Des témoignages tchétchènes
137 pages
Français

Des témoignages tchétchènes , livre ebook

137 pages
Français

Description

Ce recueil, composé de témoignages racontés par des personnes qui ont survécu aux deux guerres atroces de Tchétchénie, dévoile leur souffrance, leur désespoir et leur force de résistance. Il rend hommage aux femmes veuves, aux jeunes amoureux séparés par les conséquences de cette guerre, aux personnes qui ont été forcées de quitter leur patrie et d'aller à l'étranger pour sauver leur vie et celle de leurs enfants.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2014
Nombre de lectures 11
EAN13 9782336333946
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Zalina Tcherguizova Assya Eskirkhanova Des témoignagestchétchènes
Des témoignages tchétchènes
Zalina Tcherguizova
Assya Eskirkhanova
Des témoignages tchétchènes
© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-02159-1 EAN : 9782343021591
à Khazir et Zina, à Soumaya, à Alman et Asset
INTRODUCTION L’« Echo des âmes blessées » (recueil de témoignages sur la guerre de Tchétchénie) a été réalisé au cours d’une année. Ce livre devait voir le jour pour honorer la mémoire de tous ceux que Grozny a enterrés et de tous ceux qui en gardent des blessures à vie… Durant les années de guerre de Tchétchénie, ils s'étaient rassemblés comme un seul homme, ils ont péri pour défendre leur patrie. Ils se sont battus pour l'indépendance de la Tchétchénie jusqu'à l'épuisement : filles et fils, frères et pères, sœurs et mères se soulevèrent pour ceux qui étaient esquintés dans les cachots des prisons russes, pour ceux qui restent estropiés, ceux qui se retrouvent orphelins, pour ceux qui, assistant aux exécutions extrajudiciaires, sont devenus eux-mêmes victimes de ces atrocités. Il est dédié aux femmes veuves, aux jeunes amoureux séparés par les conséquences de cette guerre, aux parents qui se retrouvèrent forcés de fuir leur patrie et sauver à l'étranger leur vie et celle de leurs enfants. C'est l’écho des âmes blessées, des cris jetés à la face des tyrans qui ont ruiné leur vie, sans honte aucune de se prendre pour Dieu en décidant de leur sort ! Un tel recueil n'aurait pas vu le jour sans la participation de nos concitoyens qui ont répondu à notre demande, partagé leurs drames et nous ont soutenu. Les auteurs de ces histoires vivent aujourd'hui en Europe et en Tchétchénie. Nous avons demandé à chacun de décrire un jour de guerre. Un seul jour parmi tant d'autres d'épouvante. Le jour qui lui revient immédiatement en mémoire quand on prononce le mot « guerre». Participer à cette enquête n'est pas sans danger, pour soi comme pour sa famille, mais le silence tue une deuxième fois.
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Espérons que ces bribes de souvenirs ne laisseront pas indifférent. Les récits collectés ici sont des histoires vraies, des instants contés par des gens écrasés sous deux guerres successives, la première entamée en 1994 par Eltsine et la seconde plus cruelle encore, fin1999, par Poutine. Elles ont fait 200.000 morts (sur un million d'habitants) dont 40.000 enfants tués à Grozny. Au bas mot, un Tchétchène sur cinq a disparu. Le lecteur découvrira ce qu’a enduré la petite et fière nation de Tchétchénie. Ces pages fragiles mettent en exergue et en particulier la cruauté du mot « nettoyage », "zatchistka" en russe. Pas un seul Tchétchène ne peut dire qu’il n'a pas connu dans sa chair les effets de ce mot et les conséquences qu’il engendrait : assassinats, enlèvements, pillages systématiques dans les districts où les soldats "nettoyaient", c'est-à-dire partout. Ce livre tente de transmettre au monde les sentiments, les pensées, les états d’âme, une part infime de ce que les Tchétchènes ont enduré, pauvres montagnards livrés à une armée russe massacreuse dans une indifférence mondiale et quasi absolue! Combien d'histoires non écrites et plus tragiques encore resteront à jamais gravées dans leur mémoire? Merci à la France - pays où les « Droits de l'Homme » sont généralement respectés, elle est devenue un refuge paisible pour un grand nombre de Tchétchènes qui bénéficient de sa protection, grâce à elle ce livre a pu voir le jour. Ceux qui ont rassemblé ces récits ont été eux-mêmes victimes de la guerre. Ils ont mis de leur temps, de leur énergie, de leur douleur pour réaliser ce travail, parce que c'était leur devoir et leur nécessité vitale de dire leur enfance volée et leur pays violé. Ils sont arrachés à leur terre natale. Mais un fil solide ne peut rompre.
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A LA MAISON Six mois se sont écoulés depuis que nous avons quitté notre foyer et que nous sommes allés chez nos parents au village après les terribles bombardements. Il ne reste plus rien depuis longtemps de la nourriture que nous avons apportée. Nous n’avons aucun revenu, aucune aide. Chacun survit comme il peut. Les gens essaient de s’entraider mais la nourriture n’existe plus, et chez tous c’est pareil. Soit avec le dernier argent qui me reste je peux nourrir ma famille encore cinq jours, soit je reviens chez moi en ville où la guerre n’est pas achevée mais où il reste quelque chose à manger, si bien sûr notre maison n’est pas encore détruite : de la farine, du sucre, de la confiture et des conserves. J’ai consulté ma femme. Nous avons quatre enfants. Le retour sera dangereux mais, en restant c’est la famine assurée. Nous avons décidé de retourner en ville. Notre bus fut arrêté à cinq ou six kilomètres de notre maison. Les fédéraux russes nous ont prévenus qu’il était dangereux d’aller plus loin parce qu’il y avait des combats acharnés. Février. Tout autour les champs étaient blancs de neige. Le check point, pas de retour en arrière, la route avant est fermée. Ma femme, mes quatre enfants et moi sommes avec nos sacs. Qu’est-ce que nous allons faire ? Je me sentais perdu comme au milieu du monde entier. Pour la première fois de ma vie je ne savais pas quoi faire. J’étais responsable de la vie de ma femme et de celle de mes enfants. Je disais des prières. Je demandais l’aide d’ALLAH. Il faut vivre tant que nous sommes en vie et nous devons rentrer à la maison. Il faut aller de l’avant. J'ai demandé à l'officier général de nous laisser passer,
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