Eaux-fortes à Sainte-Marine
147 pages
Français

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Eaux-fortes à Sainte-Marine , livre ebook

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Description

Yann avait les yeux clos. Les vaguelettes de la marée montante taquinaient ses genoux. Sa main gauche, les doigts écartés, était posée sur sa chemise à l’endroit du cœur comme un dernier rempart d’une vie à la dérive.
Trop blanche la chemise ouverte, très rouge le sang vagabond. Et noire la mort qui est là.
En ce début de vingtième siècle, Samuel Pinkerton est de retour en Bretagne. En compagnie d’Eugène Archer, inspecteur des Brigades du Tigre, il profite de sa grande connaissance de l’âme humaine pour se mettre en chasse.
Fachoda le vieux militaire, Rita la jeune bohémienne et Sarah la femme au serpent prennent la pose. Marie-Clémentine peint…
C’est entre Sainte-Marine et Bénodet que se dessine cette fresque criminelle à laquelle Pinkerton a bien l’intention d’apporter sa touche finale… sans se douter qu’un trésor se cache au bout du chemin.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 19
EAN13 9782374533667
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Présentation
Yann avait les yeux clos. Les vaguelettes de la marée montante taquinaient ses genoux. Sa main gauche, les doigts écartés, était posée sur sa chemise à l’endroit du cœur comme un dernier rempart d’une vie à la dérive.
Trop blanche la chemise ouverte, très rouge le sang vagabond. Et noire la mort qui est là.
En ce début de vingtième siècle, Samuel Pinkerton est de retour en Bretagne. En compagnie d’Eugène Archer, inspecteur des Brigades du Tigre, il profite de sa grande connaissance de l’âme humaine pour se mettre en chasse.
Fachoda le vieux militaire, Rita la jeune bohémienne et Sarah la femme au serpent prennent la pose. Marie-Clémentine peint…
C’est entre Sainte-Marine et Bénodet que se dessine cette fresque criminelle à laquelle Pinkerton a bien l’intention d’apporter sa touche finale… sans se douter qu’un trésor se cache au bout du chemin.


***


Serge LE GALL vit et écrit à Pont-Aven. Il vous entraîne ici dans les tribulations du détective Samuel Pinkerton.
Eaux-fortes à Sainte-Marine
Les enquêtes de Samuel Pinkerton
Serge Le Gall
38, rue du Polar Les Éditions du 38
1
La chemise avait été blanche.
De cette blancheur insolente qui forçait le respect des bourreaux quand le condamné marchait vers son supplice. Le col était largement ouvert à la Balzac et il laissait voir un torse parsemé de poils sombres dont l’implantation symétrique faisait penser à un dessin au fusain. On aurait dit l’esquisse d’un oiseau de mauvais augure étendant les ailes pour un hypothétique envol.
Le gros bouton qui fermait le pantalon de drap noir manquait. Des fils rebelles indiquaient qu’il avait dû être arraché. Un pan de la chemise s’était échappé du pantalon et la brise du matin jouait avec ce morceau de tissu à le faire trembler comme les jours de tristesse. Une zone de peau plus blanche, plus tendre, se laissait entrevoir au gré des caprices du vent.
Les vaguelettes de la marée montante taquinaient les genoux de ce beau jeune homme allongé sur le sable comme s’il y finissait tranquillement sa nuit. En se retirant mollement, elles abandonnaient sur le tissu sombre quelques algues brunes arrachées plus tôt aux roches immergées par un ressac vigoureux en diable. Puis elles revenaient plus nombreuses et s’enhardissaient à progresser encore et encore. La mer, la mer toujours recommencée.
Le jeune homme avait les yeux clos dans un visage d’ange assoupi. Ses cheveux noirs, ondulés à l’excès, lui mangeaient le front comme s’il avait porté une sorte de couvre-chef. Sa nuque reposait sur une de ces pierres polies par la houle des marées d’équinoxe. Son corps épousait tant bien que mal le moutonnement des rochers. Seule, sa main droite était à demi recouverte par un sable si fin qu’on aurait dit de la poussière d’étoiles. Sa main gauche, les doigts écartés, était posée sur son cœur. Elle était assaillie par le sang comme si elle avait été le dernier rempart d’une vie à la dérive.
Trop blanche la chemise ouverte, très rouge le sang vagabond. Et noire la mort au bout du chemin.
2
Un attroupement s’était formé sur une espèce de glacis résultant de la construction mal maîtrisée d’un mur d’enceinte. Afin d’approcher au plus près l’embouchure de la rivière, les propriétaires du lieu avaient fait édifier une clôture de pierres qui s’apparentait à un rempart tant l’épaisseur de l’ouvrage et la taille des moellons impressionnaient le promeneur. Peut-être était-ce une manière de lui dire de ne pas passer outre sous peine de graves ennuis. La vie quotidienne des puissants ne souffre pas facilement de publicité tapageuse. Le regard inquisiteur du quidam qui se promène se délecte trop souvent des secrets d’alcôve imprudemment dévoilés pour que les acteurs et actrices de ces scènes intimistes ne s’entourent de multiples précautions.
Il fallait cheminer de longues minutes pour parvenir à l’endroit où un jeune garçon désœuvré avait découvert le corps. Cela relevait de l’exploit que d’y parvenir en longeant le bord de la rivière. À marée haute, la distance entre les clôtures envahissantes et l’élément liquide était réduite à la portion congrue. À marée basse, il fallait se jouer des montagnes russes composées de rochers peu décidés à faciliter la promenade. Comme si la nature se liguait avec les notables contre les petites gens pour que le littoral ne leur soit pas accessible !
Aussi, les curieux avaient fait le tour par la route menant au fort et, se guidant sur les éclats de voix, ils avaient obliqué à gauche pour embouquer un chemin menant vers la mer. Puis ils avaient longuement contourné une propriété gardée par un vieil original que les anciens surnommaient « Fachoda » en souvenir de la mission Marchand à laquelle il disait avoir participé.
Cette expédition d’exploration baptisée « Congo-Nil » avait été contrainte de céder la place à l’armée de Lord Kitchener le 18 septembre 1898 en un lieu appelé Fachoda sur les bords du Nil blanc, au cœur du Soudan qui deviendrait anglais. L’homme en question ne se lassait pas de narrer ses aventures africaines à qui voulait l’écouter. Peu importait la véracité de ses propos. Il avait un auditoire rêvé avec cette populace qui n’avait guère voyagé au-delà de l’autre rive de l’Odet.
Le sable avait été piétiné par des dizaines de pieds et les passages nombreux avaient donné un pommelé presque régulier à cette partie du rivage. Sous la lumière du couchant, on aurait pu se croire à la naissance d’un erg saharien s’étirant vers une palmeraie de rêve où des femmes lascives, vêtues de bleu sombre, arboraient des membres teintés de henné. Mais les paysans et les pêcheurs de Combrit Sainte-Marine n’avaient pas la moindre idée du désert.
Plus loin, il fallait gravir quelques escarpements et redescendre de l’autre côté avant de parvenir au théâtre macabre où la pièce était jouée par un seul acteur, bien silencieux au demeurant.
Dans l’angle du chemin tortueux épousant les échancrures dues à l’action de la mer, deux arbres rabougris donnaient un peu d’ombre à la scène et le feuillage mû par la brise qui habitait naturellement le littoral breton, créait un mouvement léger sur le visage du jeune homme aux yeux clos. Cette faible agitation semblait lui redonner un souffle de vie qu’il n’avait malheureusement plus chevillée au corps comme un bienfait de Dieu.
Le jeune garçon qui avait fait la découverte macabre, tordait son béret de ses doigts déjà abîmés par les travaux de la mer. Des coupures et des crevasses entretenues par le sel se disputaient ses phalanges. En Bretagne, on se découvrait toujours devant Dieu et devant la mort. Il restait silencieux et droit. Il comprenait bien que le moment requérait de sa part une attitude respectueuse. Quelque part, les peurs ancestrales rôdaient.
Les badauds du premier rang restaient immobiles eux aussi. Si, de temps en temps, ils bougeaient de concert comme une haie de tamaris sous la brise salée, c’était sous la pression des autres curieux qui, placés plus en retrait, ne parvenaient pas à voir la scène dans son ensemble sans se hausser du col. On aurait dit un théâtre d’ombres avec pour seuls traits de couleurs les broderies orange de quelques costumes locaux.
Le cadavre n’avait pas été déplacé. Personne n’avait osé le toucher alors que l’eau montante lui atteignait la ceinture. Si l’on n’y prenait pas garde, le corps pouvait être porté par le flot, le temps d’être ballotté d’un côté à l’autre par les vagues indécises, avant de disparaître entre deux eaux.
Les gens du cru n’avaient aucune envie de poser la main sur le mort. Il leur semblait être un rejet de la mer vomissant ses proies une fois qu’elle leur avait pris la vie, un signe du destin. Et la mer cruelle faisait peur. Peur au point d’intimer le respect à tout être vivant incapable de ne pas se noyer s’il se trouvait emporté par la vague.
Un homme pourtant s’enhardit. Il descendit du rocher qui lui donnait une vue plongeante sur les gens et les choses en sautillant à la manière d’un jeune cabri comme si le contact du sable meuble le remplissait d’un étonnement mêlé d’effroi. Son attitude curieuse, totalement en désaccord avec le caractère breton davantage sur la réserve, étonna les spectateurs. Une jeune fille naturellement souriante 

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