Le chien citoyen
188 pages
Français

Le chien citoyen , livre ebook

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188 pages
Français

Description

Douille, petit chien York de quatre kilos, vit en parfaite harmonie une affection réciproque avec son maître. Il s'aperçoit qu'il peut pénétrer la pensée humaine, discuter, contredire, argumenter. Dès lors, comment un petit chien de quatre kilos, au ras du sol, peut-il vivre normalement avec les hommes ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2008
Nombre de lectures 214
EAN13 9782296202962
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Achevé d'imprimer par Corlet Numérique 14110
Condé-sur-NoireauDépôt légal: juin 2008 Imprimé en Franced'Imprimeur: 51423N° - -Le chien citoyen«Théâtre du Lucernaire»
déjà parus dans la collection
Jacques HADJADJE, Adèle a ses raisons, 2007.
yPierre BOUSSEL, a pas de problème !, 2008.Christian Le Guillochet
Le chien citoyen
Roman
L'Harmattan@L.HARMATTAN. 2008
5-7, rue de l'École-Polytechnique; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan I@wanadoo.fr
ISBN: 978-2-296-06071-5
EAN : 9782296060715La botte
Le vit dégainé, pointu, il s'agite, frénétique. Ses reins
bougent vite. Les mouvements sont un peu désordonnés. Il
monte et redescend, recommence, comme il se doit. Il
persévère, enragé, debout, les muscles tendus à l'extrême.
Toute sa chair se redresse. Le gland rougi se dérobe. Entre
ses cuisses, l'objet de son désir est malmené, secoué, mais
reste raide, froid. Il est magnétisé. Il combat, sûr de lui, de
sa jouissance, l'esprit carnassier. Il farfouille, il est
cambré, il bave, il est le maître. Il sent les odeurs de sa
victoire. Il prend un plaisir de tous les diables. Une sueur
particulière coule de son poil. Il respire comme on hume
un flacon. Il cherche où s'enfoncer, accélère le rythme de
ses coups de reins. Soudain il s'arrête; net, comme ça,
suspendu, image fixée, complètement immobile, les yeux
en extase, respiration courte «Mais c'est une botte L.. Je
fais l'amour à une botte 1... J'essaie d'ouvrir en apothéose
une botte L.. Je suis malade et je m'échine là depuis
combien de temps? Mon désir est devenu fou. Je prétends
jouir normalement d'un morceau de cuir élaboré, mes
cuisses, mon ventre, mes poils emmêlés, accrochés à cet
objet, dressé sur mes pattes de derrière. Pauvre malade! »
Il fait encore jour dans l'appartement. Il s'est éloigné,
allongé sur le sol et, dans la position du sphinx, perplexe,
il contemple la botte convoitée. Il porte les longs poils de
sa race, de couleur fauve et noire avec des mèches argent.
Il a la taille d'un gros chat, un corps bien équilibré, très
musclé: un chien en pleine forme. Il reste ainsi, hypnotisé,
un bon moment. Lentement il reprend son souffle.
«Douille, il n'y a rien d'anormal à ce qu'un chien
essaie de faire l'amour à une botte appartenant à sonmaître; tous les chiens font ça, se rassure-t-il. Certes, mais
moi, je m'en suis rendu compte, ni rien, ni personne n'est
venu interrompre mes ardeurs solitaires, aucun bruit,
aucun ordre. Je me suis arrêté tout seul. L'absurdité de ma
position a surgi dans ma tête, comme ça. Que je frotte mon
sexe contre une botte... bon... mais que je comprenne
l'incongruité de la situation, voilà qui fait la différence.
Un chien est un chien, agit comme un chien. Je suis un
chien. Je ne raisonne pas... Enfin, je ne devrais pas...
Merde 1...il m'arrive sur le poil une chose particulière: le
sens du ridicule. Il fait partie du patrimoine génétique des
hommes, pas de la race canine; nous, c'est l'instinct qui
nous fait réagir. »
Maintenant Douille regarde la botte sans la voir, sa tête
bouge à l'intérieur. « Si un homme est surpris en train de
faire l'amour à une botte, on pensera que c'est un
détraqué, un malade de la botte ». Il imagine aussitôt son
maître dans cette situation. L'image qu'il invente lui
donne envie de rire; alors il bondit devant la glace du
couloir, celle du placard à vêtements, qui coulisse à la
japonaise et descend jusqu'au plancher. Il se regarde; son
envie de rire ne l'a pas quitté, pourtant il a sa gueule
habituelle. Il essaie encore, invente une autre image,
cherche le détail, imagine son maître à quatre pattes, à
poil, en pleine érection, la botte entre les jambes, et lui, le
chien, en train de le mater. L'envie de rire l'envahit de
nouveau. Il est devant la glace, s'observe, mais sa gueule
est comme moulée dans le plastique: rien ne vient
indiquer qu'il rit. Il est un chien. Un chien ordinaire ne rit
pas, ou alors, il montre les dents, et le rictus donne plutôt
l'impression qu'il veut mordre. Un homme rit avec ses
yeux, avec sa bouche. Tout son visage bouge, son ventre
tressaute même quelquefois. Il émet des sons stridents,
mais lui, non, quand il essaie, un aboiement se déclenche
6et sa queue remue. Il est donc bien un chien, seulement un
chien. Mais ce raisonnement qui lui est venu d'un coup,
cette observation soudaine, pas normal pour une bête. Il
s'éloigne de la glace-placard en murmurant dans sa tête:
peut-être suis-je un humain à quatre pattes, l'humain se
définit-il seulement par le cerveau?
Il revient devant la glace; les sens éveillés, il cherche
les détails qui pourraient le rapprocher de l'homme. Il
insiste, scrute. Debout sur ses pattes de derrière, il essaie
de marcher, reste un moment dans cette position, mais ne
voit qu'un chien, un petit chien qui a bien du mal à se tenir
en équilibre. Il se remet sur ses quatre pattes et quitte la
glace en songeant: «ce qui m'arrive s'est peut-être déjà
produit avec d'autres chiens... » Il réalise très vite qu'il ne
l'aurait jamais appris. Dans son monde canin, on ne lit
pas, on ne parle pas l'humain. Alors...
«Ce qui me tombe sur le râble est exceptionnel,
sûrement unique », se dit-il. Il a peur. Il démarre à toute
vitesse, se présente de nouveau devant le miroir. Ce chien,
là, devant lui, il le reconnaît, souvent il l'a regardé, a
aboyé après lui, et l'autre répétait en parfait jumeau
l'aboiement. Il a essayé de le provoquer au jeu, sans
succès. Tout lui revient maintenant en paquet: ses essais
pour entrer dans la penderie afm de débusquer l'intrus,
mais jamais, jamais, il n'avait imaginé que ce chien c'était
lui. Et là, depuis un moment, il s'est regardé sans se poser
de questions. Il savait que la glace lui renvoyait son
image; il avait, sans s'en rendre compte, analysé les
informations, et son cerveau avait rendu le verdict:
« Douille, tu te vois! Oui, oui, tu es beau, mais tu te sens
fatigué. Ton cerveau doit être trop petit pour supporter un
entraînement aussi intense. »
Avisant le fauteuil du salon sur lequel il est autorisé par
son maître à dormir, il s'élance pour prendre sa place, rate
7son saut et se retrouve au sol. Le fauteuil n'est pas trop
haut et la moquette de laine blanche, épaisse, amortit bien
la chute mais c'est la première fois qu'il rate. Assis,
étonné, il regarde le fauteuil, puis recommence le saut, très
concentré sur son action, et cette fois-ci il réussit un bond
parfait, avec la coordination et la souplesse habituelles.
«Je ne dois pas me laisser troubler par ce qui m'arrive, se
dit-il. Qu'au moins ce corps de chien me laisse les
privilèges inhérents à ma race animale! »
Il commençait à s'abandonner au moelleux du fauteuil
quand une violente douleur se fiche dans son crâne. Il a
envie de hurler. Il hurle! Il a l'impression que ses yeux
doublent de volume, que sa gueule s'est bloquée,
largement ouverte, prolongeant sa plainte. Ses pattes
tremblent, les quatre ensemble Ça dure une éternité de
cinquante secondes, puis il s'évanouit.
Le maître
La plainte de la serrure, fermée par sa clé, sortait
Douille de sa somnolence et le propulsait hors de son
fauteuil. Ces bruits aigus étaient le signal du plaisir, la fm
de la solitude quotidienne, le bonheur du maître revenu, la
voix caressante des retrouvailles. Dès que la porte était
ouverte, Douille bondissait, tournait sur lui-même comme
s'il poursuivait sa queue, puis s'élançait presque à hauteur
de la taille de Bertrand. Il aboyait aussi, lançait des petits
cris plaintifs, saccadés. Son maître, quelquefois, l'attrapait
au vol et le portait au niveau de son visage; alors il lui
léchait les joues, le nez, la bouche, à petits coups de
langue humide. Bertrand riait. Ces effusions duraient
souvent plus de dix minutes, puis Douille aboyait en
direction de la laisse posée sur une petite table de coin.
8C'était le moment de la promenade, suprême plaisir. Pour
elle, il se mettait debout sur ses pattes de derrière,
sautillait, comme pour dire «

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