Les Antilles en colère
195 pages
Français

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Description

Au début de l'année 2009, le monde découvrait la colère antillaise. En Guadeloupe, puis quelques jours plus tard en Martinique se déployait un mouvement social d'une ampleur jusqu'alors inconnue. Cet ouvrage analyse le conflit en révélant son contexte sociétal, les grands récits qui le portent, les expériences historiques anciennes et récentes qui le configurent comme expérience singulière. Il s'agit alors de questionner certains aspects de ce mouvement de contestation et de montrer en quoi il est révélateur de la situation des sociétés antillaises.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2010
Nombre de lectures 245
EAN13 9782336252537
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Auteur des clichés de 1 ère et de 4 e de couverture : Louis-Georges Placide
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanado.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296104266
EAN : 9782296104266
Sommaire
Page de Copyright Page de titre LA SOCIOLOGIE - LA CRITIQUE SOCIALE ET LA GRÈVE DES ANTILLES CRISE DANS LA CRISE - L’EXEMPLE DE LA MARTINIQUE ANALYSE ET TRAITEMENT DES FAITS IDENTIFICATION, ORIENTATION ET OPPOSITION DANS LE MOUVEMENT LE « 5 FEVRIER », UNE TOTALITE DÉBLOCAGE, RECONSTRUCTION ET RÉPARATION DES FAILLES CONSOLIDATION ET AVANCÉES POST-CRISE ÉLOGE DE LA MARCHANDISE Les auteurs :
Les Antilles en colère
Analyse d'un mouvement social révélateur

André Lucrece
Louis-Félix Ozier-Lafontaine
Thierry L'Étang
LA SOCIOLOGIE
LA CRITIQUE SOCIALE ET LA GRÈVE DES ANTILLES
Ce livre a pour objet le phénomène social qui a concerné la Guadeloupe et la Martinique en janvier, février et mars 2009. Les analyses qui le constituent sont toutes marquées par la nécessaire distance qui sied à ce type d’étude. Entre discours, faits, apparences et interférences, le sociologue ne peut céder à l’émoi, à l’attendrissement et à la complaisance qui empêcherait toute lecture lucide. Les conditions d’analyse d’un tel phénomène impliquent cette lucidité sur la distribution des voix et des lieux d’où on parle, à défaut de quoi on s’oriente vers la confusion la plus totale.

Distanciation et critique sociale
Norbert Elias rappelait naguère la nécessité dans le travail sociologique de prendre ses distances avec soi-même, de s’émanciper mentalement de soi. Plus tard, dans un livre intitulé de manière significative Engagement et distanciation 1 , il approfondira ce problème des contraintes propres à l’analyse sociologique.
Le sociologue et anthropologue Georges Balandier souligne, lui, très justement, dans un livre récent, qu’un tel travail consiste à « contribuer à faire voir autrement, aider à identifier ce qui est en devenir ». Ce travail d’analyse ne s’apparente donc ni à la rhétorique de l’imprécateur dont le moteur est l’indignation, ni aux typologies mondaines d’expression dont le mobile est le snobisme et qui profèrent des « opinions vulgaires et casuelles », pour reprendre l’expression de Montaigne.
Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à nous en tenir à ces principes et à prendre nos distances avec ces typologies mondaines d’expression puisque, dans un autre ouvrage sur le mouvement social qui a eu lieu aux Antilles, nous lisons sous la plume de Michel Giraud une sévère mise au point concernant ceux qui préfèrent le bavardage surabondant à la rigueur de l’étude. Répondant à l’expression de « sociologite aiguë » utilisée par Chamoiseau, il écrit ceci : « Tant il est vrai que ce n’est pas dénigrer la poétique en elle-même que de reconnaître que ses essais peuvent avoir des opacités, des ‘obscures clartés’, bien commodes pour habiller des discours d’autant plus séducteurs qu’ils se sont affranchis de la dure nécessité de faire l’administration de la preuve de ce qu’ils avancent. » 2 Il suffit en effet de déshabiller quelque peu la rhétorique de l’impétrant pour s’apercevoir que se loger dans la répétition à l’envie du mot « imaginaire » - « un terme à tout faire », disait Jean Duvignaud — n’a jamais remplacé l’administration de la preuve.
C’est sans aucun doute, la rigueur contraignante qu’exigent les sciences de l’homme qui amène les âmes peureuses des contraintes à considérer l’analyse sociologique comme exercice illégitime, car trop éloignée de leurs commodités coutumières.
D’une manière générale, dans des moments de relâchement ou de grande effervescence de la société, on observe des interpellations délirantes, des prédications exaltées, des divagations emphatiques 3 , dépourvues de toute observance des règles élémentaires de l’analyse.
Car l’autre écueil est de se raccrocher à des postures d’indignation, le plus souvent accompagnées d’exubérances incontrôlées. De telles attitudes se noient dans la confusion créée par les vieilles fanfares de l’engagement et se retrouvent de fait en bâtarde position. Il convient donc de prêter attention au hammam émotionnel que provoquent de tels évènements. Une telle étuve tend, dans la chaleur torride du mouvement social, à faire perdre leur lucidité à plus d’un. C’est d’ailleurs ce défaut de discernement qui a fait certains, dans un infantile enthousiasme, qualifier ce mouvement social de « mouvement révolutionnaire », de « révolution » ou de « révolution en marche ».
Énonçons donc clairement la règle : sans conscience réflexive, plénièrement disposée à l’analyse rigoureuse de l’objet, il ne peut guère émerger qu’une production lacunaire qui demeurera sans rapport avec « notre besoin de savoir et de comprendre » ce qui advient. Impossible donc pour ce produit lacunaire de rendre compte de la pulsation subtile des évènements, de dire ce qui s’annonce sous cette apparence désordonnée. Mieux vaut se dépouiller de ses ardeurs émotionnelles et ne point se laisser envahir par le tumulte ambiant. Car dans l’atmosphère bruyante et agitée du mouvement social, la conscience se disperse, elle devient flottante et l’on perd le sens à la fois de l’essentiel et de la subtilité de cet essentiel.
Notre positionnement ne consiste pas pour autant à nier la relation qui existe entre les sciences de l’homme et la critique sociale, il vise au contraire à dire à quelle condition cette critique sociale peut être féconde. Celle-ci ne peut l’être en effet que si nous évitons soigneusement les mythologies qui circulent allègrement dans des sociétés comme les nôtres, lesquelles mythologies ont tendance trop souvent à se substituer aux réalités. De ce point de vue, nous nous situons en droite ligne des analyses menées par René Ménil qui soulignait le caractère réactionnel de celles-ci : « Mythologies antillaises, disait-il, mythologies de compensation et de consolation qui viennent fleurir au point douloureux où l’angoisse submerge la conscience des hommes. » 4 Où l’imagination vient se substituer à la connaissance et à l’identification de l’objet à étudier, ajouterons-nous.
L’usage qui est fait de l’histoire est ainsi révélateur de cette façon d’apparier le passé historique avec le phénomène contemporain. C’est ainsi que l’histoire tend à recouvrir la réalité des évènements au point que ces derniers ne deviennent lisibles qu’à la lueur du passé mythifié. Les phénomènes contemporains apparaissent dès lors non pas pour ce qu’ils sont, mais comme du passé cristallisé dans des formes nouvelles. Autre chose est de s’interroger en revanche, dans l’analyse même des phénomènes, sur la place des cérémonies, des habitus, des rites qui maintiennent en signification et en valeur les édifices symboliques qui fondent nos sociétés.

Le lieu d’où on parle
La question se pose de savoir jusqu’à quand ces édifices symboliques pourront encore tenir tant il est vrai que nous subissons chaque jour les coups de boutoir de discours et de postures qui sont totalement en décalage avec ce que nous sommes. Nous montrons par ailleurs, dans un autre article de ce livre, comment le phénomène se déploie à propos de la marchandise. Mais si chacun pense à la culture matérielle, il est bon de s’intéresser également aux objets communicationnels qui s’apparentent de plus en plus à des importations artificielles traitées d’ailleurs comme n’importe quelle marchandise. La chose est particulièrement criante en ce qui concerne nos média et leurs produits communicationnels d’information dont la teneur relève d’une galaxie essentiellement hétérogène.

Deux exemples pour illustrer cela.
L’économie antillaise, tous les paramètres le prouvent, a atteint son niveau d’essoufflement en 2007. Plusieurs raisons l’expliquent, mais ce n’est pas ici le lieu de l’analyser. Le discours des media s’est pourtant dès 2008 totalement inféodé à celui tenu en France à propos de la crise mondiale afin d’expliquer la situation d’anémie de nos économies. De ce fait, leur échappait - en particulier - la différence pour des raisons parfaitement explicables entre la Guadeloupe qui tenait mieux le choc et la Martinique qui brusquement chutait après une croissance relativement soutenue pendant plus d’une dizaine d’années, laquelle avait permis de faire fléchir des taux de chômage en baisse continuelle. Les seules explications tenues par les media ne pouvaient être qu’hétérogènes. Il ét

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