Porte d Orléans
184 pages
Français

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Porte d'Orléans , livre ebook

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Description

Après avoir renié son village et sa famille, Pierre rencontre la vie réelle. Son meilleur ami trouve la mort dans un accident de la route, et celle qu'il aime l'abandonne. Commence alors une reconquête, Pierre va retrouver la littérature et le bonheur auquel il ne croyait plus,grâce à Solange. Mais la mort de la femme aimée va le renvoyer à ses interrogations passées en le livrant à la dernière solitude, celle qu'apporte une vie qui finit.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 9
EAN13 9782296487710
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Porte d’Orléans
Paul Fabre


Porte d’Orléans
DU MÊME AUTEUR


La Fara-Alès. Las Castanhadas , Montpellier, Centre d’études occitanes, 1970.
L’Affluence hydronymique de la rive droite du Rhône. Essai de micro-hydronymie, Montpellier, Centre d’études occitanes, 1980.
Noms de lieux du Languedoc, Paris, Bonneton, 1995.
Les Noms de personnes en France , Paris, Presses universitaires de France, collection « Que sais-je ? », 1998.
Au Sens large , Paris, L’Harmattan, 1999.
Dictionnaire des noms de lieux des Cévennes , Paris, Bonneton, 2000 ; réédition 2009.
Diagonalement vôtre , Montpellier, Amicale des Diagonalistes de France, 2001.
Expressions du cyclisme , Paris, Bonneton, 2004 (préface de Jean Bobet, dessins de Ségolène de La Gorce).
Le Pays de là-haut., Saint-Jean-de-Valériscle, Gabri-Andre, 2005.
Petit Dictionnaire de la littérature occitane du Moyen Âge, Montpellier, Centre d’études occitanes, 2006.
Le Grand Ruisseau , Clermont-Ferrand, L’Écir, 2008.
Rue Daguerre, Paris, L’Harmattan, 2010.
Anthologie des troubadours, Orléans, Paradigme, 2010.
Le Monastère de Peyrefort, Paris, L’Harmattan, 2011.
Rue Liancourt, Paris, L’Harmattan, 2011


© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96175-3
EAN : 9782296961753

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Pour Françoise,
si absente, si présente…

Pour Colette Seghers,
en partage de nos solitudes…
« … je hais les choses extraordinaires.
C’est le besoin des esprits faibles. »

Paul Valéry, Monsieur Teste ,
« La soirée avec Monsieur Teste »

*

« Je me demande – pensa tout haut M.
Teste – en quoi la « destinée » (comme
vous dites...) de l’homme m’intéresse ? »

Paul Valéry, Monsieur Teste ,
« Dialogue »
1 LE GRÉZAL
Le Grézal est un hameau perdu des Cévennes, perché sur une hauteur nue, mais caché par une élévation de terrain qui semble vouloir le protéger des regards et des pas venus de la vallée. Quand on remonte en effet le cours sinueux et encaissé du Rieumagre, on aperçoit tout là-haut devant soi un mur de granit, sévère et altier, comme le front orgueilleux de quelque géant des montagnes. Cette barrière impressionnante de roche grise, que le soleil illumine ou que la pluie assombrit, paraît avoir été posée là pour soustraire à tout regard indiscret les quelques maisons qui semblent s’y cacher.

Le chemin qui conduit à ces lieux lointains et oubliés n’en finit pas d’épouser les flancs de la montagne ; on dirait qu’il profite de la moindre saillie et de la plus discrète avancée de terrain pour y asseoir ici un tournant capricieux ou tracer là une corniche aventureuse ; et ainsi, peu à peu, de lacets téméraires en virages sournois et au prix d’un effort aussi patient qu’obstiné, la route finit-elle par atteindre la haute barrière de granit, qu’elle contourne enfin pour déboucher sur le plateau chauve où six masures se sont rassemblées pour dessiner un hameau.

Il n’y a, en effet, plus que six maisons au Grézal. Elles sont grises comme les touffes de l’herbe rabougrie qui pousse tout autour. Ici d’ailleurs, tout est gris, et gris presque toujours ; et quand le ciel s’efforce de se mettre au beau, on dirait que c’est à regret, et qu’il ne parvient que malaisément à s’entrouvrir au bleu chiche et balbutiant d’un azur obstinément timide.

Des six maisons du Grézal, aucune n’est aujourd’hui habitée ; abandonnées depuis des années, la mort et la vie se sont chargées de les vider : des vieux qui s’en vont, des jeunes qui s’envolent. Le temps est sans pitié, qui ne laisse que des pierres inutiles là où étaient un foyer – « un feu », disait-on alors –, une chambre, une cuisine, un appentis. Ailleurs, plus bas dans la vallée, sur les pentes du Rieumagre aussi, il arrive qu’une vieille bâtisse retrouve un peu de son souffle d’autrefois par la grâce inattendue d’un caprice, d’un élan, d’un coup de cœur : un citadin fatigué abandonne les bruits et les embarras de sa ville pour revêtir un moment le bourgeron du paysan, un rêveur lointain rompt avec ses semblables pour rejoindre la nature et la terre, un étranger au pays tombe tout soudain amoureux des lieux et vient transformer en résidence de loisirs ce qui n’avait été jusqu’alors qu’une humble demeure de travailleurs.

Mais ici, au Grézal, tout cela n’est ni envisageable ni possible. Le chemin n’est pas toujours ni partout carrossable, surtout en hiver, quand la pluie ou la neige creusent des rides profondes dans le sol, quand le froid paralyse tout, les arbres de la montée, les oiseaux du ciel, les hommes de la terre. Comment imaginer en effet que l’on puisse vivre là-haut sans disposer des commodités d’une voiture ? Si quelque solitaire se mettait un jour en tête de se retirer en ces lieux perdus, il lui faudrait bien aller à la poste, à la supérette, au point presse ou multiservice de la vallée. Et le facteur qui ne monterait plus les lettres, la poste devenue une banque n’assurant d’ailleurs plus la distribution du courrier depuis longtemps, puisqu’il faudrait, pour l’apporter, emprunter une route non goudronnée ! Était-il possible – aujourd’hui – de renoncer entièrement à son temps, à son confort, à ses exigences ?

Il ne reste donc plus une seule maison habitée au Grézal. Celle où Pierre était né était la première que l’on rencontrait lorsqu’on arrivait dans le hameau par la seule route qui y conduit. C’est un lourd coffre de granit, accroché à son socle comme une grosse carapace de tortue scellée là depuis toujours. Le seuil de la porte d’entrée est creusé à même la roche, comme pour dire que la maison qu’il garde est à jamais ancrée dans la montagne. Cela étant dit, tout est dit. La pierre a livré son message : elle est la matière, la forme et l’âme des lieux.

Pierre était né là, donc, cela faisait maintenant plus de soixante-dix ans. Enfant, il avait connu la vie rude de ces hauteurs ignorées de la plaine ; il se souvenait des veillées, des voisins qui venaient partager le feu réconfortant du soir, des mêmes voisins chez qui on allait boire le café en apportant son écot ; il se souvenait des enfants des autres maisons, avec qui il descendait le matin à Costenière pour aller à l’école, et avec qui il remontait le soir au Grézal pour regagner la solitude grise du hameau. Il se rappelait bien la classe de M. Deleuze, le poêle près de la porte d’entrée, le tableau noir, la carte muette, les blancs encriers de porcelaine qui ressemblaient à de petits chapeaux renversés regardant obstinément le plafond. Il se rappelait bien aussi M. Deleuze, sa blouse grise, sa règle menaçante, sa moustache noire, sa parole sèche. Les instituteurs ne badinaient ni avec l’orthographe ni avec la discipline, et l’école de la République avait alors le sourire rare et la main leste.

Chaque matin donc, avec ses camarades du hameau, Pierre prenait le chemin de Costenière, le village d’en bas, à trois kilomètres environ des hauteurs du Grézal. Il y avait là les trois frères Bouzel, dont celui qu’on appelait le grand Bouzel à cause de sa haute taille ; il y avait là aussi Maria, la fille des Coustelous. On portait alors les prénoms du pays : on s’appelait Pèire, Marçal, Adrian, Esteve. Mais à l’école, on les traduisait en français et, sur le cahier de M. Deleuze, on s’appelait Pierre, Martial, Adrien, Étienne. Et ça leur faisait vraiment tout drôle de s’entendre nommer à Costenière par des noms que l’on ignorait au Grézal.

Dans la classe de M. Deleuze, on apprenait à lire, à écrire et à compter ; et Pierre aujourd’hui ne comprenait pas bien que l’on pût s’interroger à propos de ces trois opérations scolaires si simples, si banales, si naturelles ; de son temps, ces choses-là ne se discutaient pas, elles paraissaient aller d’elles-mêmes ; c’est vrai qu’alors on était bien moins instruit que de nos jours. On apprenait aussi les fleuves et les départements, les rivières et les montagnes de la France, le tube digestif et les vases communicants. Et on vous savait tout ça par c

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