Shakespeare et son double
254 pages
Français

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Shakespeare et son double , livre ebook

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Description

Dans son ouvrage majeur sur Shakespeare, Les Feux de l'envie, paru en 1990, René Girard proposait une lecture neuve de l'oeuvre du dramaturge élisabéthain. Le présent essai se veut une suite de cette recherche et se focalise prioritairement sur les Sonnets. Depuis toujours considérés comme "obscurs", ceux-ci prennent une dimension radicalement nouvelle sous l'éclairage de la théorie mimétique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2011
Nombre de lectures 31
EAN13 9782296479272
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

SHAKESPEARE ET SON DOUBLE
Du même auteur, aux Éditions du Club Zéro :


La Maître des désirs ou Mes élèves et moi , 2001.
La Génération virtuelle ou Comment se débarrasser de l’Enfant Roi et de ses courtisans , 2003.
Et mon tout est un homme. Ebauche d’une pédagogie du lien , 2006.

Les Sonnets de Shakespeare , traduction, 2011.


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www. librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.f

ISBN : 978-2-296-55950-9
EAN : 9782296559509

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Joël Hillion


SHAKESPEARE ET SON DOUBLE

Les sonnets de Shakespeare
à la lumière de la théorie mimétique
de René Girard
How would thy shadow’s form form happy show To the clear day with thy much clearer light.

[Quel tableau l’ombre de ton ombre formerait En plein jour, éclairé par ta propre lumière !]

Sonnet 43
Avertissement
L’analyse que je propose ci-après, pour être lue avec profit, requiert que l’on se reporte régulièrement aux sonnets concernés. Quand un paragraphe entier, ou plusieurs portent sur l’étude d’un sonnet particulier, il est nécessaire d’avoir relu ledit sonnet dans son intégralité si l’on veut en suivre l’analyse que je fais. J’ai regroupé les sonnets par thèmes (la représentation, la comparaison, le péché, etc.) et je les ai analysés à chaque fois selon un éclairage spécifique. Il arrive souvent qu’un même sonnet soit traité plusieurs fois sous différents angles, dans des chapitres distincts. Pour les examens parallèles de chaque sonnet, il faut se reporter à l’index en fin d’ouvrage qui renvoie aux chapitres concernés.

Les citations en anglais que j’utilise dans le présent essai sont conformes au Quarto original de 1609, tel que la tradition l’a conservé. Quand j’ai, de ma propre initiative, apporté des modifications au texte original, je les ai signalées explicitement par un astérisque (*), mais elles sont rares. J’ai repris à mon compte la modernisation de l’orthographe anglaise aujourd’hui admise. Les traductions que je propose en parallèle sont extraites de l’édition réalisée par mes soins pour le Club Zéro.
Introduction
Shakespeare et Girard
En quête de sens
Dans l’ouvrage majeur qu’il a consacré à Shakespeare, Les Feux de l’envie , René Girard accorde une place toute particulière aux Sonnets. Il les situe résolument parmi les œuvres de premier plan du poète-dramaturge. Il voit même en eux le creuset de toute la création de l’écrivain. « Certains sonnets , écrit-il, sont si spectaculaires du point de vue qui nous occupe [la théorie mimétique] que j’ai longtemps caressé l’idée de commencer [mon étude] par eux . » Si les Sonnets tiennent une place aussi prépondérante dans l’œuvre globale de Shakespeare, c’est qu’ils le révèlent bien plus et bien mieux que ne le font ses pièces de théâtre. Parlant des Sonnets , René Girard n’hésite pas « à voir dans [leur] auteur le meilleur interprète de ses propres œuvres. »
En effet, les Sonnets offrent, par rapport aux œuvres dramatiques, l’avantage exceptionnel de nous montrer Shakespeare au travail, ils nous permettent d’avoir une idée du regard qu’il porte sur l’écriture de sa poésie, sur l’acte poétique lui-même, sur sa création. Son attention et sa réflexion sur lui-même y sont omniprésentes. Les Sonnets ne sont pas une œuvre ordinaire dans la mesure où, pour la première fois sans doute dans l’histoire de la poésie, on y voit un auteur qui se décrit écrivant et qui prend la poésie comme miroir de lui-même. Il n’y évoque pas seulement ses sentiments et ses pensées, il s’y observe et s’examine en tant qu’écrivain. De là à en faire une œuvre autobiographique, la tentation est grande, et nombre de lecteurs, experts ou non de Shakespeare, ont cédé, sans arrière pensée, à cette tentation. Mais les modes et les mœurs littéraires changent. Ainsi aujourd’hui la critique biographique est-elle boudée, quand elle n’est pas ouvertement rejetée par les « commentateurs modernes ». Pour ces derniers, en effet, si l’on veut apprécier une œuvre poétique, il faut « mettre l’accent sur le langage » et sur rien d’autre, regrette René Girard. « C’est là, paraît-il, la grande découverte de notre temps. L’essentiel, dans la poésie, n’est jamais ce que l’on dit, mais la façon dont on le dit. »
Or, pour comprendre les Sonnets , et a fortiori pour les traduire, il faut d’abord savoir de quoi ils parlent, ce qu’ils veulent dire. Et pour cela, il faut bien prendre en compte, d’une manière ou d’une autre, celui qui parle. Pour René Girard, l’implication de Shakespeare dans son œuvre, et singulièrement dans ses Sonnets , est égale à l’implication de Proust dans la Recherche , ou de Dostoïevski dans Le Joueur ou L’Homme dans le souterrain. Évidemment, les Sonnets ne sont pas, à strictement parler, une biographie – loin de là même –, mais « s’imaginer qu’un écrivain comme Shakespeare ait pu passer sa vie entière à représenter un désir totalement étranger à sa propre expérience est d’une absurdité criante. » « L’implication d’un écrivain dans son œuvre est souvent considérée comme quelque chose qui se situe hors du champ de la critique. Cette notion d’implication personnelle n’a jamais été si peu à la mode aujourd’hui, car elle se heurte à la conception régnante de la littérature comme " jeu verbal". » Même s’il faut aller à contrecourant de la modernité, il semblerait donc injuste de passer à côté de la valeur intrinsèque des Sonnets , du sens qu’ils portent et de leur extraordinaire intelligence, sous prétexte d’en ignorer le contenu. Il n’est pas question pour autant de nier le talent et l’art de Shakespeare, bien au contraire. Il est seulement utile (voire indispensable) de replacer sa « virtuosité » littéraire, qui bien sûr n’échappe à personne, dans son contexte, pour accéder au sens profond de l’œuvre. La difficulté en l’occurrence est immense tant la « virtuosité » fait souvent écran et ne facilite pas toujours l’accès au « sens ». Pour Shakespeare, elle était le reflet de la complexité de sa pensée. Pour certains « formalistes », elle est un objet d’étude suffisant en lui-même. Pour beaucoup, elle est un obstacle supplémentaire à la compréhension de son génie, mais elle peut aussi être la clé qui donne accès à sa richesse infinie. Je peux ici reprendre à mon compte l’ingénieuse introduction du sonnet 52 :
So am I as the rich whose blessed key,
Can bring him to his sweet up-lockéd treasure.
[Je ressemble à un riche ayant une clé d’or
Qui donne seule accès à son trésor caché.]
Il s’agit à présent d’ouvrir ce trésor et de dévoiler son contenu exceptionnel. Qu’y découvrons-nous ?
Un être singulier
C’est de désir mimétique qu’il est question d’un bout à l’autre du recueil. Analysant le sonnet 42, par exemple, René Girard avance sans ambiguïté : « Sans l’aide de la théorie mimétique, on ne saurait même pas résumer convenablement ce poème. Ce fait est à lui seul renversant. » Toute la science de Shakespeare n’est pas le fruit de sa seule imagination ni de son immense intelligence, aussi exceptionnelles fussent-elles. Elle est, comme pour tout homme, pétrie de l’expérience de son existence toute entière. On ne connaît pas de « sources » aux Sonnets , comme on connaît, peu ou prou, les sources des intrigues de ses pièces de théâtre. Si les Sonnets sont la seule œuvre de l’écrivain dont nous ignorons la source originelle, c’est sans doute parce que le poète n’avait pas besoin d’inspiration, qu’il connaissait sa source par cœur… Pour autant, un tel postulat ne nous avance guère. D’abord parce que nous connaissons trop peu de choses tangibles et vérifiables sur la vie du grand homme, et ensuite parce que le peu que nous en connaissons ne nous sert à rien : les informations dont nous disposons concernent essen

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