La poubelle de la discorde
196 pages
Français

La poubelle de la discorde , livre ebook

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196 pages
Français

Description

Charles Manga veut ouvrir un bar-café moderne. Chris Agbor veut gagner les prochaines élections pour devenir le maire de la commune d'Obili. Entre ces deux voisins se dresse malheureusement une poubelle qui déborde, soulève les passions, et montre à quel point nous sommes esclaves de nos intérêts.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2012
Nombre de lectures 15
EAN13 9782296502208
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La poubelle de la discorde
Lettres camerounaises Collection dirigée par Gérard-Marie MessinaLa collectionLettres camerounaises présente l’avantage du positionnement international d’une parole autochtone camerounaise miraculeusement entendue de tous, par le moyen d’un dialogue dynamique entre la culture regardante – celle du Nord – et la culture regardée – celle du Sud, qui devient de plus en plus regardante. Pour une meilleure perception et une gestion plus efficace des richesses culturelles du terroir véhiculées dans un rendu littéraire propre, la collectionLettres camerounaises s’intéresse particulièrement à tout ce qui relève des œuvres de l’esprit en matière de littérature. Il s’agit de la fiction littéraire dans ses multiples formes : poésie, roman, théâtre, nouvelles, etc. Parce que la littérature se veut le reflet de l’identité des peuples, elle alimente la conception de la vision stratégique. Déjà parus Ayong EBEMOH,Le salaire du péché, 2012. Janvier YEMELE,Le paon, 2012. Soter Nah OWONA,Foyers éteints ou l’impossible retour à la case natale, 2012. Maxime METO’O,Le rapt impétueux, 2012.
Paul Emmanuel Bassama Oum La poubelle de la discorde
Roman
Du même auteur Le retour à la vie du prisonnier, L’Harmattan, 2012.© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-99096-8 EAN : 9782296990968
Samedi, 4 Juin.
1. Dans le rêve qu’il faisait ce matin-là, Manga se voyait avancer au milieu d’une foule immense et bigarrée qui hurlait son nom, et l’encensait de louanges et de flatteries enthousiastes. Les bras levés vers le ciel, il répondait au délire de ses sujets sans sourire, esquissait quelques fois de ses doigts le symbole de la victoire, et rajustait d’un geste ferme la couronne impériale posée sur sa tête lorsque celle-ci vacillait. Arrivé au seuil du complexe commercial qui gonflait tant son orgueil alors qu’il avait invité tout le royaume à assister à son inauguration, Manga se retourna vers la foule en transe, ajusta le pagne blanc dont il était drapé, et leva une dernière fois ses deux bras vers le ciel en poussant un cri de guerre. Des hourras et des applaudissements retentirent plus que jamais de la foule.
Manga se tourna alors vers l’ingénieur qui avait dirigé les travaux de construction de l’immeuble de plusieurs étages. Mais lorsque celui-ci lui proposa de prendre l’ascenseur pour aller jusqu’au sommet, Manga refusa d’un geste net de la main. Il écarta ensuite ses bras, leva la tête au ciel et, dans un mouvement de lévitation, s’éleva lentement et atteignit en quelques secondes le haut du bâtiment. La transe de la foule redoubla. Manga sourit enfin lorsqu’il eut atteint son objectif.
Manga parla ensuite à son peuple. Il rappela sa promesse de faire de son royaume une terre de paix et de prospérité. Il suffisait de lui faire confiance, et ne pas écouter les mensonges et les quolibets que son frère, qui n’en voulait qu’à sa couronne, véhiculait à son sujet. La réalisation qu’il inaugurait ce jour n’était que la première d’une longue série,
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ses ambitions étaient aussi grandes qu’un océan. La foule applaudit plus fort et plus longuement avant que Manga, tel un oiseau, n’entreprenne de redescendre sur terre.
- Et maintenant, allons boire et manger ! cria-t-il à l’endroit des hommes et des femmes qui se bousculaient pour le toucher, avant de se laisser conduire vers l’arène qui abritait le festin. Mais, Manga n’alla pas jusqu’au bout de son rêve. À peine avait-on commencé à poser les plateaux de victuailles sur la longue table devant laquelle il s’était assis avec quelques notables, que la foule se mit à disparaître de sa vue. Il tendit les bras vers le gigot de mouton qu’il avait spécialement commandé pour lui, et ne rencontra que le vide. Son esprit se concentra alors sur les nymphes qui, debout devant sa table, chantaient un hymne à sa gloire, et agitaient avec de grands éventails l’air qu’il devait respirer. Mais les filles aux seins dénudés disparurent l’une après l’autre, et le roi, dans une ultime agitation, s’aperçut qu’en réalité il était dans son lit, et que surtout on toquait avec insistance à la porte de sa chambre. Manga cligna plusieurs fois des paupières avant d’ouvrir les yeux. - Qu’est-ce que c’est ? lança-t-il d’une voix faible. Sa bouche était pâteuse et le rêve brusquement évanoui expliquait sa lassitude. Il aurait tout donné ce matin pour ne pas avoir à prononcer un mot. - Charles, réveille-toi. Le maçon est là ! Tu lui as donné rendez-vous à huit heures et il est presque midi. Réveille-toi maintenant !
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Manga reconnut la voix. C’était celle de Berthe, sa cousine qui tenait la vente à emporter de boissons au devant de la maison. Le souvenir du maçon lui revint également. Il lui avait bien donné rendez-vous ce matin, pour évaluer et entreprendre la réfection de certains murs de la maison qui se lézardaient sérieusement. Il se réveilla définitivement. - C’est vrai, fit-il à l’adresse de sa cousine. Dis-lui de patienter encore un moment, je viens … Berthe, ajouta-t-il, sers-lui une bière en attendant. D’accord ? - C’est déjà fait ! répondit Berthe. Mais, si tu le veux, je peux lui en donner une deuxième… - Fais-le, et dis-lui que j’arrive. Berthe repartit, Manga s’étira en grognant pour sortir son corps de l’endolorissement d’un profond sommeil. Il s’aperçut en se retournant qu’il n’était pas seul dans son lit. Une jeune fille dormait à ses côtés, la tête posée sur un oreiller, le corps à moitié recouvert par un drap qui épousait parfaitement les contours de ses reins. Manga sut pourquoi il avait dormi aussi profondément. Il avait rêvé dans le sommeil, la réalité lui revenait au réveil. Et la réalité, Manga la défila dans sa tête pendant qu’il enfilait un jogging pour aller rejoindre son visiteur. Noceur invétéré, il était sorti la veille, comme tous les soirs, aux environs de vingt-trois heures, avait visité toutes les gargotes à la mode, avant d’échouer au Vital Night-club à deux heures du matin, sous une pluie battante. Sous les lumières tamisées et multicolores de la piste de danse, il l’avait vue se déhancher avec cette gaieté aguichante propre aux professionnelles de la nuit, avait apprécié le galbe de son corps, et jeté son dévolu sur elle. Une servante du club s’était ensuite chargée de la conduire à la table où Manga ouvrait déjà une bouteille de Jack Daniels. Le reste de la soirée se
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déroula dans une frivole chamaillerie pour convaincre la catin de le suivre et pour fixer le prix de la passade. Manga ne regrettait pas d’avoir finalement cédé à la volonté de sa compagne. L’alcool aidant, Rosy – un nom de circonstance, pensa-t-il – s’était révélée experte et enflammée au lit, en redemandant encore et encore jusqu’au moment où tous les deux s’écroulèrent d’épuisement vers six heures. Il lui caressa la joue d’un geste tendre, avant de quitter la chambre en souriant malicieusement. - Tu veux encore une bière ? J’en prendrais bien une moi aussi, pour me réveiller … Manga ne s’excusa même pas auprès de son visiteur lorsqu’il le retrouva assis sur un casier de la vente à emporter. Le maçon, un quinquagénaire au crâne rasé et à la moustache grisonnante, accepta l’offre de son hôte, bien heureux de lever le coude sans bourse délier en cette matinée. - J’ai expertisé les murs dont tu m’as parlé, dit-il en jouant des doigts et des ongles pour vérifier si la capsule de sa nouvelle bière lui offrait le gain d’une nouvelle bouteille. Avec quelques sacs de ciment et un demi camion de sable, je pourrais remettre tout à neuf la semaine prochaine. - Il faudrait ensuite repeindre ces murs, intervint Manga. J’entends même refaire la peinture sur toute la maison. - Ce serait bien, je me charge de te trouver un bon peintre. - Ne te gêne pas pour cela. Je suis moi-même un entrepreneur, et je connais beaucoup de bons peintres. - Tant mieux ! Mais pendant qu’on y est, pourquoi ne transformerais-tu pas ton bar en un café sélect où l’on peut s’asseoir pour boire ? La coupe du monde de football commence dans quelques jours, et après sa belle prestation en Italie, tout le monde pense que notre équipe nationale sera
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