Dialectique ou antinomie ?
144 pages
Français

Dialectique ou antinomie ? , livre ebook

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144 pages
Français

Description

Ce livre concerne deux manières de penser : la dialectique et l'antinomie. Il étudie la dialectique de Hegel, en son unicité et sa radicalité, expose sa critique et considère sa régression à l'antinomie ou encore son fantasme qui ne cesse de hanter la philosophie. Ce débat mobilise, outre Aristote et Platon, Kierkegaard, Nietzsche, Benjamin, Lyotard, Marx, Peirce et quelques autres.

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Date de parution 01 juin 2012
Nombre de lectures 32
EAN13 9782296495135
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Dialectique ou antinomie ?
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-99177-4 EAN : 9782296991774
Dominique CHATEAU
Dialectique ou antinomie ? Comment penser
Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux originaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques. Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu'elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n'y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser, qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Dernières parutions Jean-Thierry NANGA-ESSOMBA,La philosophie de l’altérité d’Emmanuel Levinas,2012. Martine PELLETIER,Marshall McLuhan. De la médianomie vers l’autonomie, 2012. José CUPIDO,Metaphysica theoria, 4 tomes, 2012.Olivier CAULY,Mise en scène(s) de la répétition, 2012.Leyla MANSOUR,Corps de guerre. Poétique de la rupture, 2012. Benjamin RIADO,Le Je-ne-sais-quoi. Aux sources d’une théorie esthétique au XVIIe siècle, 2012. Patrick KABAKDJIAN,La pensée en souffrance, 2012.Luca M. POSSATI,Ricœur et l’analogie, Entre théologie et déconstruction, 2012. François URVOY,Le temps n’est pas ce que l’on croit, 2012. Stanislas DEPREZ,L’homme, une chose comme les autres ?, 2012.Bertrand DEJARDIN,Éthique et esthétique chez Spinoza, Liberté philosophique et servitude culturelle, 2012. Stefano BRACALETTI,Le paradigme inachevé. Matérialisme historique et choix rationnel, 2012.
Introduction
Le philosophe pense. C’est, du moins, le minimum qu’on attend de lui. La plupart du temps, le philosophe pense aussi à la manière de penser, peu ou prou expressé-ment. Il réfléchit sur son propre régime de réflexion, tandis qu’il pense, et, en même temps, il exemplifie un régime de réflexion, une manière de penser que d’autres que lui peu-vent adopter ou refouler. Il y a là, certes, une part de psycho-logie, de propension individuelle définie par un certain coef-ficient d’affectivité — on fait tous l’expérience de se sur-prendre à ressentir du bonheur ou de la haine à lire tel ou tel philosophe. Ce n’est pas de cela dont je veux parler dans ce livre. Je m’intéresse plutôt au côté non individuel, non affec-tif, d’emblée communicable, en quelque sorte objectif, des manières de penser, là où on trouve des schèmes généraux qui accompagnent ou déterminent les processus cognitifs enclenchés par un philosophe lorsqu’il réfléchit aussi bien sur un sujet particulier que sur la manière philosophique de penser. Et, me tournant de de ce côté, je rencontrela dualité de l’antinomie et de la dialectique, deux schèmes de la pensée entre lesquels le philosophe (la plupart des individus de cette catégorie, en tout cas) doit choisir, surdéterminant par là le contenu même de sa pensée. L’impératif de ce choix m’est apparu en examinant la philosophie de Hegel et les critiques qui l’ont suivie. Se déterminer par rapport à Hegel est, en effet, devenu après lui un poncif de la philosophie, sans doute parce que le défi du
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système des systèmes échauffe l’esprit (magnificence ou glo-riole?), mais surtout parce que ce défi repose sur la cons-cience d’atteindre un schème cognitif hyperbolique, plus puissant que tous les autres et, peut-être du fait même, trop puissant: comme le dit Peirce, vouloir «tout tirer de la conception la plus abstraite par un procédé dialectique, bien que ce soit loin d’être aussi absurde que le pensent les expé-rimentalistes, mais représente au contraire l’une des parties indispensables du cours de la science, néglige la faiblesse de l’homme individuel qui n’a pas la force de manipuler une 1 telle arme». On n’aura pas manqué de remarquer dans cette citation que le philosophe américain ne condamne pas absolument Hegel, mais concède que sa conception recèle une part de vérité épistémologique (outre qu’un expert en hégélianisme n’aurait pas tort de remarquer que la critique de «la conception la plus abstraite» relève d’une mécompré-hension). La raison en est simple: Peirce, s’il rejette la dia-lectique, n’appartient pas au camp radicalement adverse que désigne le terme d’antinomie où se regroupent nombre de philosophes qui, dans l’ère de la philosophie dite continen-tale, ont succédé à Hegel. Même s’il «rejette sa philosophie in toto», Peirce crédite Hegel d’avoir reconnu «l’importance de la triade en philosophie» et la revendique pour son pro-pre compte. Or,là réside un des aspects fondamentaux du choix de la manière de penser: l’antinomie est binaire (ou dyadique), la dia-lectique ternaire (ou triadique). Bref, le grand choix, au plus formel, est entre DEUX ou TROIS. En fait, si Peirce n’adhère pas à l’antinomie, c’est que ce penseur du positif, voire positiviste dirait-on en s’em-ballant quelque peu, confond l’antinomie avec la dialectique dans un refus global de la négativité. De la sorte, la discus-sion que j’engage ici comporte deux questions entrecroisées:
1.Collected Papers, vol. I-VI, éd. par Ch. Hartshorne et P. Weiss, vol. VII-VIII, éd. par A. W. Burks, Cambridge, London, The Belknap Press of Harvard University Press, 1931-1958, 1.368, «A Guess at the Riddle», 1890. Ma traduction. Voir aussiÉcrits sur le signe, trad. Gérard Deledalle, Paris, Éditions du Seuil, 1978, p. 79.
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celle du choix entre le schème binaire et le schème ternaire, celle de l’utilité de recourir ou non à la négativité. Dans la sorte de carré logique dessiné par les quatre termes — binaire/ternaire et positif/négatif —, j’examinerai trois pos-sibles qui constituent trois propositions séminales sur la manière de penser: – l’antinomie:binaire & négatif, – la dialectique hégélienne:ternaire & négatif, – la théorie peircienne:ternaire & positif. Il manque un possible du carré logique, mais lebinaire & positifd’une complexité sémantique qui, pour n’être relève pas négligeable, ne concerne pas le présent débat. Le camp de l’antinomie est le plus nombreux: Kierkegaard, Nietz-sche, Bergson, Benjamin, Lyotard, entre autres. Ces philo-sophes emploient l’antinomie à différents niveaux de leurs «systèmes» — entre guillemets, puisque l’idée de système a, chez la plupart, le sens faible d’une systématicité a posteriori, simplement induite par la convergence de diverses pensées, parmi lesquelles, qui plus est, se distingue la critique du sys-tème au sens fort, et singulièrement au sens hégélien. Ce camp est aussi disparate dans la mesure où il atteste une plu-ralité defigures de l’antinomie. Puisque l’antinomie est l’opposi-tion de contraires, il reste à savoir comment on pense cette contrariété: simple antithèse, renversement de termes, ten-sion entre des contraires, contradiction formelle ou réelle, etc. De la sorte, l’antinomie recouvre une variété de contra-riétés dont chaque espèce manifeste une certaine manière de concevoir la pensée ou, plus précisément, une certaine conception de la manière de penser, en même temps qu’il s’agit de penser les objets, peu ou prou extérieurs à la pensée, qu’elle appréhende. La dialectique atteste aussi cette conception de la manière de penser associée à la pensée de l’autre de la pen-sée. Ce qui la distingue de l’antinomie est évidemment contenu dans les idées de dépassement, de synthèse, d’Aufhe-bung, pour ne pas entrer tout de suite dans la discussion qu’implique la traduction de ce concept hégélien fondamen-tal, à commencer par les deux termes précédents. En tout
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cas, la négativité dialectique franchit le seuil où l’antinomie arrête la dualité contradictoire et tire de cet effort la conviction d’une puissance accrue de la pensée, en ce que son action la transporte au-delà de la contradiction sans toutefois s’en débarrasser dans un retour à la pure et simple positivité. Pour Hegel, la principale raison de ce rythme ter-naire de la pensée réside dans l’implication en elle de son autre — le réel, le concret, la vie, etc. —, ce que, para-doxalement, la plupart de ses critiques lui reprochent de manquer. Outre les philosophes de l’antinomie, on considé-rera deux grandes critiques de Hegel qui, l’une, celle de Marx, conserve la dialectique, mais pour ramener la néga-tivité sur le terrain du «réel», et l’autre, celle de Peirce, conserve le triadisme, mais dans sa conversion à la positivité. Ces deux penseurs, au long de leurs écrits, réitèrent un ana-logueoui, mais ounon, maisde Hegel, comme s’il vis-à-vis était devenu leur fantasme — ce qui attire et qu’on repousse en même temps. Mon objectif final est d’inviter à réfléchir sur la manière de penser, mais il se double d’un objectif didac-tique, étant donné la revue partielle de l’histoire de la philo-sophie que j’envisage — à commencer par quelques considé-rations liminaires sur la préhistoire de la dialectique (Platon, Aristote). Le mot est lâché: «histoire de la philosophie», cette pseudo-discipline stérilisante dont on a pu récemment 2 envisager la fin! Elle serait stérilisante pour deux raisons contradictoires: la première concerne le socle d’où part la réflexion philosophique, la seconde, l’appropriation de la pensée par le philosophe. La première critique est principale-ment developpée dans le domaine «analytique», dans la mesure où on y considère que le philosophe doit pour élabo-rer ses théories se fonder moins sur l’héritage philosophique
2. Cf. Yves Michaud, «La fin de l’histoire de la philosophie?»,Philosophie analytique et Histoire de la philosophie, Jean-Michel Vienne dir., Paris, Vrin, Coll. «Problèmes & controverses», 1997, pp. 153sq.
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