La lecture à portée de main
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Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 septembre 2011 |
Nombre de lectures | 1 802 |
EAN13 | 9782296467170 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 4 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
LE CANCER DE LA GORGE
ET LA LARYNGECTOMIE
La découration
Pratique et éthique médicales
Collection dirigée par Richard Moreau et Roger Teyssou
La collection Les Acteurs de la Science, prévue pour recevoir des études sur
l’épopée scientifique moderne, se dédouble pour accueillir des ouvrages
consacrés spécifiquement aux questions fondamentales que la santé pose
actuellement. Cette nouvelle série cherche à faire le point objectivement et en
dehors des modes sur des connaissances, des hypothèses et des enjeux souvent
essentiels pour la vie de l’homme. Elle reprend certains titres publiés
auparavant dans Acteurs de la science.
Déjà parus
Rémi BORDES, Dire les maux. Anthropologie de la parole dans les médecines
du monde, 2011.
François CLOUTIER, La médecine verticale, 2010.
Gilbert et Anne-Christine PIERRE, Parole d’une autiste muette, Enigme et
évidence, 2010.
Gérard MEGRET, Êtes-vous un bon malade ?, 2010.
Bernard JOUANJEAN, Physiologie du risque face à l’Histoire, 2009.
Eric SOLYOM, Les cahiers d’un chirurgien. Témoin de la faillite du système de
santé, 2009.
Lionel CHARBIT, L’information médicale. Informer le patient et le grand
public : de l’obligation légale à la pratique, 2009.
Docteur Jean CHABRIER, Seules les femmes savent marcher avec des talons
aiguilles. Souvenirs d’un gynécologue accoucheur, 2008.
Philippe RAULT-DOUMAX, L’assurance-maladie au risque de la
mondialisation, 2008.
Philippe PIRNAY, L’aléa thérapeutique en chirurgie, 2008.
Angélique SENTILHES-MONKAM, L’hospitalisation à domicile, une autre
manière de soigner, 2007.
Vincent DELAHAYE et Lucie GUYOT-DELAHAYE, Le désir médical, 2007.
Georges DUBOUCHER, Adieu ma belle Médecine. Logique d’une
métamorphose, 2007.
Aziz Charles MESBAH, Mémoires d’un pédiatre, 2007.
Bruno GREFFE, Mes gardes de nuit à l’hôpital, 2006
Georges TCHOBROUTSKY, Les limites de la médecine, 2006.
Vanina MOLLO, Catherine SAUVAGNAC, La décision médicale collective,
2006.
Jacques FRANCK, La ballade du généraliste, 2006.
Henri LAMENDIN, Petites histoires de l’art dentaire d’hier et d’aujourd’hui,
2006.
Arnault PFERSDORFF, Ethique et pédiatrie, 2006.
Emmanuel Babin
LE CANCER DE LA GORGE
ET LA LARYNGECTOMIE
La découration
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-55482-5
EAN : 9782296554825
« Toujours j’avais redouté d’être à peu près
vide, de n’avoir en somme aucune sérieuse
raison pour exister. A présent j’étais devant
les faits bien assuré de mon néant
individuel. Dans ce milieu trop différent de
celui où j’avais de mesquines habitudes, je
m’étais à l’instant comme dissous. Je me
sentais bien près de ne plus exister, tout
simplement. Ainsi, je le découvrais, dès
qu’on avait cessé de me parler des choses
familières, plus rien ne m’empêchait de
sombrer dans une sorte d’irrésistible ennui,
dans une manière doucereuse, d’effroyable
catastrophe d’âme. Une dégoûtation. »
L.-F. Céline, (1952),
Voyage au bout de la nuit, Folio Gallimard, p. 203.
C’était un jeudi matin, jour de ma consulation. Le docteur C. m’avait interpellé
pour me demander d’examiner une de ses patientes qui devait venir en fin de
matinée avec un scanner du cou. Le docteur C. avait pratiqué un an plus tôt chez
cette patiente une biopsie des cordes vocales. Cet examen s’était révélé à
l’époque normal. La modification progressive de la voix l’avait cependant
inquiété et il avait réalisé récemment un nouvel examen qui justifiait toutes ses
craintes. Les résultats posaient le diagnostic de cancer évolué du larynx.
Vers midi, Mme R. se présenta à la consulation avec son mari. Elle était
essoufflée et sa voix quasi inaudible. Le docteur C. fit les présentations, après
avoir interrogé la patiente, je procédai à l’examen du larynx avec un fibroscope
introduit par le nez. La tumeur était importante couvrant plus de la moitié de la
glotte. Mme R. me remit son scanner. La tumeur était volumineuse et détruisait
deux tiers du larynx. Je me tournai vers mon collègue qui acquiesça sans mot
dire. Il savait ce que j’allais dire... Mme R. et son mari avaient compris eux
aussi, en voyant ma moue, la gravité de la situation. Ils attendaient la
sentence…
« Madame, le cancer de la corde vocale dont vous a parlé le docteur C. est plus
important que nous le pensions. Les solutions thérapeutiques sont restreintes.
En d’autres termes, il faut opérer mais cette chirurgie n’est pas tout à fait
comme les autres. Enlever le cancer nécessite de pratiquer une laryngectomie
totale. Ceci signifie que vous allez perdre votre voix originelle et vous devrez
respirer par un trou au milieu du cou qui sera définitif ».
Mme R. s’effondra en sanglots… Elle se liquéfiait. La perspective de la
« dégoûtation » envahissait son esprit. La « découration »(voir p.13) viendrait
bien assez tôt….
7
INTRODUCTION
Les cancers de la « gorge » représentent en France un peu plus de 6 000
nouveaux cas par an soit 5 à 6 % de la totalité des cancers. Lorsque la maladie
est évoluée, le traitement repose principalement sur la laryngectomie totale.
Cette intervention chirurgicale consiste à enlever la tumeur avec le larynx et ses
cordes vocales. Cet acte technique crée une indépendance entre les voies
respiratoires et digestives. Il prive l’individu de sa voix traditionnelle et laisse
1un orifice au milieu du cou (trachéostome) qui lui permet de respirer .
Les opérés deviennent des laryngectomisés, mutilés sans leur voix originelle
et avec une espérance de vie réduite (un tiers, voire la moitié sont encore en vie
5 ans plus tard). Le cancer « médicalement » éradiqué, cette population doit
faire l’apprentissage de l’invalidité avec le basculement dans le monde des
handicapés, dans une société moderne profondément individualiste.
Je suis oto-rhino-laryngologiste (ORL) et chirurgien de la face et du cou
depuis bientôt dix années, avec une orientation professionnelle tournée vers la
cancérologie. Le besoin de réflexion sur une activité professionnelle (trop)
standardisée sans doute à l’image de la médecine moderne m’a conduit à
davantage regarder et notamment me pencher sur le devenir des patients opérés
par laryngectomie totale pour un cancer avancé du larynx. Ce travail, en réalit&