LES FERS DE L ABSENCE
172 pages
Français

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LES FERS DE L'ABSENCE , livre ebook

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172 pages
Français

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Description

Alors que Raya se débat à Irtaabi pour élever ses trois enfants, son époux Wadou, incarcéré à Bulala, la prison la plus répressive de Wirfaaba, confie à son journal sa solitude, ses blessures et ses doutes sur l'avenir. ŠL'auteure nous introduit au coeur de la politique africaine, et personne ne s'étonnera devant le tableau qu'elle peint de ces dictatures abominables qui ont régenté le continent. Derrière la poésie qui se dégage de cette oeuvre engagée, il y a la réalité révoltante du sort fait au peuple, la volonté de le voir sortir de ses fers et la conviction qu'il porte en lui-même les lumières de son émancipation.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2011
Nombre de lectures 81
EAN13 9782296467026
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les fers de l’absence
Encres Noires
Collection dirigée par Maguy Albet et Emmanuelle Moysan

Dernières parutions
N°347, Daniel MATOKOT, La curée des Mindjula. Les enfants de Papa, 2011.
N°346, Komlan MORGAH, Étranger chez soi, 2011.
N°345, Matondo KUBU TURE, Des trous dans le ciel, 2011.
N°344, Adolphe PAKOUA, La République suppliciée, 2011.
N°343, Jean René OVONO MENDAME, Les zombis de la capitale, 2011.
N°342, Jean René OVONO MENDAME, La légende d’Ebamba, 2011.
N°341, N’do CISSÉ, Les cure-dents de Tombouctou, 2011.
N°340, Fantah Touré, Des nouvelles du sud, 2011.
N°339, Harouna-Rachid LY, Les Contes de Demmbayal-L’Hyène et Bodiel-Le-Lièvre , 2010.
N°338, Honorine NGOU, Afép, l’étrangleur-séducteur, 2010.
N°337, Katia MOUNTHAULT, Le cri du fleuve, 2010.
N°336, Hilaire SIKOUNMO, Au poteau, 2010.
N°335, Léonard MESSI, Minta, 2010.
N°334, Lottin WEKAPE, Je ne sifflerai pas deux fois, 2010.
N°333, Aboubacar Eros SISSOKO, Suicide collectif. Roman, 2010.
N°332, Aristote KAVUNGU, Une petite saison au Congo, 2009.
N°331, François BINGONO BINGONO, Evu sorcier. Nouvelles, 2009.
N°330, Sa’ah François GUIMATSIA, Maghegha’a Temi ou le tourbillon sans fin , 2009.
N°329, Georges MAVOUBA-SOKATE, De la bouche de ma mère , 2009.
N°328, Sadjina NADJIADOUM Athanase, Djass, le destin unique , 2009.
N°327, Brice Patrick NGABELLET, Le totem du roi, 2009.
N°326, Myriam TADESSÉ, L’instant d’un regard, 2009.
N°325, Masegabio NZANZU, Le jour de l’éternel. Chants et méditations , 2009.
Hélène KAZIENDE


Les fers de l’absence
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55466-5
EAN : 9782296554665

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Une hirondelle solitaire fait la cour
à la case pour s’envelopper
Une grappe solitaire de mil fait la cour
à l’hivernage pour se développer


A ma mère
A mon père
A toutes les victimes de l’arbitraire
I
Fais de ta plainte un chant d’amour
Pour ne plus savoir que tu souffres


Il avait encore plu ce matin sur Irtaabi. Une pluie compacte, serrée qui était tombée drue sur la ville grelottante de peur, lourde d’appréhensions. La terre, gorgée par l’averse, se noya lamentablement, victime impuissante des flots indociles. Et les habitants, dans la plupart des quartiers, sortirent comme chaque année les gondoles de leur affliction, et ils pagayèrent, pagayèrent, vers la terre ferme, vers un innommable ailleurs, et chaque coup de pagaie se heurtait au ressac de leurs espoirs déchirés, chaque coup de pagaie était d’écœurement et de rage contenue. Puis, accostant, las, désemparés, ils cherchèrent promptement à abriter leur infortune dans des camps itinérants improvisés, flux et reflux de leur vie en perpétuelle déliquescence. Invariablement, tous les ans, au cours de la saison des pluies on assistait à ce ballet tragi-pittoresque, à cette migration de barques graves glissant sur les ondes scélérates. Venise sur la promenade des sinistrés. Magnifique tableau signé de main de maître !
Irtaabi c’est la capitale de Wirfaaba, ce pays où il est interdit d’être, où tout se tait et rien ne se dit, un pays patiné par des années d’inertie et de léthargie, où les nuits sont plus longues que les jours et les jours plus longs que les années. Un pays embrumé d’ombres et d’inquiétudes, qui, au Sud, en ce début de saison des pluies ployait, submergé par les eaux hivernales et qui au Nord se dissolvait, bu et comme happé par le dénuement et la dépossession.
Singulier pays que Wirfaaba ! Un pays très contrasté qui offre des perspectives extraordinaires, un pays où les flots bleu azur dans leur majestueuse immensité rivalisent de beauté avec la nudité somptueuse d’un désert extraordinaire, fresque unique au monde, qui attire toutes les convoitises de par ses ressources minières inépuisables et sa beauté incomparable. Une pierre précieuse brute éblouissante scellée dans son écrin de fer et de granit.
Irtaabi, située en bordure de mer, est une ville qui, en ce nouveau millénaire et à l’heure où les grandes villes des Etats voisins et du monde ont une poussée d’adrénaline spectaculaire en matière de développement, rivalisant de beauté et de créativité architecturale, est restée figée dans les balbutiements de son histoire atrophiée. Les routes bitumées, datant d’une époque qui a vécu, sont devenues des pistes rurales parsemées d’innombrables plaies cratériformes purulentes. En saison des pluies, les eaux de ruissellement charriant toute la misère du pays viennent s’y déverser, s’y accumuler pendant des mois sans que la terre gorgée de sang, de cris et de larmes du peuple pris en otage par plusieurs décennies de dictatures successives n’arrive à les absorber.
Irtaabi, c’est une ville au cœur brisé où l’on découvre des résidences modernes côtoyant des habitations noirâtres en terre battue aux toits de chaume laminés par les doutes et les angoisses de l’habitant qui s’interroge quotidiennement sur son sort ; on y découvre des taudis en tôle érodés par le souffle marin se disputant l’indécence à de vieilles bâtisses toutes délabrées datant de l’époque coloniale, laissées à l’abandon, accablées d’amère mélancolie, implorant de leur triste façade qu’on les sauve de l’oubli et de la négligence.
Irtaabi, c’est la ville où de nombreuses voitures poussives, collections de musées, ahanent désespérées aux côtés de voitures tape-à-l’œil rutilantes flambant neuves, insulte à la dignité d’un peuple qui se meurt dans l’indifférence ; c’est la ville où les ordures ménagères revendiquent à la cité des droits de propriété, c’est la ville qui implore tous les jours qu’on lui restitue un peu de crédit et qu’on cesse de la maltraiter. La nuit, les grandes artères de cette capitale atypique sans éclairage public sont de véritables coupe-gorges. Gare à celui qui oserait s’y aventurer !
A Irtaabi, où le temps s’est arrêté, tout est sans joie, sombre, terne, sans issue.

*
***

Raya s’activait à la préparation du repas de midi quand elle vit arriver vers elle deux hommes, de Zozofada, reconnaissables à leur tenue sinistre très sombre, d’un noir funeste. À leur sein gauche, gravée, l’effigie du président Kanta San’Ni, auquel ils avaient juré fidélité jusqu’à trépas. Ils ne payaient pas de mine.
Depuis un quart d’heure, Raya tempêtait contre un feu paresseux qu’elle attisait énergiquement et qui refusait de se réveiller. Avec la pluie tombée ce matin sur Irtaabi, les morceaux de bois mort dans le foyer restaient effrontément engourdis. La fumée commençait à lui picoter les yeux. Bientôt les enfants seront de retour de l’école, se disait-elle, pour le déjeuner. Heureusement, il lui restait encore un peu de « sauce couchée », celle du dîner de la veille, elle n’avait qu’à la réchauffer et faire une pâte de farine de maïs pour l’accompagner.
Tout allait de travers depuis quelques jours. Sans croire aux pressentiments, elle était d’une tristesse qui l’effrayait, peut-être était-elle à la veille du plus grand des malheurs ! Elle ne cessait de penser à son époux, Wadou Lemviré, emprisonné et dont elle était sans nouvelles depuis cinq ans. Elle vivait de ce fait, dans un état d’anxiété funèbre, dont rien ne pouvait la distraire.
Aussi, en voyant arriver ces deux hommes aux allures rébarbatives et de très mauvaise réputation, elle répugna d’instinct à avoir affaire à eux. Son cœur se serra et elle laissa tomber l’éventail qu’elle tenait. Son ciel s’assombrit subitement et une procession d’ombres inquiétantes se mit à planer au-dessus d’elle.
Ils lui tendirent une enveloppe.
− Une convocation pour vous, Madame, de Zozofada. Vous devez vous y rendre instamment, c’est urgent.
Ils n’en dirent pas plus, elle-même n’eut pas le temps de demander des précisions, ils tournèrent les talons et la laissèrent perplexe. Zozofada ! C’était là qu’on vous consignait lorsque vous osiez médire au sujet du président Kanta, lorsque vous osiez prononcer vainement son nom, lorsque vous aviez l’outrecuidance de troubler son sommeil, lorsqu’on vous accusait de tout, de rien.
Que se passe-t-il encore ?, se demanda Raya. Ces gens-là, c’était connu de tous, quand ils arrivaient chez v

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