Un si joli petit village
237 pages
Français

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Un si joli petit village , livre ebook

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Description

Jean-Luc Dudonjon a grandi dans un village de la campagne berrichonne. Devenu parisien et cadre d'une grande entreprise, le sort de son village le touche. Il décide de se présenter aux élections municipales. Son projet économique a pour but de redonner vie à ce village en péril. Mais sa candidature, puis son élection, diviseront, profondément et durablement, les habitants du village et des alentours. Un si joli petit village, c'est l'histoire d'une commune rurale, et de toutes les autres...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 février 2015
Nombre de lectures 49
EAN13 9782365752787
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean-Yves Fontenaille



Un si joli petit village




Roman des Terroirs de France





À Madeleine MANGIN-FONTENAILLE

À Cyril, Appoline et Ambroise mes trois enfants

À Michèle
À Marie et Suzanne GONIN (Creuse)

À celles que je n’ai pas su aimer autant qu’elles le méritaient, à NB

À Nelly

À tous ces êtres exceptionnels de ma famille
dont les exemples m’ont incité à croire, à vouloir,
à entreprendre, à espérer.

À toutes celles et ceux qui m’ont courageusement aidé
quand j’étais leur maire. Ils se reconnaitront.


Partie 1


1

– Ça pleut !
Nénesse, Émile et Gaston se redressèrent, lentement, pour regarder à travers les carreaux embués, déjà. Les deux premiers approuvèrent, sans un mot, à leur façon : l’un par un soupir, l’autre par un geste las, de la main qui retombe sur la table, avec ce fatalisme qui les caractérisait, l’un comme l’autre, tous les trois, même. Gaston, lui, comme toujours, ne se prononça pas si hâtivement. Gaston parle peu et rarement. Avant de se prononcer, toujours et toujours très lentement, il réfléchit, paraît réfléchir. Avec, alors, toujours, ce tic, seul signe qui accompagne une agitation intérieure : il fait rouler sa cigarette à papier maïs – généralement éteinte –, d’un coin de sa bouche au coin opposé en la faisant rouler (avec sa langue, sans doute ?) sur sa lèvre inférieure. Il est absorbé, paraît absorbé, impassible. On ne sait ce qu’il rumine ni même s’il rumine quoi que ce soit dans sa grosse tête immobile au visage empourpré, rigide, impénétrable. Il évalue, suppute, calcule, doute, pèse et soupèse, en silence. Enfin, sa cigarette à papier maïs, éteinte, roule dans le sens inverse, sur sa lèvre inférieure, s’arrête, bloquée à une extrémité de sa bouche muette. Sa réflexion évolue, marque une pause : Gaston s’empare de son vieux briquet terni, cabossé, au métal jauni par un demi-siècle de manipulation. Mais sa réflexion n’a pas encore abouti. Alors, il n’allume pas encore. Il garde le corps du briquet dans sa grosse main droite tandis que la gauche détient le capuchon. Gaston regarde de nouveau les carreaux que la buée recouvre tout à fait, maintenant, d’un œil lourd, sans expression. Il est tout en lenteur et en retenue. Secret. Enfin, son pouce actionne la molette qui gratte la pierre. La mèche s’enflamme. Gaston la laisse allumée, longuement, inutilement. Elle laisse échapper une épaisse fumée noire. Enfin, Gaston se prononce :
– Oui, ça pleut !
Il peut alors approcher la flamme de sa cigarette éteinte, finalement et lentement. Mais pas assez. Comme s’il avait hésité. Le briquet reste allumé, la cigarette reste éteinte, un bon moment encore.
Nénesse, Émile et Riri sont toujours silencieux. Même Nénesse qui pourtant, d’habitude… Gaston paraît encore réfléchir : les carreaux sont dépolis. On ne voit pas à travers. Pas sûr qu’il pleuve encore… on n’entend plus. Son briquet toujours dans la main, toujours allumé, a terriblement chauffé. Il est brûlant mais la grosse main calleuse y est insensible. Enfin, il se décide. Il approche la flamme et tire sur sa cigarette à papier maïs dont l’extrémité éteinte et noircie s’embrase une fois de plus, pour la dixième fois, peut-être.
– P’tête ben…
La partie de cartes peut reprendre son cours, au même rythme indolent. On a ben l’temps.
– Et l’vêlage ? demande Nénesse après avoir joué.
Gaston ne répond pas. Il est absorbé de nouveau. C’est son tour et il ne peut pas, à la fois écouter, répondre et jouer. Il hésite. Non, il n’hésite pas. Il calcule encore. Et c’est long. Les autres attendent la réponse, en silence, car s’ils parlaient, Gaston ne pourrait plus jouer, ils savent.

Le café où ils sont attablés est sombre, sale et triste. Deux néons couverts d’excréments de mouche ne parviennent pas à égayer les lieux, bien au contraire. Les murs étaient blancs, ils sont jaunes. Autant à cause de la fumée des cigarettes, des pipes, du poêle que du fait des années. Toute trace d’encaustique a disparu du parquet, depuis longtemps : il n’est nettoyé qu’au seau d’eau et de moins en moins souvent. Le plafond est encore plus jaune que les murs. Et lézardé. Le poêle à bois tente vainement de chasser l’humidité et ne parvient pas à chauffer car il est insuffisamment alimenté. N’importe ! Nénesse, Gaston, Émile et Riri sont toujours habillés pour le dedans comme pour le dehors. Ils ont gardé leur éternel paletot. En plus, Nénesse sa casquette et Émile son béret et, tous, leurs bottes crottées qui ont laissé des paquets de terre au sol.

Gaston abattit enfin son jeu. D’un geste vif pour le coup, débarrassé. Alors, il peut répondre :
– I’a ben fallu tirer avec la corde… et il a ben fini par venir.
– Un beau p’tit viau né avec avance sur la saison. P’tit mais ben beau.
– Pas étonnant avec cette mère, précisa malicieusement Riri qui savait.
Car Riri avait été appelé à l’aide pour économiser (économiser le vétérinaire). Et il avait tiré sur la corde avec les autres, la corde dont l’extrémité avait été nouée autour des sabots des pattes arrière, eux seuls ayant réussi à passer et à émerger de l’énorme fessier de la vache qui s’était fièrement tenue debout, les cornes tournées vers les hommes qui la délivraient, à peine étonnée par la scène qui ne paraissait pas l’intéresser.
– I s’ra résistant !
– Comme tous ceux qui naissent au pré l’hiver.
La conversation s’était réanimée.
– Pas besoin du vétérinaire !
– Pas besoin, répéta Gaston avec l’ombre d’un sourire dû à cette économie mais qui s’effaça de lui-même car le souvenir du vêlage précédent jeta un voile sombre sur la table et suspendit la conversation : c’est que, la dernière fois, les choses s’étaient plus mal présentées : Gaston n’avait pas plus appelé le vétérinaire et le nouveau-né avait été perdu…
– Un canon, bon Dieu ! proposa Émile avec un grand geste du bras et pour chasser le nuage.
Nénesse se redressa pour approuver bruyamment. Les yeux des quatre compères réagirent et la même lueur leur donna vie, enfin.
Georgette, qui se tenait dans une pièce contiguë, porte ouverte, et qui servait de cuisine, ne perdait jamais un mot des conversations. Elle s’approcha aussitôt, brandissant une bouteille de vin blanc. Elle remplit les quatre verres, ras bord, comme toujours. Les quatre trinquèrent, pour la dixième fois au moins de cette fin d’après-midi de janvier.
– Au veau !
– Au veau ! répondirent les trois autres.
Les verres ballon, vidés d’un trait, furent bruyamment reposés sur la table de bois, leur pied entre de nombreux cercles de liquide qu’ils y avaient laissé au fil des heures sans que le torchon de Georgette n’intervînt. Avant de regagner son poste d’observation, celle-ci déposa la bouteille sur le comptoir.
Ce comptoir occupait toute la largeur de la pièce, allant de la porte d’entrée à la cuisine. Il était en formica et avait remplacé un magnifique meuble en chêne dans les années 60, quand les parents de Georgette avaient repris l’établissement alors plus florissant : pour faire moderne. Comme le néon. Comme la pendule métallique accrochée au mur du fond qui avait remplacé une magnifique comtoise au long et large balancier de cuivre ouvragé. Car ils n’étaient pas natifs, les parents de Georgette. Ils étaient venus du chef-lieu d’arrondissement, situé à 30 kilomètres, s’établir au village pour y commencer une demi-retraite, à la recherche d’une vie encore plus tranquille, et avec leur goût qui avait fini par s’imposer aux locaux que cette intrusion avait contrariés, raison pour laquelle l’établissement avait été boudé des années – y compris par les plus assidus des habitués et jusqu’au jour où le principal concurrent mourut sans successeur. Alors, on se fit au formica, au néon, au poste de télévision toujours allumé mais jamais regardé, sauf par Georgette. Ses parents morts à leur tour, Georgette, toujours célibataire, resta et continua, ne connaissant rien d’autre et ne sachant rien faire d’autre après ces décennies de vie rurale et monotone à laquelle elle s’était habituée comme à la population et à la clientèle qui, à son tour, s’était faite à elle qui servait généreusement et même faisait crédit, à l’occasion. D’ailleurs, il n’y avait plus que deux caf

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