Exode
158 pages
Français

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Description

L'auteur narre dans cet ouvrage son expérience parmi la centaine de milliers d'Espagnols qui passèrent la frontière dans les jours de "la Retirada" de l'hiver 1939, et qui furent condamnés à l'exode pour échapper à l'étau des troupes franquistes et à leur féroce répression, parqués dans des camps matérialisés par des barbelés jetés en travers des plages du Roussillon.

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Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 84
EAN13 9782336280493
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Exode
De l'Espagne franquiste aux camps français (1939-1940)

Oliva Remei
© L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296111578
EAN : 9782296111578
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Préface BADALONA DEPART FIGUERAS LLANSA PORTBOU LA FRONTIERE ARGELES-SUR-MER LE CAMP SAINT-CYPRIEN LA MATERNITE D’ELNE CAMP D’ARGELES SORTIE DES CAMPS IZEAUX LA FUITE LA MINE FIN
Préface
Exode : ce mot est entré dans l’Histoire contemporaine de la France depuis juin 1940 pour évoquer la fuite massive de la population civile devant l’avance des troupes allemandes. Quelques mois auparavant, un autre exode, resté dans l’Histoire de l’Espagne sous le nom de « la Retirada », avait vu une immense colonne d’un demi-million d’Espagnols marcher jusqu’à la frontière française, en plein hiver, pour échapper à la brutale dictature que Franco et ses troupes se préparaient à instaurer pour anéantir l’Espagne républicaine.
Tandis que son mari Joan continuait de lutter au sein d’une armée républicaine s’efforçant de protéger la retraite de cette foule à pied et à la merci des bombardements, Remei Oliva, avec ses parents, allait affronter toutes les épreuves de cet exil : la longue marche, la frontière, le parcage sur la plage et la fabrication de misérables tentes avec des couvertures et des bambous, l’enfermement dans de sombres et sinistres baraques de planches et de tôles … 15 mois d’internement et de barbelés, ces insupportables barbelés, constamment à la vue, pour que Remei et tous ces réfugiés n’oublient pas qu’ils étaient « indésirables », selon la terminologie administrative en vigueur. Triste accueil pour ceux qui avaient cru et lutté par adhésion à la devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité » et qui chantaient « La Marseillaise » qu’ils connaissaient souvent mieux que l’Hymne de Riego. Mais la République française se méfiait de ces républicains venus du pays voisin et décida de les interner dans des « camps de concentration ».
Il convient ici de resituer l’usage de ces termes tels qu’utilisés à l’époque par l’administration française et qui ensuite furent employés et continuent de l’être pour dénommer les camps de déportation nazis. Ces camps français ouverts en 1939 (certains l’ont été dès 1938) dans le sud de la France, ne visaient pas l’anéantissement méthodique et systématique des internés. Si la violence était présente par les rigueurs de règlements répressifs ou la brutalité de certains gardiens, si des personnes mouraient par épuisement, maladie et manque d’attention de la part des responsables des camps, la mort n’était pas la finalité de ces camps. On ne peut nier cette irréductible différence entre les camps d’extermination hitlériens et ces camps qui, il est vrai, deviendront pour certains à partir de 1941 des camps de transits vers la déportation et la mort. Cette différence est perceptible dans le récit de Remei Oliva : elle nous confie ses moments d’angoisse dans cette réclusion sans motif, face à un lendemain imprévisible ; ses bouffées de colère face à ce traitement injuste et humiliant, mais elle n’est pas constamment tenaillée par la peur, elle ne vit pas dans l’effroi de l’inévitable extermination.
Remei raconte avec pudeur et précision les faits et gestes de sa vie quotidienne dans cet espace-temps confiné, balisé par les barbelés qu’est le camp, ses obligations humiliantes : faire la queue, s’inscrire à la baraque de l’intendance pour avoir le droit de manger, lutter chaque jour contre les infestations et les infections liées au manque d’hygiène ; attendre les rares sorties pour aller acheter du lait ou toucher un mandat, parfois pour aller travailler chez un habitant voisin du camp ; apprendre les tentatives d’évasion presque toujours vouées à l’échec. Son témoignage n’est ni une plainte, ni une accusation : nulle emphase, pas de dramatisation, pas de haine, mais de la colère contre l’injustice et l’arbitraire, face à l’hypocrisie d’Autorités qui le 14 juillet font décorer les camps le temps de les visiter, avant de rétablir le soir même les privations et les restrictions de liberté ; ou face au cynisme exploiteur des patrons d’entreprises qui viennent faire leur moisson d’embauches pour des salaires misérables. Elle relate la générosité aussi, celle de ces fermiers d’Izeaux qui lui prêtent l’argent nécessaire à l’achat des billets de train qui lui permettront de rejoindre son mari dans le Gard. Elle évoque les moments de répit, quand affleure la gaité : les parties d’échecs avec des jeux fabriqués à partir des quelques matériaux disponibles dans le camp ; les bals du dimanche sur ce qui fait office de place centrale du camp.
Remei Oliva écrit avec sincérité et simplicité ce qu’elle vit et ce qu’elle ressent, du cœur de cette force intérieure que lui procure l’amour partagé avec Joan son mari, persuadée qu’ils parviendront à se sortir de cette période noire pour vivre ensemble avec leur fils Ruben. Son témoignage sur la maternité d’Elne, havre d’humanité et de paix où elle séjourne le temps de la naissance de son fils, met en lumière l’action magnifique de ce refuge où furent accueillies les femmes enceintes internées, qui purent accoucher dans de bonnes conditions grâce à l’engagement d’Elisabeth Eidenbenz et de ses collaboratrices, venues de la Suisse allemande.
La lecture du témoignage de Remei met en évidence l’absurde système mis en place : tant de militaires, de gendarmes mobilisés en permanence, pendant des mois, pour surveiller ces camps, pour encadrer ces femmes (car les hommes ont été envoyés dans des compagnies de travail) quand elles vont toucher un mandat arrivé de leur mari ou de leur famille. Absurde logique d’une machinerie bureaucratique qui s’applique à contrôler l’exode des républicains espagnols vaincus comme prélude à son fonctionnement, après la défaite de 1940, au service de l’armée d’Occupation.
Le récit de Remei vient fort utilement solliciter notre mémoire sur ces « camps du mépris » qui pendant longtemps sont restés largement occultés, opportunément « oubliés » par la plupart des représentants de la République française. Mémoire qui cependant est demeurée vivante grâce à l’action, aux efforts têtus de personnes, de groupes et d’associations qui pendant de nombreuses années ont œuvré pour instaurer et faire vivre des initiatives et lieux donnant à connaître la mémoire de cet exode espagnol de 1939.
Ce « trou noir » de notre mémoire nationale semble ces dernières années en voie de se résorber ; le Musée Mémorial de Rivesaltes, qui a pour ambition d’être un espace de référence de l’histoire de l’internement en France est en construction. Cette année 2009 va être ponctuée par de nombreuses manifestations (colloques, hommages, expositions…) rappelant cette tragique Retirada survenue il y 70 ans. Le témoignage de Remei Oliva, en donnant chair et âme à cette mémoire, fortifie notre liberté d’aujourd’hui, qui reste fragile, et conforte notre humanité.
Gérard Malgat
Citoyen hispaniste.
Le 10 septembre 2008
BADALONA
Le ciel était bleu, le soleil brillait mais la température était froide comme elle peut l’être au mois de janvier. Tout ça paraissait normal et pourtant, ce jour-là allait être un jour bien différent des autres, car c’est ce jour-là qu’allait commencer l’aventure de notre vie.
On entendait les détonations des canons se rapprocher de plus en plus. Les journaux et la radio nous annonçaient de mauvaises nouvelles, et on comprenait que les troupes arrivaient à Barcelone.
Les élèves de couture et mes petites ouvrières étaient venues comme d’habitude, mais le cœur n’était pas à l’ouvrage. On avait plus discuté que travaillé, et malgré toutes les suppositions on ne pouvait rien prévoir.
Joan, qui était mobilisé dans l’armée républicaine, était parti comme tous les matins à la caserne en me disant qu’il tâcherait de venir dans la journée. Je voyais qu’il était très inquiet, mais l’après-midi était là, et il n’était toujours pas venu.
L’atelier présentait un drôle d’aspect. Toutes ces filles avaient sorti leur travail mais ce n’était pas la couture qui les intéressait : nous étions inquiètes à cause des événements. La fenêtre de l’atelier donnait sur une rue qui descendait des collines, nous habitions la banlieue de Barcelone, et depuis le début de l’après-midi, de temps en temps, on voyait descendre des soldats en tenue négligée. Ces hommes ne parlaient pa

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