Voyages à Bourbonne et à Langres
74 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Voyages à Bourbonne et à Langres , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
74 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Extrait : "Quand on est dans un pays, encore faut-il s'instruire un peu de ce qui s'y passe. Que diraient le docteur Roux et le cher Baron, si des mille et une questions qu'ils ne manqueront pas de me faire, je ne pouvais répondre à une seule ? Epargnons à mes amies le reproche déplacé d'avoir occupé tous mes moments, et préparons à quelque malheureux que ses infirmités conduiront à Bourbonne une page qui puisse lui être utile."

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 30
EAN13 9782335017014
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335017014

 
©Ligaran 2015

Voyage à Bourbonne
Quand on est dans un pays, encore faut-il s’instruire un peu de ce qui s’y passe. Que diraient le docteur Roux et le cher Baron, si des mille et une questions qu’ils ne manqueront pas de me faire, je ne pouvais répondre à une seule ? Épargnons à mes amies le reproche déplacé d’avoir occupé tous mes moments, et préparons à quelque malheureux que ses infirmités conduiront à Bourbonne une page qui puisse lui être utile.
J’allai à Bourbonne le 10 août 1770, après avoir donné quelques jours au plaisir de revoir mon amie, madame de Meaux, qui avait accompagné là sa fille malade d’une énorme obstruction à un ovaire, suite d’une couche malheureuse, et reçu les adieux de mon ami, M. Grimm, avec lequel j’avais fait le voyage de Paris à Langres et qui m’avait précédé de quelques jours à Bourbonne ; tandis qu’une mère tendre s’occupait de la santé de son enfant, le philosophe allait s’informant de tout ce qui pouvait mériter sa curiosité. Disons d’abord un mot de la malade qui m’intéressait le plus. En très peu de temps l’usage des eaux en boisson diminua presque de moitié le volume de la partie affectée. Le docteur Juvet chantait victoire ; et si madame de Prunevaux ne s’en retourne pas tout à fait guérie, peut-être n’est-ce pas la faute des eaux dont le succès dépend quelquefois d’une grande tranquillité d’esprit.
Mon père a fait deux fois le voyage de Bourbonne ; la première, pour une maladie singulière, une perte de mémoire dont il y a peu d’exemples. Quand on lui parlait, il n’avait aucune peine à suivre le discours qu’on lui adressait : voulait-il parler, il oubliait la suite de ses idées, il s’interrompait ; il s’arrêtait au milieu de la phrase qu’il avait commencée ; il ne savait plus ce qu’il avait dit, ni ce qu’il voulait dire, et le vieillard se mettait à pleurer. Il vint ici, il prit les eaux en boisson ; elles lui causèrent une transpiration violente, et en moins de quinze jours il reprit le chemin de sa ville, parfaitement guéri. Ni sa fille qui l’avait suivi, ni son fils l’abbé, ni ses amis ne purent lui faire prendre un verre d’eau de plus que le besoin qu’il crut en avoir. Il aimait le bon vin. Il disait : Je me porte bien ; j’entends vos raisons ; je raisonne aussi bien et mieux que vous ; qu’on ne me parle plus d’eaux ; qu’on me donne du bon vin : et quoiqu’il eût la soixantaine passée, temps où la mémoire baisse et le jugement s’affaiblit, il n’eut jamais aucun ressentiment de son indisposition.
Son second voyage ne fut pas aussi heureux. Le docteur Juvet avait dit très sensément que les eaux n’étaient pas appropriées à sa maladie. C’était une hydropisie de poitrine. Il se hâta de le renvoyer ; et cet homme, que les gens de bien regrettent encore, et qu’une foule de pauvres, qu’il secourait à l’insu de sa famille, accompagnèrent au dernier domicile, mourut ou plutôt s’endormit du sommeil des justes, le lendemain de son retour, le jour de la Pentecôte, entre son fils et sa fille qui craignaient de réveiller leur père qui n’était déjà plus. J’étais alors à Paris. Je n’ai vu mourir ni mon père, ni ma mère ; je leur étais cher, et je ne doute point que les yeux de ma mère ne m’aient cherché à son dernier instant. Il est minuit. Je suis seul, je me rappelle ces bonnes gens, ces bons parents ; et mon cœur se serre quand je pense qu’ils ont eu toutes les inquiétudes qu’ils devaient éprouver sur le sort d’un jeune homme violent et passionné, abandonné sans guide à tous les fâcheux hasards d’une capitale immense, le séjour du crime et des vices, sans avoir recueilli un instant de la douceur qu’ils auraient eu à le voir, à en entendre parler, lorsqu’il eut acquis par sa bonté naturelle et par l’usage de ses talents la considération dont il jouit : et souhaitez après cela d’être père ! J’ai fait le malheur de mon père, la douleur de ma mère tandis qu’ils ont vécu, et je suis un des enfants les mieux nés qu’on puisse se promettre ! Je me loue moi-même ; cependant je ne suis rien moins que vain ; car une des choses qui m’aient fait le plus de plaisir, c’est le propos bourru que me tint un provincial quelques années après la mort de mon père. Je traversais une des rues de ma ville ; il m’arrêta par le bras et me dit : Monsieur Diderot, vous êtes bon ; mais si vous croyez que vous vaudrez jamais votre père, vous vous trompez. Je ne sais si les pères sont contents d’avoir des enfants qui vaillent mieux qu’eux, mais je le fus, moi, de m’entendre dire que mon père valait mieux que moi. Je crois et je croirai tant que je vivrai que ce provincial m’a dit vrai. Mes parents ont laissé après eux un fils aîné qu’on appelle Diderot le philosophe, c’est moi ; une fille qui a gardé le célibat, et un dernier enfant qui s’est fait ecclésiastique. C’est une bonne race. L’ecclésiastique est un homme singulier, mais ses défauts légers sont infiniment compensés par une charité illimitée qui l’appauvrit au milieu de l’aisance. J’aime ma sœur à la folie, moins parce qu’elle est ma sœur que par mon goût pour les choses excellentes. Combien j’en aurais à citer de beaux traits si je voulais ! Ses bonnes actions sont ignorées ; celles de l’abbé sont publiques… Et Bourbonne ? Et les bains ? Je n’y pensais plus. Occupé d’objets aussi doux que ceux qui m’occupent, le moyen d’y penser !… Je ne sais ce qui m’est arrivé ; mais je me sens un fond de tendresse infinie. Tout ce qui distrait mon cœur de sa pente actuelle m’est ingrat… De grâce, mes amis, encore un moment. Souffrez que je m’arrête et que je me livre encore un instant à la situation d’âme la plus délicieuse… je ne sais ce que j’ai. Je ne sais ce que j’éprouve. Je voudrais pleurer… Ô mes parents, c’est sans doute un tendre souvenir de vous qui me touche ! Ô toi, qui réchauffais mes pieds froids dans tes mains ! Ô ma mère !… Que je suis triste !… Que je suis heureux ! S’il est un être qui ne me comprenne pas, fût-il assis sur un trône, que je le plains !
La fontaine ou le puits qui fume sans cesse est placé dans le quartier bas. C’est un petit bâtiment étroit et carré, ouvert de deux portes opposées dont l’antérieure est placée dans l’entrecolonnement de quatre colonnes dont la façade est décorée. Ce monument n’est pas magnifique ; il pouvait être mieux entendu, sans excéder la dépense. Je l’aurais voulu circulaire avec quelques bancs de pierre au pourtour ; mais tel qu’il est, il suffit à son usage. Combien d’édifices ou n’auraient pas été faits, ou seraient aussi simples si l’on avait consulté que l’utilité !
La profondeur de ce puits est de six pieds et son ouverture de quatre pieds en carré.
Les eaux sont si chaudes qu’on aurait peine à y tenir quelque temps la main. Elles sont plus chaudes au fond qu’à la surface. À la surface le thermomètre de Réaumur monte à 55°, au fond il monte à 62°. Un œuf s’y durcit en vingt-quatre heures. Cette année un jeune enfant s’y laissa tomber ; en un instant il fut dépouillé de sa peau et mourut. Cet accident devrait bien apprendre à en prévenir un pareil pour l’avenir.
Les eaux de ce puits sont conduites par des canaux souterrains à un bâtiment oblong, construit plus bas, et sont reçues dans des bassins carrés et séparés en deux par une cloison. Quand on se baigne on s’assied sur de longs degrés de pierre qui s’élèvent au-dessus ou descendent au-dessous les uns des autres et qui règnent le long des bords de ces bassins. C’est là le lieu des bains du peuple. Les particuliers se baignent dans les maisons dans des cuves de bois ou baignoires ordinaires. On y porte le soir sur les cinq à six heures les eaux qu’on prend au puits dans des tonneaux ; et sur les six à sept heures le lendemain, elles sont encore assez et même trop chaudes pour le bain. On tempère la chaleur des eaux selon la force ou la faiblesse du malade.
Des bains renfermés dans ce dernier bâtiment, il y en a deux qui sont de source et deux autres qui sont fournis par le puits. Ils ont tous quatre environ trois pieds de profondeur.
La quantité et la chaleur des eaux du puits et des bains de source sont constantes. La quantité ne s’accroît point par les pluies et ne diminue pas par les sécheresses. Les grands froids et les grands chauds ne font rien à sa chaleur.
On trouve sur le chemin du bâtiment carré vers l’hôpital un bain séparé qu’on appelle le bain Patrice. Il est de source, il est fréquenté. C’est aux environs de ce puits, dont le nom marque assez l’ancienneté, qu’il y avait autrefois des salines que le temps a détruites.
Les bains de source sont pour la douche. La douche se donne de trois pieds de haut. La colonne d’eau est d’environ huit lignes de diamètre. La peau rougit un p

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents