Pour une didactique de l art musical
313 pages
Français

Pour une didactique de l'art musical , livre ebook

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313 pages
Français

Description

Comment penser une didactique artistique en contexte post-moderne ? Comment donner toute sa place au sujet, tout en préservant la valeur de l'oeuvre musicale. En s'inspirant des travaux des psychologues Jean Piaget, Lev Vygotski et Alexis Leontiev, l'auteur montre notamment que la prise de conscience et la verbalisation permette à l'élève de construire son rapport aux savoirs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2009
Nombre de lectures 258
EAN13 9782296243408
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ÀAnneLedru,
Elodie,Maëlla etQuentin,m$$]%;R
Entre la « voix de son maître »
et les médiations didactiques
Qu’est-ce qui m’a conduit à accepter la proposition de Chrystel Marchand de
préfacer ce livre consacré à une didactique de l'art musical ? Je n’ai aucune
légitimité dans le champ de la musique, ni par mes recherches ni par mes
pratiques professionnelles, qui privilégient en premier lieu une meilleure
compréhension du «processusapprendre »dans lecontexte de la didactique des
sciences. Ce consentement, aussi immédiat qu’imprudent, résulte d’une
rencontre commencée voilà une dizaine d’années autour des sciences de
l’éducation,à l’université deRouen.
Je me souviens qu’à la fin de mescours de licence, et surtout de maîtrise, vous
veniez souvent échanger quelques mots sur les résonances que provoquaient en
vous la didactique et les processus d’apprentissage. Semaine après semaine,
vous cherchiez à établir des passerelles avec vos activités professionnelles du
côté de l’éducation musicale. Les étudiants qui cherchent ainsi à établir ce
rapport un peu personnel avec les enseignements qu’ils suivent sont toujours
peu nombreux, et vous enavez été une des meilleures représentantes.
Vous m’avez demandé si j’accepterais de co-diriger votre mémoire de maîtrise
avec Jean-Pierre Mialaret, professeur de Sciences de l’éducation musicale à la
Sorbonne,ce qui fut faitcar votre sujet me tenaitàcœur:celui du traitement de
l’erreur dans l’apprentissage instrumental, et de l’identification des modèles
pédagogiques correspondants. Vous avez obtenu une mention Très Bien. J e
vous retrouve aujourd’hui, après un DEA de Sciences de l'éducation à
l'université de Caen (encore mention Très Bien) et une thèse de musicologie
dont cet ouvrage est issu (avec les félicitations du jury !). Bref, vous vous êtes
donné une doubleculture musicale et éducative, persuadée que ni la pédagogie
ni la pratique instrumentale ne sont des dons duciel !
On note aujourd’hui un écart paradoxal entre l’omniprésence et la
survalorisation de la musique dans la société contemporaine (de toutes les
musiques, surtoutchez les jeunes), et la persistance dece qu’IsabelleLamorthe
a pu qualifier de «pédagogie noire », aussi bien dans la formation musicale
générale (école etcollège) quedanslesformations spécialisées(conservatoires).
Ilest frappant de constater par exemple tout ce qui sépare les pratiques
didactiques de l’éducation musicale de celles des arts plastiques, deux
disciplines aussi dévalorisées l’une que l’autre, vu leur place… ou plutôt leur
9absence de place dans le système.S’il est très fréquent que le professeur d’arts
plastiques soit lui-même un artiste créateur exposant régulièrement ses
productions (qu’il s’agisse de peinture, de photographie, ou d’installations d’art
contemporain), le professeur de musique n’est que rarement lui-même
compositeur. Votre mise en parallèle de Marcel Duchamp et John Cage est
particulièrement démonstrative. La phrase de Duchamp: «Le silence, c’est la
meilleure production que l’on puisse faire: on ne la signe pas et tout le monde
en profite »fait écho avec l’œuvre de Cage (1952) intitulée 4’33,« pièce
radicalement silencieuse, qui donne toute sa qualité à la présence du public ».
Mais force est de constater que les développements de l’art «moderne»puis
«postmoderne » ont rendu obsolètes les pratiques techniques traditionnelles du
«dessin d’art », et il aurait dû en aller de même avec l’émergence d’œuvres
musicales utilisant des langages de plus en plus diversifiés, intégrant le hasard
et l’indéterminationcomme procédéscréatifs.Oraucontraire, sur le terrain des
conservatoires, on aboutit au paradoxe soulevé par Jean-Charles François, à
savoir que même pour jouer Cage, on continue à former des instrumentistes
selon les exigences traditionnelles, alors que ce compositeur a modifié
radicalement le statut de l’artiste et del’œuvre d’art.Cette ouverture de l’œuvre,
pouvant aller jusqu’à l’absence de partition, n’a pas modifié les pratiques
évaluatives privilégiant toujours le « respect du texte », et restant aussi
allergiquesà l’erreur que s’il s’agissait du répertoireclassique.
Adopter pour l’éducation musicale une posture didactique vous a conduit à
développerce que j’aimeappeler un« tripleconstructivisme ».En premier lieu,
le caractère construit de l’objet de savoir, ni transcendant ni immanent, mais
fruit social et historique d’une histoire et d’une épistémologie propre à chaque
discipline. Ce que pour ma part, j’aime appeler la« saveur des savoirs ».Vous
montrez que l’art musical ne relève pas dubeau, ni du pur, ni du sacré, dans une
sorte de perfectionnisme qui finalement ne devrait rienà l’humain.
Vous vous attachez au contraire à en caractériser la nature profonde, en
distinguant la «chose » et la «glose », c’est-à-dire l’œuvre musicale et les
savoirs qui gravitent autour d’elle avec un risque permanent de substitution.
Vous citez Jankélévitch montrant qu’il suffit de« se décaler d’un millimètre à
droite ou à gauche » pour quitter le charme de la Ballade en fa dièse, et se
retrouverà disserter sur«les six dièses du ton de fa dièse », ou tout simplement
sur la vie deGabrielFauré et les prétextes littéraires de son œuvre.
D’une façon convergente, Didi-Huberman a montré, pour l’épistémologie de
l’image, l’oscillation permanente entre un attrait pour le « visible » (rapport
entre le réel et le modèle) et un autre pour le «lisible » (commentaires
historiques, biographiques ou stylistiques), au risque de dissoudre le plan,
pourtant irréductible et essentiel, du « visuel ». L’artiste, expliquent
magnifiquementDeleuze etGuattaricrée desblocs depercepts et d’affects,dont
la seule loi est que lecomposé doit« tenir tout seul », par les«moyens propres
10du matériau»: un sourire d’huile, un geste de terre cuite, l’élan de métal,
l’accroupi de la pierre romane, l’élevé de la pierre gothique. Un lourd travail
théorique reste à faire pour établir les moyens propres du matériau musical.
N’est-ce pas quelque chose de cet ordre qui se produit, lorsqu’en écoutant
NathalieDessaychanter «Deh torna, miobene », deHeinrichProch (op. 164),
on se surprend vers lacinquième minuteà hésiter entre la part de la soprano et
celle de la flûte, età jouir du plaisir provoqué parcetteambivalence ?
La seconde forme du constructivisme concerne le caractère construit, non plus
cette fois de l’objet musical, mais de sonappropriation par le sujet.Vous vous
demandeztrès justement si, dans une pédagogie de la transmission d’un modèle,
il peuty avoir une place pour la parole de l’élève ? C’est le professeur,
ditesvous, qui détient la prérogative du sens: il explique et questionne, mais
interroge rarement,au sens fort dece mot.Il lui suffit de laisser l’élève jouer de
l’instrument pour savoir s’ila travaillé, s’ilacomprisce qu’il devait faire, s’ila
résolu la difficulté.C’est une pédagogie de«l’empreinte », dont la référence est
l’exécution musicale experte, et à travers laquelle l’apprenant doit peu à peu
intérioriser la hiérarchie sociale qui gouverne la musique savante (de
l’instrumentisteaucompositeur de musique symphonique ou d’opéra).
Dans ces conditions, tout écart à la norme est assimilé à une erreur, et un
continuum s’impose entre le«chanter faux » de l’école et la«fausse note » du
conservatoire. En musique – davantage sans doute que dans toute autre
discipline – l’erreur conserve son statut de faute, avec les dénonciations
moralisantes et religieuses du terme. Or, le développement contemporain des
didactiques s’efforce au contraire de faire de l’erreur un analyseur positif du
processus d’apprentissage en cours. Non pas &#

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