La consigne du paradis
153 pages
Français

La consigne du paradis , livre ebook

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153 pages
Français

Description

À la consigne du paradis les portes des casiers s'ouvrent et les personnages s'animent. Manon, fillette éprise de poésie, se bat contre les dictionnaires ; un vagabond transporte dans sa besace ses filles adorées, enroulées dans du papier journal ; Max, employé modeste, se passionne pour le langage des animaux ; Sergio, dans son bureau asutère, remplit les armoires de ses rêves... Les portes se referment, les murmures persistent.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2012
Nombre de lectures 33
EAN13 9782296503397
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-57519-6 EAN : 9782296575196
La consigne du paradis
Vivienne Méla La consigne du paradis
nouvelles
L’Harmattan
Les petites ailes des bien-aimées
La bibliothèque verte
Le gardien des armoires
Le Pied Unique Douce nuit Animaux de mauvaise compagnie
Apartheid et abricots Le potager Les sacs qui débordent
Le jardin aux herbes Retour La consigne du paradis
Les petites ailes des bien-aimées
Mathieu observait le vieillard depuis un long moment. Ce n'était pas la première fois qu'il le voyait cheminant à travers les champs dans son manteau noir d'épouvantail, bardé de sacoches, des paquets emballés dans du papier journal suspendus autour du cou. Maman disait que c'était un chemineau, un vrai chemineau comme il y en avait autrefois ; quelqu'un qui arpente le pays, été comme hiver parce qu'il veut vivre au grand air, être seul, être libre. Cela leur était égal, aux chemineaux, de manger bien ou de manger peu — mais il fallait leur donner un casse-croûte s'ils frappaient à la porte. Cela ne leur faisait rien non plus d'avoir chaud ou froid pourvu qu'ils soient sur la route — pourtant, on devait les inviter à s'asseoir un moment auprès du feu en hiver et leur offrir une limonade glacée en été. Maman parlait des chemineaux comme si elle connaissait bien la vie de ces hommes du voyage, elle qui n'allait jamais plus loin que la ville voisine pour faire les courses. Plus curieux encore, maman, qui avait si peur des vendeurs ambulants, des romanichels et des témoins de Jéhovah, était prête à accueillir n'importe quel vagabond dans sa cuisine où elle lui servait à table de bonnes tranches de pain beurrées, du fromage et des pommes — la collation qu'ils emportaient invariablement lors des prome-nades et pique-niques en famille. Mathieu était certain que même si sa mère avait de la viande froide ou du jambon dans son placard, elle ne servirait pas ces choses-là à un chemineau, non pas par avarice — elle était la personne la plus généreuse du monde — mais parce que pour elle le pain, le fromage et les pommes étaient les seuls aliments qui convenaient à quelqu'un qui marche. Lorsque les petites sœurs de Mathieu faisaient remarquer à leur mère que d'autres enfants emportaient des omelettes froides, de la salade de riz, des abricots, des boîtes
de biscuits, même du chocolat en promenade, maman les regardait, incrédule, et hochait la tête.
Le vieillard était assis sur un muret et sortait des paquets de sa sacoche. Mathieu se demanda s'il allait assister à un vrai repas de chemineau, auquel cas il pourrait vérifier les croyances de sa mère à propos de l'alimentation des vagabonds. Devait-il épier ainsi le monsieur ou la courtoisie lui commandait-elle de s'éloigner ? Mathieu hésita. Puis après tout, il était là le premier. Il faisait des acrobaties sur la barrière du champ lorsque le vieux était arrivé, s'était assis. S'il tenait à être seul il aurait pu s'installer plus loin. Mathieu resta donc. Assis sur la barrière, il continua à l'observer. Ce n'était pas de la nourriture qu'il sortait de sa sacoche mais de tout petits paquets, à peu près de la taille d'une bobine de fil, qu'il aligna sur le mur.
Intrigué, Mathieu descendit de la barrière et alla s'asseoir sur une pierre, toujours de l'autre côté de la route ; de là il voyait mieux les gestes du vieux. Maintenant le vagabond avait sorti une demi-douzaine de minuscules paquets et commençait à déballer le premier. Lentement, il déroula le papier journal, sortit un petit objet qu'il posa un instant sur ses genoux, défroissa le morceau de papier, le plia et le rangea soi-gneusement dans son sac. Puis il prit l'objet dans sa main, le tenant avec précaution entre ses gros doigts noueux.
« Ça doit être un soldat de plomb », se dit Mathieu qui se leva de sa pierre, traversa la route et se planta cette fois devant le vieillard, en lui disant poliment bonjour. Le vieux ne leva pas les yeux, ne répondit pas au salut de Mathieu tant il était absorbé par ce qu'il faisait. De près, Mathieu vit que la figurine n'était pas un soldat de plomb, ni une poupée comme celles qui peuplaient la chambre de ses sœurs ; ce n'était pas non plus un bonhomme appartenant à la horde de héros intergalactiques qu'il collectionnait lui-même ; cela ne ressemblait pas non plus à une pièce d'un jeu d’échecs, ni à
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