Anyuka,
334 pages
Français

Anyuka, , livre ebook

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334 pages
Français

Description

Margit n'a que 19 ans quand la Grande Guerre lui ravit Kálmán, l'amour de sa vie. Ce séisme restera vivace en elle alors que d'autres secousses tenteront de l'abattre sans y parvenir. Elle sauvera, 28 ans plus tard, les jumeaux Éva et Tibor de la déportation. Sa vie sera un combat passionné contre l'intolérance, pour la dignité humaine et la reconstruction d'une famille pour ses jumeaux : elle le mènera tout au long de cette épopée romanesque commencée en Hongrie et se poursuivant en France.

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Informations

Publié par
Date de parution 02 janvier 2018
Nombre de lectures 18
EAN13 9782140055348
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

« Un vendredI une illeTe s’est reîrée seule dans un coIn : je me suIs approchée et luI dIs que l’étoIle sur son tablIer ne la rendaIt pas dIFérente des autres enfants, qu’elle étaIt toujours la même bonne élève et qu’elle devraIt Ignorer l’étoIle. Je l’entends encore me répondre : je ne le peux pas, je la sens comme cousue sur ma peau. Le lundI maîn, en entrant dans la classe pour le cours de françaIs, la place de la illeTe étaIt vIde, celles des deux autres élèves juIfs aussI. Ces places vIdes me hantent encore… Ce même lundI, les jumeaux étaIent chez nous : ma mère avaIt déjà décousu les étoIles jaunes de leurs tablIers et de tous leurs vêtements. »
en elle alors que d’autres secousses tenteront de l’abare
ans plus tard, les jumeaux Éva et Tibor de la déportaîon.
la dignité humaine et la reconstrucîon d’une famille pour ses jumeaux : elle le mènera tout au long de cee épopée
, IngénIeur de l’aéronauîque, est passIonné d’hIstoIre, de musIque et de langues étrangères. Au terme de sa carrIère dans l’IndustrIe, la recherche et à l’Internaîonal, Il s’est découvert le goût pour l’écrIture à l’occasIon d’une chronIque de famIlle romancée composée pour ses proches. Ce goût est devenu passIon en ImagInant le récIt romanesque de MargIt et ses jumeaux.
Illustraîon de couverture : Stevan Djordjevic dit Petrovic.
Joseph Kain JeanPierre Pisetta
Anyuka, un autre chant de la terre Roman
Anyuka, un autre chant de la terre
Écritures Collection fondée par Maguy Albet Rouet (Alain),Corde à vide, 2017. Philippot-Mathieu (Andrée),Mes bien chers tous, 2017. Arfaoui (Najib),Tingis café, 2017. Hochman (Natacha),Derrière la grille, 2017. Lévy (Odette),Les plis du temps, 2017. Moreau (Marie-Hélène),Téléréalité, 2017. Duperray (Françoise),Dans le souffle des vagues, 2017. Morin (Claude),Loin de la violence, 2017. Boxberger (Pierre),Lola ou le contrat de méfiance, 2017. Derville (Paul),Bouromka, 2017. Lebel (Dominique),Bitume ou L’enfer de la route, 2017. Gontard (Marc),Granville Falls, 2017. Estragon (Gérard),À l’étape et autres nouvelles, 2017. Henri (Christian),Marrakech photo, 2017. Jullien (Claudine),Comme un verre brisé, des éclats de mémoire, 2017. * ** Ces quinze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.editions-harmattan.fr
Joseph Kain Anyuka, un autre chant de la terre
Roman
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-12648-7 EAN : 9782343126487
À JénicaÀ Margot, en hommage
1 Ewig, ewig… ±Ah non ! Pas ça ! Toutes les têtes se tournent vers le haut de la salle : un rouquin debout pointe la grande fenêtre ouverte d’un index accusateur. – Des retombées positives ?! Là-bas, mon père en reçoit plein : oui, plein, plein d’obus ! Les regards braqués sur lui le forcent à se rasseoir, il maugrée furieux. Le grand amphithéâtre est bondé : des étudiants de toutes les facultés sont là pour écouter trois éminents professeurs traiter du thème de la guerre, l’actuelle, bien sûr, et des guerres en général. Voulu par les autorités, ce forum est un avertissement à peine voilé aux milieux universitaires de Budapest où l’on ne se cache pas de penser que tant de morts sur tous les fronts depuis l’été 1914 est cher payé l'assassinat de l’archiduc d’Autriche par un Serbe fou. Sur les bancs, les étudiants sont serrés comme jamais, pas la moindre place sur les marches latérales ni sur celles du milieu, des grappes de jeunes gens remplissent l’encadrement des portes ouvertes en grand. Un général serré dans un uniforme rutilant ouvre le forum par une introduction politique avant que les trois professeurs n’engagent le débat. De circonstance, il porte d’abord sur le déclenchement des guerres. L’attentat de Sarajevo en juin de l’année précédente, exemple type de provocation masquée en acte d’un déséquilibré, est analysé à la lumière de la position officielle qui occulte l’embarrassant problème slave secouant les Balkans et, au-delà, les ambitions d’hégémonie des puissances centrales. Les trois professeurs paraissent pressés de quitter l'actualité pour un domaine bien moins miné où ils peuvent dire ce qu'ils pensent vraiment : les causes des grandes guerres du passé, comment les aurait-on pu éviter, les conséquences géopolitiques et sociales qui auraient pu en résulter.
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Le sujet épineux des retombées positives des guerres qui a fait réagir le rouquin est analysé avec lucidité : brassage de peuples, évolutions sociales, diffusion du savoir, progrès techniques... Le débat est difficile et gêné, oser aborder cet aspect des guerres est courageux dans le contexte présent. Au milieu d'un banc du tiers supérieur de la salle, une étudiante d’un beau blond foncé est penchée en avant, accoudée au pupitre ; sa voisine de gauche, une rousse à lunettes, est appuyée contre le dosseret, de même que son voisin de droite, les cheveux châtains, en complet veston : être disposés ainsi, en quinconce, leur a donné un peu plus d'espace tout au long du débat qui touche maintenant à sa fin. Il faut du temps pour que l’amphithéâtre se vide de tout ce monde : la rousse à lunettes est déjà debout, la blonde reste assise et attend de pouvoir sortir du banc, son voisin châtain patiente, lui aussi. Ensuite, sans un mot, les deux se lèvent, sortent par le haut et prennent le grand escalier qui mène au hall d’entrée. La blonde manque soudain une marche et serait tombée si le châtain ne l’avait pas retenue : elle le remercie et ils continuent à descendre, chacun de son côté. L’escalier s’élargit, ils se retrouvent sur l’avant-dernière marche, elle le remercie à nouveau, il répond par un sourire qui la fait rougir, il s’arrête, elle aussi ; ils se regardent, les étudiants les contournent, eux, ils sont plantés là, les joues en feu, sans rien dire, leurs yeux seuls parlent. Soudain, chacun avance sa main : Margit, Kálmán… Ils sortent ensemble, longent l’université, échangent quelques mots sur leurs études, Margit, en licence de Français et de littérature comparée, Kálmán, en avant-dernière année de droit. Ils se séparent peu après, à l’arrêt du tramway. Kálmán la regarde monter : elle porte une robe modeste, mais seyante, ses cheveux sont ceints d'un ruban assorti. Quand le tram part, elle lui fait un petit signe de la main. Le lendemain, Kálmán l’attend devant la sortie de la Faculté de Lettres. Ils font le même court trajet jusqu’à l’arrêt du tramway, parlent de tout et de rien avec de longs silences gênés. Le flot de piétons pressés les pousse à se rapprocher, leurs épaules se frôlent, ils frémissent… Margit observe Kálmán à la dérobée, lui, il n’ose tourner le regard vers elle. L’arrivée du tram interrompt les quelques paroles et les longs silences qu’ils échangent. Le jour suivant, retenu en fin de cours par un professeur, Kálmán arrive après la sortie de Margit : il l'aperçoit de loin, devant la porte de sa faculté, scrutant le trottoir à droite et à gauche. Dès qu’elle le voit, elle lui fait signe et lui sourit, ils partent vers l'arrêt du tram.
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– Mon prof de droit romain voulait me parler de ce livre, il le lui montre. Il me demande de préparer une dissertation, nous nous entendons bien et discutons souvent après son cours. Margit feuillette le livre en marchant ; Kálmán lui dit combien le cours de ce professeur est captivant. Chacun des jours suivants, ils ralentissent leurs pas pour faire durer le trajet jusqu’à l’arrêt du tram alors que les autres piétons, pressés, les contournent, certains maugréent... Ils en sont gênés et accélèrent un peu, mais ralentissent à nouveau sans s’en rendrecompte. L’arrivée à l’arrêt du tram dissipe leur gêne : sur le terre-plein encombré de gens qui attendent, ils peuvent deviser sans déranger. Puis Kálmán est à nouveau retenu par le même professeur et arrive en courant. Margit est devant la porte en bois sculpté de sa faculté et lui fait signe de loin : il ne fallait pas courir, je t'aurais attendu de toute façon. L’entendre le tutoyer, il cache son trouble par une plaisanterie : je ne voulais pas manquer de te guider jusqu’au tram, tu pouvais t'égarer ! Elle pousse un petit rire puis lui parle de Gabrielle, l’épouse de son professeur de français qu’il a rencontrée à Paris pendant ses études à la Sorbonne. – Je la connais depuis le jour où mon prof m’avait proposé de me prêter des journaux français. C’est elle qui a choisi un magazine littéraire et un autre de mode avec Mlle Chanel en couverture. C’est un régal de parler avec elle, entendre son français mélodieux, je ne m’en lasse jamais ! – Maintenant que la France nous fait la guerre, elle sort bien moins dans la rue qu’avant… Kálmán ne réagit pas, Margit sent qu’il n'aime pas parler de la guerre. L'arrêt du tram approche, ils ralentissent et, bien que gênés de voir les piétons pressés obligés de les éviter, ils ne prêtent plus la même attention, ils ont tant de choses à dire, surtout elle ; lui, il parle peu, fasciné par les inflexions de la voix claire de Margit, ses oreilles sont pleines de ce qu’elle dit, Balzac, Maupassant, Zola, mais aussi Boileau et Racine… Provinciale, Margit n’est pas complexée dans la capitale : gaie, pétillante, elle est à l’aise presque autant qu’à Brezvár où elle a vécu depuis toujours. Kálmán, bien chez lui à Budapest, est posé, plutôt retenu, ce qui cadre bien avec son irréprochable complet veston : il marche d’un pas mesuré, mais souple, la tête un peu penchée vers elle. Margit est charmée par sa timidité qu’elle compense, toute décontractée, le pas léger, se tournant souvent vers lui en faisant virevolter ses cheveux. Elle sent qu’il aime la voir si à l’aise et se dit que sa retenue n’est
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