Ne reviens pas sur tes pas
109 pages
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Description

Michèle, la cinquantaine, mène une vie morne depuis la disparition de son mari. Aussi, quand Irène, sa belle-fille, dont le couple est en danger, lui demande de la rejoindre pour quelque temps au Chili, elle accepte d'entreprendre ce voyage outre-Atlantique.
Mais à son arrivée, tout semble aller pour le mieux. Pourquoi alors l'avoir fait venir ? Autre fait troublant, la domestique de la maison, Teresa, lui assure qu'elle lui rappelle quelqu'un.. et lorsque Michèle rencontre Francisco, elle est sous le choc : cet homme ressemble tellement à Henri, son mari, que c'est le coup de foudre. Une bien troublante coïncidence...



L'auteur : Catherine Moret-Courtel a suivi des études supérieures scientifiques. Devenue cadre dans l'industrie pétrolière, elle a effectué de nombreux séjour à l'étranger. Elle partage aujourd'hui avec nous son goût du voyage à travers ce premier roman dans la collection Terres de femmes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2014
Nombre de lectures 8 714
EAN13 9782812914232
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Extrait
1

Pour la dixième fois, au moins, elle pensa qu’elle était folle de s’être embarquée dans une telle aventure.
Embarquée était bien le mot puisqu’elle s’avançait un peu de biais dans l’allée étroite, son sac de voyage à bout de bras devant elle, à la recherche du siège qui lui était attribué.
Elle le trouva, vérifia sur le billet, déposa son bagage dans le coffre qui bâillait et s’installa rapidement pour ne gêner personne.
Manière de se donner de l’assurance, elle prit le temps de se caler confortablement. Attacha, puis relâcha un peu sa ceinture. Jeta un coup d’œil oblique sur son voisin qui venait de s’asseoir et dont les cuisses épaisses lui barraient l’accès au couloir. S’absorba, au travers du hublot, dans la contemplation d’un ciel noir au-dessus des lueurs froides de l’aéroport.
Un peu étourdie. Angoissée.
Oui, réellement angoissée, même si elle s’appliquait à n’en rien laisser paraître. Ce voyage, elle l’avait décidé sur un coup de tête. Une opportunité. Mieux, une nécessité. Maintenant, elle ne le regrettait pas, non, enfin pas tout à fait. Mais elle s’affolait un peu. Elle n’était jamais partie aussi loin et rarement en avion. Ses pensées se saturaient de crainte confuse, d’un pressentiment infondé jusqu’à la nausée.

Oui, elle se sentait mal.
Autour d’elle, tout le monde semblait se carrer comme dans un bus. On attend. On fait la queue. On piétine. On monte. On s’installe.
Nuance, il y avait des hôtesses ! Elle avait bien observé ses consœurs louvoyant entre humilité et dédain, et elle avait constaté que même Cléopâtre, la caissière de son hyper, célèbre pour ses maquillages de péplum, ne leur arrivait pas à la cheville. Elle avait remarqué aussi que certains passagers se contentaient de lâcher, en guise de salutation, un vague marmonnement en passant. Ou même rien du tout. Sans même leur adresser un regard.
Détail qui l’avait choquée. Avec une certaine amertume. Après s’être rendu compte que, d’une catégorie d’hôtesses à une autre, la politesse demeure rare, en dépit du ramage bilingue et du plumage glamour, elle a râlé intérieurement, en songeant à son propre boulot d’« hôtesse de caisse ». De « caissière » d’un hyper, comme on disait quand on n’avait pas encore imaginé qu’une expression ronflante pouvait gommer le peu d’attrait d’une activité ingrate et mal payée !
De toute façon, elle n’est plus caissière. Ou plus pour longtemps…
Elle soupire et revient à l’instant présent.
Tout le monde a plié ses petites affaires, tenté de les ranger avec un grognement exaspéré à l’adresse du passager qui s’octroie la moitié de la place et gêne la fermeture des coffres avec sa valise à roulettes, mais « au format autorisé », explique ce dernier avec hauteur. Puis on s’est assis en fouinant dans la documentation ou en plongeant le nez dans des journaux… comme pour un trajet de rien du tout.
Sauf que là, incrédule, elle vérifie, calcule à nouveau.
Il y en a pour presque vingt heures, escale comprise.
On est en début de soirée, on arrivera le lendemain en fin de matinée, en gagnant illusoirement quelques heures sur le temps de trajet grâce au décalage horaire.
Elle hausse la tête. Regard panoramique du fond de son siège.

Cet avion, c’est une boîte. Une carlingue. Mot dont la consonance dure et métallique vous relègue au statut d’humains entassés comme des sardines dans leur fer-blanc. Avec un peu d’irritation. Cohabitation forcée. La courtoisie ne s’impose pas. Chacun devient le gêneur d’un autre.
Immobilité infligée, que personne n’accepterait dans d’autres circonstances. Dangereuse. Il faut bouger de temps à autre car le premier vol de plus de dix heures va faire gonfler épouvantablement les jambes.
Au pire, risque de thrombose veineuse.
Elle se remémore la liste des conseils, n’ose sortir le papier qui est dans son blouson, mais s’assure de sa présence en tâtant le vêtement.

Ne pas prendre de boisson gazeuse ou d’aliments qui fermentent dans l’intestin, cela engendre des effets déplaisants avec la légère dépressurisation, penser aux voisins.
Boire beaucoup, mettre une crème hydratante, hygrométrie de dix pour cent seulement…
C’est ce que lui a expliqué sentencieusement Sylvie en lui vendant son billet.
Parfois, elle pense que Sylvie, qui la connaît un peu, ne la juge pas totalement demeurée, non, mais la prend pour une vieille dame très inexpérimentée.
Un peu nouille, quoi.

C’est le côté sans nuance de Sylvie : y a ceux qui assurent, moins de trente ans, toutes leurs dents, et y a les vieux. Pour Sylvie, on est vieux à trente ans et un jour…
À plus de cinquante ans, Michèle ne s’en formalise pas.
Sylvie est gentille malgré un peu de brusquerie. Et débrouillarde. Elle lui a dégotté un billet low cost inespéré. Dans une belle pochette, plus un tas de recommandations, écrites avec des pattes de mouche et des ratures au dos d’un devis rageusement barré.
Michèle a soigneusement conservé la page gribouillée, l’a fourrée dans sa poche comme un talisman, un peu émue que cette jeune femme à l’allure très gothique, responsable de la boutique « Voyages » de l’hyper, ait eu la délicatesse de lui fournir des réponses à toutes les questions qu’elle avait en tête sans oser les poser.
Minimum de vocabulaire en castillan. Pas n’importe quel « espagnol », voir aussi les expressions usuelles ; par exemple, on dit souvent ya au lieu de sí. Décalage horaire, monnaie, température (attention, l’océan est froid), chaussettes de contention, aspirine, boire beaucoup…
La liste est émouvante. Et Sylvie remarquablement informée. Pas étonnant que l’agence qu’elle gère marche si bien.
Michèle s’était retenue de lui sauter au cou car elle pensait qu’elle aurait été importune. Maquillage et vêtements y sont pour beaucoup. Autre monde. L’œil charbonneux, les griffes noires, les clous et les chaînes vous gardent à distance. Alors, parce qu’elle l’aime bien, la sait rebelle et assez versée sur les potins, elle lui avait confié, à elle la première, son secret. Qui n’en serait plus un !
– Sylvie, vous ne devinerez jamais, je change de boîte…
– Attendez, j’ai mal compris, vous filez votre dem’ ?
– Eh oui, j’ai trouvé un boulot plus sympa.
– Michèle ! Mieux payé, j’espère.
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