Le revers de l amour
136 pages
Français

Le revers de l'amour , livre ebook

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136 pages
Français

Description

A travers ces cinq nouvelles, dans lesquelles le suspense et l'humour noir se côtoient, l'auteur dévoile la perfidie, la cruauté, l'ingéniosité vicieuse qui animent certaines personnes de nos villes et villages. Cinq balades dans des régions d'Afrique où les braves gens se rient de la misère et perpétuent leurs coutumes, parfois singulières.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2011
Nombre de lectures 21
EAN13 9782296472709
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le revers de l’amour
Littératures et Savoirs Collection dirigée parEmmanuel Matateyou Dans cette collection sont publiés des ouvrages de la littérature fiction mais également des essais produisant un discours sur des savoirs endogènes qui sont des interrogations sur les conditions permettant d’apporter aux sociétés du Sud et du Nord une amélioration significative dans leur mode de vie. Dans le domaine de la création des œuvres de l’esprit, les générations se bousculent et s’affrontent au Nord comme au Sud avec une violence telle que les ruptures s’accomplissent et se transposent dans les langages littéraires (aussi bien oral qu’écrit). Toute réflexion sur toutes ces ruptures, mais également sur les voies empruntées par les populations africaines et autres sera très éclairante des nouveaux défis à relever. La collectionLittératures et Savoirsun espace de promotion des est nouvelles écritures africaines qui ont une esthétique propre ; ce qui permet aux critiques de dire désormais que la littérature africaine est une science objective de la subjectivité. Romans, pièces de théâtre, poésie, monographies, récits autobiographiques, mémoires... sur l’Afrique sont prioritairement appréciés. Déjà parus Emmanuel MATATEYOU,Comment enseigner la littérature orale africaine ?, 2011. Charles SOH,Un enfant à tout prix, 2011. Valérie Joëlle KOUAM NGOCKA,À cause d’elle (roman), 2011. Sophie Françoise BAPAMBE YAP LIBOCK,Le Dévoilement du silence, 2010 Pierre Olivier EMOUCK,Les chiens écrasés, 2010. Duny FONGANG,À l’ombre du doute, 2010. Grégoire NGUEDI,La Destinée de Baliama, 2010. Floréal Serge ADIEME,La Lionne édentée(roman), 2010. Jean-Claude ABADA MEDJO,La parole tendue (poésie), 2010.
Simplice Kamga
Le revers de l’amour
Nouvelles
Nous sommes conscients que quelques scories subsistent dans cet ouvrage. Vu l’utilité du contenu, nous prenons le risque de l’éditer ainsi et comptons sur votre compréhension.
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-56572-2 EAN : 9782296565722
À
C. N. B.
Chère amie, Un heureux concours de circonstances nous réunit aujourd’hui encore en cette École qui – je ne t’apprends rien de nouveau – nous a conduits en bonne intelligence dans l’âge adulte. Je me permets de te tutoyer car, quelque changement de fortune qu’aient pu connaître nos existences, le souvenir de ces années m’en donne la pleine autorisation. En effet, à notre entrée à l’université, nous n’avions pas encore atteint l’âge de la majorité ; mais déjà nous pétillions d’esprit, chacun à sa manière. En sorte que, souviens-toi, nos professeurs nous avaient appariés en un binôme pour effectuer divers travaux académiques formateurs au noble métier d’enseignant. Te rappelles-tu encore celui qui proclamait sans cesse notre mariage alors que ni moi ni toi ne savions rien d’expérience sur les réalités de l’amour charnel ? Je n’irai pas plus loin dans les souvenirs. Seulement, dans ces jours-là, tu sais que je me faisais des idées, comme on dit, sur l’amour. Ces pensées, nourries de lectures aurevilliennes et autres d’alors, trouvèrent un point d’ancrage dans quelques faits divers qui venaient de se produire dans le pays et aussi dans certains recoins de mon imagination. D’où je les développai en récits qui suivent. Ils gisaient dans mes cahiers depuis lors. Je craignais que l’on m’accuserait d’impudicité ou de scandale puisque ces textes lèvent le rideau sur l’amour pour en montrer le revers ; avec, par endroits, quelques audaces de la plume, et non de l’auteur, qui se trouve contrainte de décrire l’érotisme. Me voilà jugeant mes histoires. Cette tentation est puissante, mais Dieu m’en garde. Je me tais donc et te laisse ce soin, à toi autant qu’aux lecteurs dont les observations attendues seront d’une valeur certaine pour la dernière main sur un autre manuscrit en cours. Tu me disais encore, il y a quelques années, que mon goût pour la phrase ample pourrait quelque peu freiner ton élan de lecture. Qu’y puis-je, ma sœur ? La vie elle-même est tout bonnement
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complexe ! Et puis surtout, quand on a lu et aimé quelques textes de M. Proust, on n’en ressort pas indemne. J’aurais autant aimé donner à cet opuscule le titreDe l’autre côté de l’amour. Et si, ayant relu ces textes après toutes ces années, je n’y ai guère modifié que quelques lexèmes d’ailleurs sans grande incidence sur la signification d’ensemble, c’est pour trois raisons. Ces cas de revers n’ont point disparu de notre société, bien au contraire ! Mon attachement au temps perdu est resté le même ; enfin, le plus important, je voudrais que tu liseslentementpour goûter plus longtemps la saveur du texte avant de juger. Je sais que tu n’as pas assez de temps, comme d’ailleurs presque tout le monde. Mais la vitesse dans bien des choses est à la source de la plupart de nos insatisfactions et colères, et une nouvelle approche de l’objet, à tête reposée comme on dit, nous le fait redécouvrir sous un autre jour. Je ne retarderais pas plus longtemps votre entrée dans l’univers de la fiction. En effet, c’est bien de fiction qu’il s’agit dans ce livre. Dès lors tout indice évoquant chez le lecteur quelque personne (notamment le nom, la fonction et le caractère), lieu, objet, événement, réels connus ou non, serait absolument imputable à la coïncidence non voulue par l’auteur. Tu comprends, Cathy, que je t’associe tous les autres lecteurs quand je dis « votre entrée ». Certes, ta position actuelle, qui est due à ton génie, requiert que d’autres observent les circonlocutions de la politesse française pour s’adresser à toi. Notre passé commun me dispense de ces usages, et ton âme n’a pas de ces susceptibilités orgueilleuses. Ma familiarité s’incline devant ta valeur. Mais si par le plus grand hasard mon peu de civilités ici paraissait gênant, je vous prierais de m’en excuser. Car je serais tout heureux si vous trouviez quelques motifs à détente et/ou à réflexion dans ces scènes « sauvages » dont je vous offre la primeur. S. Kamga
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1. L’homme à la dent émoussée
Comment a-t-on pu dire que l’homme est un animal raisonnable ? Il est tout ce qu’on veut, sauf raisonnable. Oscar Wilde,Phrases et philosophie.
La pluie venait de cesser. Les vendeuses retournaient à leurs étals disposés en ligne près de la route, l’allure ramassée et les bras croisés contre elles sous les pagnes qui recouvraient leurs épaules. Elles avaient dû, quelques minutes plus tôt, regagner les abris en toute hâte, quand une pluie soudaine avait surgi derrière la colline.
Le ciel, en effet, s’était alors assombri tout d’un coup tandis qu’une rafale effeuillait les arbres et secouait les bananiers. Puis l’averse, aux gouttes grosses comme des cailloux, avait surpris le petit village de Leû, l’eau s’abattant en une explosion de mille pétards. Alors, toutes les marchandes se précipitèrent vers les chaumières et les maisons alentour à l’abri desquelles se trouvaient déjà quelques hommes, qui goûtant son vin de raphia, qui fumant un cigare en feuille de tabac enroulée en mâchonnant une tranche de kola. Là, chacun se récréait et comme la pluie crépitait et que l’on s’entendait à peine, le ton montait jusqu’au seuil de l’assourdissement. Une humeur enjouée animait tous les visages, les yeux brillaient de cet éclat ouvert dont les honnêtes gens embrassent le spectacle émouvant du déchaînement de la nature… Tous parlaient de ce mois de mai, mois d’une rare instabilité climatique. En effet, dans une même journée, des pluies inattendues venaient rafraichir le temps naguère presque surchauffé par un soleil cuisant, puis les coups de soleil séchaient la détrempe causée par la pluie, dans un cycle totalement imprévisible.
Les commentaires allaient bon train. On s’adressait des politesses et des blagues, on s’informait au sujet des proches qu’on n’avait pas vus depuis quelques jours. La pluie, en bonne averse, cessa au bout de quelques minutes, radicalement tranchée par le couperet du soleil qui reparaissait dans le ciel, apportant en nature du beau temps.
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Déjà, les rayons du soleil pourchassaient les petits filets d’eau ruisselant encore dans les caniveaux. Et les femmes se ranimant se penchaient sur les marchandises. Par habitude, elles plaignaient leurs choux et bananes mouillés. Faux geignement, car elles remerciaient, au fond d’elles-mêmes, le ciel qui venait de donner une nouvelle fraîcheur à leurs vivres. « Ehé é ! La pluie a éclaboussé mon piment ! s’écria une femme d’âge mûr en nettoyant les piments jaunes et rouges. – Qui va les acheter, ma sœur ? enchaîna une autre d’environ soixante-dix ans à vue d’œil. Mon panier est là encore intact, à deux heures. N’est-ce pas la nuit qui tombe ? – Voyez ici ma corbeille d’arachides ! dit une troisième, bien jeune, la voix pitoyable. Les voitures ne s’arrêtent pas depuis le matin. Qu’allons-nous faire, Ma’a Jacka ? – Il y a des jours comme ça, ma fille, reprit la première à l’intention de celle qui venait de la citer. Dans la vie il n’y a rien qui se passe bien tous les jours. » Ma’a Jacka était une petite vieille d’un grand renom dans Leû. Bonne chrétienne tout autant avertie des usages traditionnels, elle avait une foi profonde en la paix que l’Éternel donne gratuitement à tous ceux qui viennent à lui. Pour cette paix, la matrone aidait depuis de si nombreuses années les jeunes femmes à devenir d’excellentes épouses, enseignant le respect du chef de la maison, le don de soi et la fidélité conjugale. Elle avait réconcilié maints conjoints dans des foyers à problèmes, elle avait ramené à leurs maris maintes femmes à la cuisse légère, elle avait converti maints époux ivrognes et noceurs en conjoints responsables et avisés. Son véritable nom, Jacqueline Gwanglépo, reposait aux tréfonds des esprits sur la réalité de ses entrailles stériles, chose connue de tous les villageois. Dieu avait refusé les enfants à Gwanglépo, mais lui avait en contrepartie donné l’art d’en bâtir chez les autres femmes. Elle avait vu naître la plupart des jeunes gens qui, pour certains, avaient déjà fondé un foyer, les autres étant en voie de le faire. Tous lui étaient redevables d’affection. Et ils l’appelaient, avec une affectueuse chaleur, Ma’a Jacka. N’était-elle pas, en effet, un peu leur mère !
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