre les murs sombres, lors des longues marches dans les couloirs interminables, aux portes alignées et closes, derrière lesquelles montaient des hurlements. Des salles d’où l’on ressortait évanoui, le corps brisé de souffrance, se demandant toujours si l’on n’avait pas parlé.
À nouveau, il jette le front en arrière pour se débarrasser de ces visions qui le hantent. Mais les souvenirs ont la peau dure. Et ils sont tenaces. Voilà maintenant qu’ils le ramènent encore plus loin en arrière, bien avant que tout cela n’ait débuté.
S’il n’avait, bien évidemment, aucune confiance dans le Front populaire, incapable à son avis de prendre la moindre décision, l’arrivée au pouvoir de Daladier avait suscité en lui un renouveau d’espoir, même s’il avait fulminé en le voyant tout accepter des Allemands sans contrepartie. Il avait fini tout de même par admettre que, peut-être, la paix était à ce prix. Et lorsque le président du Conseil était revenu des accords de Munich en promettant qu’il n’y aurait pas la guerre, Amédée Fougerolles l’avait cru, ainsi que bien d’autres.
Il aurait dû se méfier. Ses filatures, qui tournaient déjà plutôt bien, avaient eu soudain du mal à répondre à la demande. Il fallait du drap, de la ratine, d’innombrables pièces de coton, des étoffes de laine. Rouges, bleu horizon, bleu roi, et kaki. Surtout kaki. Il se demande aujourd’hui comment de telles commandes ne l’ont pas alerté. Seulement, il avait tellement en tête le souci de son entreprise qu’il ne voyait là qu’une aubaine : le filage, le bobinage, l’ourdissage, le tissage tournaient à plein régime. Lorsqu’il traversait les ateliers en écoutant le battement régulier des métiers et le ronronnement des moteurs et des courroies, il ressentait une satisfaction heureuse. Il ne se posait pas de questions. Les ouvriers non plus, qui chantaient en travaillant, si fort qu’ils parvenaient parfois à couvrir le bruit des machines, contents et fiers du travail bien accompli.
Et puis la guerre, en dépit de toutes les promesses, avait éclaté. Une guerre éclair dans laquelle les soldats, tout vêtus de neuf des tissus des usines Fougerolles, de Saint-Étienne, n’avaient eu qu’à peine le temps de salir leurs uniformes avant de se retrouver, au mieux prisonniers, au pire tombés dans la boue des Ardennes. M. Fougerolles avait au moins la consolation de leur avoir fourni de bons vêtements chauds. De quoi résister aux hivers allemands. Pour ceux, du moins, qui n’étaient pas « morts pour la France », comme on disait lors des discours officiels.
Face à ce qu’il fallait bien qualifier de défaite, un nouvel événement lui avait cependant redonné courage. En mars 1941, le maréchal Pétain en personne était venu à Saint-Étienne. Sur le parcours du cortège, la cité stéphanoise en liesse avait crié son admiration et son affection au « sauveur de la France ». On avait massé au premier rang près de trente mille enfants, qui faisaient la haie et manifestaient joyeusement leur enthousiasme. La foule, en l’acclamant, chantait la Marseillaise .
La journée avait été somptueuse. Place Fourneyron, le nouveau chef de l’État avait déposé solennellement une gerbe au monument aux morts de la Grande Guerre, puis pris place à la tribune tricolore d’où, au milieu de l’émotion générale, il avait prêté le serment de la Légion des combattants. À tous les anciens soldats, les grands mutilés en tête, il avait serré la main longuement. Les hommes pleuraient tandis que les enfants agitaient leurs drapeaux tricolores en s’égosillant :
– Vive Pétain !
Sur la place de l’Hôtel de Ville, une foule immense avait écouté le discours social prononcé du haut du balcon central de la mairie. À plusieurs reprises, les applaudissements, les hourras d’exaltation, et aussi de vibrantes Marseillaise avaient interrompu l’orateur.
Au puits Couriot, ensuite, Pétain avait parlé aux mineurs aussi simplement qu’aux élèves de l’École des mines alignés dans leurs beaux uniformes, leur posant des questions, écoutant leurs réponses.
– Nous n’avons qu’un seul moyen de surmonter nos difficultés : travailler sans cesse, travailler encore ! Que personne ne recule devant la besogne, leur avait-il lancé dans un appel solennel.
Sur la colline qui domine le puits, couverte de spectateurs, un seu

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