La conquistadora
188 pages
Français

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La conquistadora , livre ebook

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Description

L'histoire tumultueuse d'un personnage qui fut une légende dans l'Espagne du XVIIe siècle : Catalina de Erauso, une nonne qui s'illustra dans l'armée et se fit passer pour un homme toute sa vie.






Séville, 1630. Miguel de Erauso n'a jamais connu son père, tué en duel trois mois avant sa naissance. Le jour de sa mort, sa mère lui confie une terrible mission : venger son père, retrouver l'assassin qu'elle-même s'est en vain épuisée à chercher. Un assassin que son identité rend encore plus haïssable : la propre sœur du défunt, Catalina de Erauso. Une femme ? une nonne ! Une bretteuse impitoyable qui se fait passer pour un homme depuis qu'elle s'est évadée d'un couvent, à l'âge de quinze ans. Un lieutenant récompensé par Philippe IV pour ses faits d'armes dans l'armée espagnole au Nouveau Monde. Et disparu depuis.
Pour retrouver Catalina, Miguel ne dispose que de ses Mémoires, publiés du temps de la gloire de la nonne militaire. Porté par son désir de vengeance, il va refaire le parcours tumultueux de cette femme faite homme, de l'Espagne au Nouveau Monde, en passant par Panamá, le Pérou, le Chili..., interrogeant ceux qui l'ont connue afin de retrouver sa trace.
Mais peu à peu, la poursuite va se teinter de curiosité, les questions vont fragiliser les certitudes, la fascination pour cette tante ambiguë et indomptable se mêler à la haine. Transformé en chasseur par sa proie ? toujours en fuite après quelque aventure scandaleuse, ne se liant durablement à aucun lieu ni à personne ?, Miguel va insensiblement partager un destin qu'il réprouve.
Eduardo Manet, Cubain ayant adopté la France comme patrie et le français comme langue, s'est imposé au cours des dix dernières années comme une importante figure de la fiction française contemporaine. Il nous livre ici un magnifique roman épique.





Le colonel Perez-Huerta était dans un état d'ébriété tel, qu'il me parut incapable de m'apprendre quoi que ce soit sur Catalina. Mais lorsque j'évoquai Païcabi, la brume qui obscurcissait ses yeux se dissipa, et, fendant l'air de ses bras comme s'il donnait des coups de sabre, il commença le récit de cette terrible bataille où Catalina, sous le nom de Diaz, fit preuve d'un héroïsme qui nourrit longtemps sa légende.
" Le lieutenant Diaz était un homme modeste, don Miguel... il n'a jamais raconté tous ses exploits. Moi, je me souviens de tout comme si c'était hier. Nous voulions mettre fin aux attaques répétées des Indiens dans cette partie du Chili. Mais ils étaient bien plus nombreux, nos troupes étaient affaiblies, et cette fois encore, ils avaient donné l'assaut par surprise. Nous étions débordés, assaillis par leurs cris et leur désordre. Ils attaquaient de toutes parts sans que nous puissions organiser utilement nos troupes. A plusieurs reprises, le lieutenant Diaz a tenté de les prendre à rebours avec quelques hommes qu'il entraînait de sa ferveur. Nos hommes tombaient en nombre. Il persistait. Lorsqu'un chef Indien a tué notre lieutenant d'enseigne... emportant le drapeau de la compagnie. En voyant notre emblème partir dans ces mains païennes, la rage m'a pris, j'ai tué deux de ces incrédules qui criaient déjà victoire. C'est alors que, profitant de l'indécision du moment, Diaz s'est lancé à la poursuite du cacique. Une vraie folie ! Nous n'étions plus que quelques-uns à pouvoir le couvrir. Deux des nôtres ont eu le courage de le suivre. Tandis que je me battais contre deux nouveaux attaquants, j'ai pu le voir franchir une première barrière d'Indiens massés sur son passage, le cheval au galop, son épée tourbillonnant... rien ne semblait pouvoir l'arrêter. Mais des hommes... combien étaient-ils ? au moins vingt... cinquante, sont parvenus à arrêter Diaz et ses compagnons. Ceux-ci sont tombés. Mais Diaz, cet enragé de Diaz, se battait comme un dieu, plus sauvage que les sauvages. Il répondait à chaque coup. Les Indiens n'ont pas tardé à l'atteindre. Mais même blessé, il continuait. Rendez-vous compte ! Il est parvenu a décapiter le cacique et à lui arracher le drapeau des mains ! Cet acte d'héroïsme a réveillé notre courage et notre espoir, tandis que la mort du cacique provoquait la panique chez les siens. Ils ont fui devant notre assaut. Diaz s'est effondré dans mes bras. Couvert de sang. Blessé en six endroits. Qui peut oublier un tel exploit ? "








Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 octobre 2010
Nombre de lectures 70
EAN13 9782221120347
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0112€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MÊME AUTEUR
chez le même éditeur
Maestro , 2002, grand prix Télégramme .
chez d’autres éditeurs
Romans
La Mauresque , Gallimard, 1982, prix Jouvenel de l’Académie française.
Zone Interdite , Gallimard, 1984.
L’Île du lézard vert , Flammarion, 1992, prix Goncourt des lycéens.
Habanera , Flammarion, 1994.
Rhapsodie cubaine , Grasset, 1996, prix Interallié.
D’amour et d’exil , Grasset, 1999, prix Relais H.
La Sagesse du singe , Grasset, 2001.

Mes années Cuba (récit autobiographique) , Grasset, 2004.
Pièces de théâtre Une quinzaine de pièces parmi lesquelles :
Les Nonnes , Gallimard, 1969, prix Lugné-Poe. Reprise au Poche-Montparnasse, février 2005.
Eux ou la Prise du pouvoir , Gallimard, 1971, production Comédie Française/Petit Odéon, 1975.
Le Jour où Mary Shelley rencontra Charlotte Brontë , Gallimard, 1971, production Comédie-Française/Petit Odéon, 1975.
Holocaustum ou le Borgne , Gallimard, 1972, Théâtre de l’Athénée, 1971.
Un balcon sur les Andes ; Mendoza en Argentine ; Ma’ Déa , Gallimard, 1985, coproduction Nouveau Théâtre de Nice/Grand Théâtre de l’Odéon.
Histoire de Maheu le boucher , Actes Sud-Papiers, 1986, prix Avignon Off 1987.
Monsieur Lovestar et son voisin de palier , Actes-Sud, 1996, Comédie de Genève, 1996.
Lady Strass , pièce en trois volets, Avant-Scène, 1977 ; version anglaise, UBU Théâtre de New York, octobre-décembre 1996.
Viva Verdi , Actes-Sud, 1998 ; création mondiale en mars 2004, Fontainebleau.
Raconte-moi Rachel , projet de création 2005-2006.
Eduardo Manet
La Conquistadora
roman
© Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 2006
EAN 978-2-221-12034-7
À Elsa Rosenberger, qui m’accompagna au cours de ce long voyage avec compétence et loyauté. Toute ma gratitude.
Première partie
1
Un secret de famille

Je viens d’avoir quarante-six ans, le temps pèse sur mes épaules. Pourquoi revenir sur le passé ? À quoi bon revisiter ces années pendant lesquelles je n’étais qu’un arc tendu, un chasseur à l’affût ? À quoi bon remuer les cendres, faire revivre les ombres ? Ces questions ont hanté mes nuits. Et pourtant, me voici à cette table où, enfant, je faisais de la calligraphie sous l’œil vigilant de ma mère. Me voici disposant de tout le nécessaire pour noircir des pages pendant des nuits entières : plumes d’oie, encre de Chine, buvards… Quel sera le destin de ces Mémoires ? Seul le temps pourra le dire. Pour l’instant, j’obéis à une impulsion. Écrire. Laisser courir la plume.
Écrire pour moi et pour les ombres de celles et de ceux qui m’ont aimé et qui m’ont aidé tout au long de ma quête. Ma mère, doña Pura, Ivoire. Le comte de la Niebla, Pedro Bergusa, les frères Ariza. Mon père. Ces fantômes qui m’accompagneront jusqu’à mon dernier souffle. Peut-être est-ce cela la vérité profonde qui me guide ?
Mais j’écris aussi pour elle, ma cible et ma proie : Catalina de Erauso, ma tante et mon ennemie. Écrire pour donner forme au passé, dialoguer avec l’absente, démêler l’écheveau des souvenirs et me confronter à elle. Catalina la fière, la colérique, la meurtrière… Catalina la fugitive. Créature singulière, énigmatique. Homme et femme. Duelliste et dévote. Personnage héroïque qui mit tout en œuvre pour créer sa propre légende. Elle appartenait à la race des conquérants sans foi ni loi, capables de changer le cours de l’Histoire à la pointe de l’épée. Catalina la Conquistadora.
Par sa violence et son charisme, elle séduisit le Nouveau Monde et ses Mémoires envoûtèrent l’Espagne.

Moi, doña Catalina de Erauso, je suis née en la ville de San Sebastián de Guipúzcoa, l’an mil cinq cent quatre-vingt-cinq, fille du capitaine don Miguel de Erauso et de doña María Pérez de Galarraga et Arce, natifs et bourgeois de ladite ville. Mes parents me nourrirent dans leur maison avec mes autres frères jusqu’à l’âge de quatre ans. En mil cinq cent quatre-vingt-neuf, ils me firent entrer au couvent de San Sebastián el Antiguo, lequel est des nonnes dominicaines. Ma tante doña Ursula de Unza y Sarasti, cousine germaine de ma mère, en était prieure. J’y fus tenue jusqu’à l’âge de quinze ans […]. J’étais presque au bout de mon année de noviciat, lorsque je me pris de querelle avec une nonne professe nommée doña Catalina de Aliri, laquelle étant veuve était entrée au couvent et y avait fait profession…
Fière, elle l’était déjà. En suivant sa trajectoire, j’ai eu l’impression d’un destin tout tracé, d’une ligne droite surgie, nette, de ce premier affront insupportable. Une nonne plus âgée qu’elle l’offense ; Catalina se défend à coups de poing. Les règles du couvent sont strictes. La novice est punie, contrainte de présenter des excuses à son aînée. J’imagine sa rage, son dépit, sa soif de vengeance. Or, voici que pour célébrer saint Joseph, la communauté se lève à minuit afin de chanter les matines. Catalina pénètre dans le chœur et y trouve sa tante agenouillée. La vieille prieure confie à sa nièce la clef de sa cellule et lui demande de lui rapporter son bréviaire. Une preuve de confiance que Catalina de Erauso trahit aussitôt avec une audace, une présence d’esprit et une absence de scrupules qui ne faibliront jamais. Dans la cellule, elle voit, pendues à un clou, les clefs du couvent.
C’est le déclic.
Elle laisse la cellule ouverte et rapporte à sa tante la clef et le bréviaire. Les sœurs sont en prière. Leurs voix s’élèvent, solennelles. Le chœur résonne avec ampleur. La novice s’approche de sa tante et lui murmure à l’oreille qu’elle ne se sent pas très bien. La religieuse caresse la joue de sa nièce et lui accorde la permission d’aller se recoucher.

J’allumai une chandelle, retournai à la cellule et, y ayant pris, outre les clefs du couvent, des ciseaux, du fil, une aiguille et quelques réaux de huit qui traînaient par là, je sortis, ouvrant et refermant les portes. À la dernière, qui était celle de dehors, j’ôtai mon scapulaire et me lançai dans la rue, sans l’avoir jamais vue ni savoir de quel côté tirer ni où aller.
En quelques secondes, Catalina prend la décision la plus grave, la plus radicale qui soit : tout quitter, se lancer dans l’inconnu, partir sans se retourner. J’apprendrai plus tard que la chose qu’elle craignait le plus était la prison. Fille et petite-fille de marins, la liberté de mouvement et le besoin d’espace coulaient dans son sang et irriguaient sa chair. J’étouffe entre quatre murs , écrira-t-elle. Rêvait-elle sa fuite depuis longtemps ? Quoi qu’il en soit, elle sut saisir le hasard lorsqu’il se présenta et débuta son aventure en se cachant trois jours durant dans une châtaigneraie. L’éducation au couvent lui avait enseigné bien des choses utiles. C’est ainsi qu’elle tailla le drap de sa robe pour se confectionner un habit et se coupa les cheveux, afin de mieux ressembler à un garçon. Ce qu’elle mangea, ce qu’elle but pendant ces trois jours, elle ne le dit pas. La troisième nuit elle prit la route et, à travers coteaux et villages, atteignit Vitoria, à une vingtaine de lieues de San Sebastián.
Elle n’avait que deux ans lorsque l’un de ses frères, Miguel, alors âgé de dix-sept ans, devint marin, selon la tradition familiale, et partit pour le Nouveau Monde où il rejoignit l’armée. Bien des années plus tard, au Chili, le capitaine de Erauso rencontra doña Beatriz de Bobadilla, fille du comte de Chinchón. Un enfant naquit de ce couple.
Cet enfant, c’est moi, Miguel de Erauso.
Je suis né à Concepción en 1615. Je n’ai pas connu mon père qui est mort cinq mois avant que je vienne au monde. Après ma naissance, ma mère est restée trois ans au Chili. Parfois, dans mes rêves, je crois voir un petit garçon se promener en compagnie de Pura, sa nourrice, qui ne le quitte jamais. « Je suis ton ombre, Miguelito », dit-elle.
Doña Pura lui apprend une langue qu’elle seule semble connaître.
« Agur. Exe. Bai …
— Pourquoi maman ne parle pas comme toi, Pura ?
— Parce que ta mère est Andalouse. Moi, je suis Basque, comme ton père. Et ta maman veut que tu apprennes le basque, Miguelito, pour pouvoir t’adresser à lui dans tes prières. »
Ma mère ne m’emmenait jam

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