Descartes. Le pari de l expérience
284 pages
Français

Descartes. Le pari de l'expérience , livre ebook

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284 pages
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Description

L'expérience cartésienne propose à la philosophie une "activité concrète" où l'objectivité et la conduite de la vie se gagnent par une appropriation qui est aussi une mise à distance positive. Parallèlement au champ scientifique auquel elle ne s'identifie pas, elle s'impose alors comme une notion originale mettant en rapport les droits de la conscience et l'activité dynamique du sujet qui pense.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 229
EAN13 9782296239432
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

INTRODUCTION

L’expérience, concept-clé de la philosophie cartésienne

La notion d’expérience, d’un usage fréquent dans le corpus
cartésien, n’apparaît pas comme un concept majeur ou emblématique de la
philosophie cartésienne bien que des commentateurs l’aient valorisée. Il en
va ainsi pour O.« DescarHamelin :tes a pupasser, auprès de certains
historiens pressés, pour avoir dédaigné l’expérience etavoir ignoré la
méthode expérimentale. Toutce qui est vrai, c’estqu’il a pensé qu’on
pouvaiten droit, mais non en fait, construire la science entière avec des
notions claires ou, en d’autrestermes, qu’on pouvaiten droitaspirer àtraiter
tous les problèmes de physique comme des problèmes parfaits, c’est-à-dire
comme des problèmes où toutseraitramené à des éléments définis, à des
natures simples saisies par l’intuition, enun motcomme des problèmes
abstraits oumathématiques. Un pareil idéal, quand même Descartes l’aurait
pris pourune réalité, n’auraitpas entraîné chez lui le mépris de l’expérience
danstous les sens dumot. Ilya en effetselon Descartesune expérience bien
définie, qui porte sur des notions distinctes, c’est-à-dire discernées detoutce
1
qui n’estpas elles, etcette expérience-là est une espèce de l’intuitJ.ion. »
Laporte va jusqu’à écrire que « si nous voulons à toute force caractériser la
philosophie deDescartes parun nom, le nom qui lui siéraitle mieuxserait,
2
toutparadoxe à part, celui d’empirisme- empirisme radical etinteégral. »t,
3
dans son ouvrageL’intelligence du sensible, P.Guenancia s’attache à rendre
compte de l’expérience dupenser cartésien.
Cette notion, présentetoutaulong de l’œuvre - desExperimentaaux
Passions de l’âme-, recouvreune pluralité de sens etpossède des
statuts différents selon les domaines oùelle estmentionnée. Elle estissue du
sens commun qui recouvre des expériences de lavie de Descartes oucelles
rapportées par autrui ainsi que nombre d’observationstouchantdes
savoirfaire oudes faits. Appartenantauchamp scientifique, elle englobe des
expériences nombreuses, soitfaites par Descartes, soitlues dans des
ouvrages etqu’il refaitlui-même quand il le peutetle juge nécessaire, soit
fournies par ses correspondants, notammentMersenne, etdontil ne retient

1
O. Hamelin,Le système de Descartes, Alcan, 1911, pp. 74-76.
2
J.Laporte,Le rationalisme de Descartes,PUF, 1945.
3
P. Guenancia,L’intelligence du sensible,Essai sur le dualisme cartésien,
Gallimard, 1998 ; cf. également« Descartes, les fonctions de l’expérience »in
L’Expérience et la Conscience, Actes Sud,2004, p. 61: «Le rejet du concept
vulgaire d’expérience ne préjuge pas d’un quelconque dédain de l’expérience de la
part deDescartes, ni de l’absence detoute fonction significative de ce conceptdans
sa philosophie. »

7

1
que les plus pertinentes etles plus faciles.Elle appartientégalementau
champ philosophique etmétaphysique dans lesRegulae, lesMéditationsou
laCorrespondancesans exempter bien sûr lesPassions de l’âmeoù
l’importance ducorps devientirrécusable, oùl’union des deuxsubstances
peutêtre interprétée de manière plus profonde que purementfonctionnelle
mais oùl’éprouver interne de l’âme semble atteindre des hauteurs qui nous
laissentperplexe quantà la pertinence de l’utilisation dans ce contexte du
sens dévolujusqu’alors au terme expérience, ce qui permetd’envisagerun
refluxde cette perplexité sur le sens général d’unterme qui procède par le
doute etle cogito oùl’âme a le beaurôle, sinon le seul. On en déduitla
question de fond pour l’usage d’une notion qui semble disparaître chaque
fois qu’on croitlatenir :expérience »le terme «a-t-il vraiment un sens
métaphysique chez Descartes? Hors celui qu’il prend dans le cadre du
rapportqu’il établitentre sa propre personnevue commeun sujetetson
œuvre prise commeun ensemble sinonun système, peut-on lui attribuerun
sens qui ne s’épuise pas dans sa pure fonction d’illustration de l’idée claire et
distincte lorsqu’elle retombe dans le monde ?
Cette réflexion sur la philosophie cartésienne, engagée à partir de
l’expérience heuristique plutôtque de l’ordre géométrique, dufaitplutôtque
de l’exercice de la raison, de l’éprouvé plutôtque dudéductif, exclut
généralementl’emploi de la notion d’expérience considérée dans le domaine
de la science physique etdumécanisme qucare l’on nomme «tésien.» La
philosophie cartésienne elle-même impose de commencer la recherche par
l’expérience certaine avant celle d’expérimentation - du moins, celle-ci ne
peut se passer de celle-là. Les natures simples mathématiques dont la
connaissance est naturelle à nos âmes et qu’on expérimente sont les modèles
des vérités éternelles et créées qui fondent la physique ou les lois de la
nature :conservation de la matière, principe d’inertie, négation du vide,
réduction de la matière à l’étendue et à ses modes, action continue et
immutabilité divines.Maisune fois établis les fondements certains de la
physique, la connaissance des diverses propriétés etstructures des corps
particuliers relève de l’expérience scientifiquelle nécessie ;te alors des
hypothèses, des suppositions etdes comparaisons. Contrairementà
l’évidence, la physique cartésienne présente aussi, en elle-même,un
caractère probabiliste mais oùl’accord avec l’expérience scientifique
demeure fondament« Ceschoses aal :yantpuêtre ordonnées par Dieuen
une infinité de diverses façons, c’estpar la seule expérience, etnon par la
force duraisonnement, qu’on peutsavoir laquelle detoutes ces façons il a
2
choisie. »
Notre question estdouble : 1- quelles sontlanature et la fonctionde
l’expérience dans la constitution des objets de connaissancetelle que

1
Lettre à Mersenne, 18 décembre 1629, A-T, I, 85.
2
PrincipesIV, art. 46, A, III,249.

8

Descartes la définitdans lesRegulae, dans la découverte ducogitoetdans le
cas dulibre arbitre mais égalementdans celui de l’union de l’âme etdu
corps ?2- Quelle estlasignificationde l’expérience mais surtoutde la
rigueur de sonusagedans le cadre d’une philosophie à la fois
substantiellement« dualiste » dontl’entendementdoitrendre compte, mais
toutentière dirigée par lavolonté dusujet, ce qui relève sans doute
d’exigences d’un autre ordre ?
L’expérience cartésienne est multiple mais, de la constitution des
objets de connaissance à l’union, elle engage un caractère d’évidence.Cette
évidence, lorsqu’elle estle fruitd’une expérience certaine qui contient une
intuition,témoigne que l’expérience se faiten l’espritetque la chose qu’elle
présente estcertaine ou, pour le dire autrement, que la représentation qu’en a
l’entendementcoïncide avec la chose même : c’estl’expérience des natures
simples ouducogito, d’oùla recherche de données simples ouabsolues ou
la réduction ducomposé en ses éléments ouencore l’affirmation d’une
troisième notion primitive pour l’union.L’intuition ou la déduction ramenée
à une suite d’intuitions garantit contre l’erreur ou l’illusion et l’expérience
certaine en est non la preuve, mais l’attestation interne.
L’expérience certaine liée à la perception, à la conscience et à la
présence de l’intuition, donatrice d’un fait pour la puissance jugeante, diffère
radicalement de l’empeiriadu domaine du sensible et de l’incertainedoxa
que,d’Aristote auxsceptiques, les Grecs réservaientaumonde de la
contingence ainsi que d’une expérience comme origine de la connaissance et
source dusavoirtelle que laveulentles philosophies dites empiristes - dont
on saitque leterme a été créé par Kant- notammentcelles deLocke et de
Hume. On pourra alors se demander si le rôle de l’expéri

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