Lumière à Cornemule
141 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lumière à Cornemule , livre ebook

-

141 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description


Dans l'esprit de Clochemerle, un tableau réjouissant de la France profonde.






1903. L'électricité se répand dans les campagnes. Valentin Lescure, maire de Cornemule, gros bourg corrézien, sème la panique lorsqu'il proclame fièrement : "Je vais être celui qui fait briller le soleil à minuit !" Jusqu'à présent, les huit cents habitants de Cornemule ne s'éclairaient qu'à la chandelle et à la lampe à pétrole, et s'en trouvaient fort bien. Or voici que le maire, à l'approche des élections municipales, fait cette déclaration. Et déjà un barrage et une usine sont projetés. Émotion ! Les vaches vont crever, les hommes perdre leur virilité... L'ancien maire, Me Béranger, prend la tête de la révolte, soutenu par tous les agriculteurs et le fabricant de chandelles du village.C'est alors qu'un beau soir, la place s'éclaire, et ce que l'on ne voyait pas dans l'obscurité se révèle: presque chaque nuit, l'un ou l'autre des notables du bourg rend visite à Joséphine, la très belle buraliste. Scandale ! Et tandis que la campagne électorale attise les passions, un mal mystérieux se répand...





Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 avril 2011
Nombre de lectures 151
EAN13 9782221118245
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MÊME AUTEUR
Chez le même éditeur
L’Angélus de minuit , 1989
Le Roi en son moulin , 1990
La Nuit des hulottes , 1991
Prix RTL-Grand Public 1992
Prix du printemps du livre 1992
Grand Prix littéraire de la Corne d’or limousine 1992
Le Porteur de destins, Seghers, 1992
Prix des Maisons de la Presse 1992
Les Chasseurs de papillons , 1993
Prix Charles-Exbrayat 1993
Un cheval sous la lune , 1994
Ce soir, il fera jour , 1995
Prix Terre de France, La Vie , 1995
L’Année des coquelicots , 1996
L’Heure du braconnier , 1997
La neige fond toujours au printemps , 1998
Les Frères du diable , 1999
Lydia de Malemort , 2000
Le Silence de la Mule , 2001
Le Voleur de bonbons , 2002
Chez d’autres éditeurs
Beauchabrol , Jean-Claude Lattès, 1981; Souny, 1990
Barbe d’or , Jean-Claude Lattès, 1983 ; Souny, 1992
Le Chat derrière la vitre (nouvelles), L’Archipel, 1994
Dernières nouvelles de la Terre , Anne Carrière, 2001
Gilbert Bordes
Lumière à Cornemule
roman
© Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 2002
EAN 978-2-221-11824-5
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
— Cette fois, je le tiens !
D’un mouvement qui lui était habituel, Valentin Lescure se dressa, la tête légèrement inclinée, les yeux fixes ; il ne regardait pas l’homme qui était en face de lui, ni le mur blanc de la mairie et son étagère remplie de dossiers, non, il regardait au-delà du temps et des choses, ce monde de certitudes cachées aux hommes ordinaires. Sa tête qu’il penchait sur le côté droit pour infirmer son propos et se donner l’air singulier, était énorme, prolongement d’un cou massif qui ne supportait pas d’être serré dans le faux col obligatoire lors des manifestations officielles. Son visage était d’un beau rouge brique, preuve qu’un sang plein de vie circulait sous une peau ample, gonflée sous le menton ; de lourdes joues plus larges à la base qu’au sommet donnaient à ce chef imposant la forme d’une poire. Mais cette graisse en excès ne trahissait pas la mollesse des gens gros, bien au contraire, elle cachait une superbe vitalité, une santé indestructible. « Il a du coffre, le Valentin ! » disait-on en faisant allusion à sa manière de se comporter à table. Sa moustache était d’un beau noir, parsemée de fils blancs qui indiquaient le quadragénaire entrant dans la période mûre de sa vie. Au-dessus de toutes ces redondances, se trouvait un crâne curieusement étroit, marque d’une faiblesse intellectuelle certaine. Mis à nu sur le haut par une calvitie qui avait épargné les tempes et se prolongeait en pointe sur l’occiput, ce crâne luisant pouvait cependant cacher les calculs les plus retors, les plus machiavéliques qui soient. Rien ne l’arrêtait, surtout pas la haute moralité dont Valentin Lescure se parait volontiers. Une touffe de cheveux était restée, buisson dans le désert, juste au-dessus du front. Coupée court, elle faisait une tache sombre.
Son cerveau étroit étant sensible aux changements de temps, Valentin Lescure portait un chapeau noir à calotte rentrée, première différence entre ce gros propriétaire des meilleures terres à blé, des prairies les plus grasses et les métayers, les petits bordiers à qui seul le béret convenait, même si par fantaisie, les uns l’inclinaient à droite ou à gauche, vers l’arrière pour dégager un front blanc ou vers l’avant avec un pli au milieu. La deuxième différence était sa grande taille, pas loin d’un mètre quatre-vingt-dix dans cette région où les hommes, mal nourris dans leur enfance, restaient plutôt petits. Il pesait pas loin d’un quintal et demi et, dans les fermes où il se rendait parfois, les maîtresses de maison lui proposaient les gros bancs de chêne afin d’épargner les rares chaises qu’elles ne sortaient que pour les visiteurs de marque.
— Je le tiens ! répéta-t-il en serrant les poings.
En parlant ainsi, il désignait Maître Maxime Béranger, le notaire, et ancien maire qu’il avait battu aux précédentes élections. Maire de Cornemule depuis l’âge de trente ans, M e Béranger avait pris la succession de son père et considérait la mairie comme un bien familial. Son échec affecta beaucoup cet homme sensible qui refusa de s’estimer battu. Procédurier, il put démontrer certaines irrégularités dans le déroulement du scrutin, des babioles selon Lescure, mais qui avaient conduit le préfet à annuler l’élection de 1902. Tout était donc à refaire et le notaire retrouvait l’espoir de reprendre son fauteuil. La date du nouveau scrutin avait été fixée au 28 septembre 1903, après les grands travaux d’été pour ne pas risquer une abstention massive compréhensive dans cette campagne pauvre où les maigres biens dispensés par la terre avaient plus d’importance que l’occupant de la mairie. Valentin Lescure et son équipe, n’ayant pas été mis en cause dans les irrégularités dénoncées, conservaient l’administration de la commune sous tutelle préfectorale, ce qui ne gênait pas le maire : « Le préfet est comme les autres ! disait-il à ses conseillers. Il faut lui apporter quelques jambons, des œufs frais, un poulet chaque dimanche et il ne peut rien refuser ! »
Il redoutait cependant que la victoire ne lui échappât. Pour cette raison, il avait cherché pendant longtemps une idée, une réalisation qui marqueraient ses contemporains. Il avait tout de suite éliminé la réparation du toit de l’église qui lui aurait apporté la sympathie de conservateurs jusque-là favorables à son adversaire, mais l’aurait coupé des anticléricaux, ses plus ardents supporters. Il pensa aussi à agrandir l’école des filles, puis se dit qu’on lui reprocherait une dépense inutile : les filles n’avaient pas besoin de confort pour apprendre à lire et compter, elles n’en auraient pas plus tard dans leurs fermes. Il imagina ensuite acheter la maison qui se trouvait à droite du presbytère et était inhabitée, pour la transformer en bain public, endroit où les Cornemulois auraient pu se laver avec de l’eau chaude. Il abandonna aussi cet élan en faveur de l’hygiène ; ses concitoyens qui ne se lavaient pas dix fois tout au long de leur vie n’auraient pas compris qu’il dépensât autant pour du superflu. La bonne idée, il l’avait enfin trouvée après plusieurs nuits d’insomnie et des journées de migraine.
— Tu comprends, dit-il encore à Barthélémy Grégoire, je vais être celui qui fait briller le soleil à minuit !
Il était fier de son éloquence et darda sur Barthélémy Grégoire un regard plein d’autosatisfaction. Barthélémy Grégoire opina, baissa la tête, comme écrasé par tant de supériorité. C’était un homme simple, d’une maigreur qui indiquait sa retenue naturelle, son manque de goût pour les agréments de la vie. Ses joues creuses, son menton sec, sa moustache en lichen montraient une tristesse résignée. Cette impression était accentuée par un nez en faucille et des narines qu’une exploration régulière de l’index droit avait élargies, ouvertes comme des entonnoirs. Trônant au-dessus de cette figure sans chair, le crâne était énorme, bombé vers l’avant. Le cerveau, malgré cela à l’étroit, poussait hors de leurs orbites des yeux veinés de rouge et naturellement mélancoliques. Quelques cheveux blancs en broussaille poussaient sur cet atoll dont on disait : « Il a de la tête, le Barthélémy ! Il parle peu, mais il parle bien ! » Tout était austérité, dévouement honnête chez cet ébéniste qui fabriquait des meubles sans fioritures, mais solides, et c’est ce que l’on recherchait à Cornemule où l’on n’aimait pas les manières. « Il est puceau ! pensait de lui Valentin Lescure, ça le ronge ! Faudra qu’un jour, je l’emmène chez les dames ! » Mais cette bonne intention restait au niveau de la pensée : Valentin Lescure était trop prévoyant pour dépenser son bon argent pour le bien-être de quelqu’un qui ne lui était d’aucune utilité dans ses ambitions.
Barthélémy Grégoire opinait encore. Il portait la casquette, comme tous les artisans, plus seyante que le béret dont le feutre retient la poussière de bois.
— Comme vous y allez, monsieur Valentin !
P

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents