La colère, une passion politique ? (Volume 3)
296 pages
Français

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La colère, une passion politique ? (Volume 3) , livre ebook

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Description

Dans ce volume 3, les apports ont été élaborés à partir de questions de la politique et de la recherche en philosophie contemporaine. Qu'est-ce que la colère quand on la confronte à la justice, au socle de l'égalité, à la dynamique de la soumission et de l'insoumission et à la résistance ? Colère de qui ? Comment et pourquoi sommes-nous en colère ? Comment lire la colère prise entre explosion qui fait peur et impuissance, manque de souffle (desaliento) qui angoisse ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2011
Nombre de lectures 36
EAN13 9782296804555
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA COLÈRE, UNE PASSION POLITIQUE ?

Colère, courage et création politique
Sous la direction de
Marie-Claire Caloz-Tschopp


Volume 3


LA COLÈRE, UNE PASSION POLITIQUE ?

Colère , courage et création politique



Actes du colloque international
de théorie politique

Université de Lausanne
Institut d’Études Politiques et Internationales (IEPI)
23 – 24 – 25 avril 2010
© L’H ARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54505-2
EAN : 9782296545052

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Racisme, Haine et Colère
Sister Outsider
Poète, essayiste etatsunienne,
œuvre en anglais partiellement traduite en français

« Les femmes répondent au racisme. Ma réponse au racisme est la colère. J’ai vécu avec cette colère, en l’ignorant, en m’en nourrissant, en apprenant à m’en servir avant qu’elle ne détruise mes idéaux, et ce, la plus grande partie de ma vie. Autrefois, je faisais tout cela en silence, effrayée par le poids d’un tel fardeau. Ma peur de la colère ne m’a rien appris. Votre peur de cette colère ne vous apprendra rien, à vous non plus.
La réponse des femmes au racisme signifie qu’elles répondent à la colère ; colère de l’exclusion, des privilèges immuables, des préjugés raciaux, du silence, des mauvais traitements, des stéréotypes, des réactions défensives, des injures, de la trahison, et de la récupération.
Ma colère est une réponse aux attitudes racistes, aux actes et aux présomptions engendrés par de telles attitudes. Si vos relations aux d’autres femmes reflètent ces attitudes, alors ma colère et les peurs qu’elle fait naître en vous sont des projecteurs qui peuvent être utilisés pour grandir, de la même manière que j’ai appris à exprimer ma colère, pour ma propre croissance. Mais comme chirurgie réparatrice, pas pour culpabiliser. La culpabilité et les réactions défensives sont les briques d’un mur contre lequel nous butons toutes ; elles ne conviennent à aucun de nos urs » (p. 136-137), (1981) {1} .

○○○

« La façon dont l’Amérique me jauge a posé comme une barrière contre la réalisation de mes propres capacités. J’ai dû analyser et détruire cette barrière, morceau par morceau, douloureusement, pour pouvoir utiliser pleinement mes énergies et être créatrice. Il est plus facile de se confronter aux manifestations extérieures du racisme et du sexisme qu’aux répercussions intériorisées de ces distorsions sur notre conscience de nous-mêmes et des autres.
Mais quelle est la raison de cette réticence à communiquer avec les autres si ce n’est au niveau très superficiel ? Quelle est l’origine de cette méfiance et de cette distance installée entre femmes Noires ?
Je n’aime pas parler de haine. Je n’aime pas me souvenir du déni et de la haine, aussi pesants que le désir de ma mort vue dans les yeux de tant de Blancs depuis que je peux voir.
J’en trouvais l’écho dans les journaux et les films et les images pieuses et les bandes dessinées et les programmes radio « Amos’n Andy ». Je n’avais pas d’outils pour le disséquer ni de mots pour nommer ce regard.
La ligne du métro AA, direction Harlem. Je m’agrippe à la manche de ma mère, ses bras sont chargés de sacs, lourds des courses de Noël. L’odeur humide des vêtements d’hiver, la rame tangue. Ma mère aperçoit un siège à peu près libre, elle y pousse son petit corps équipé pour la neige. D’un côté, un monsieur lit le journal. De l’autre, une femme avec une toque de fourrure qui me dévisage. Sa bouche fait la grimace pendant qu’elle m’observe, puis son regard se baisse, entraînant le mien. Sa main gantée vient pincer l’endroit où mes nouveaux pantalons de ski bleus touchent son beau manteau de fourrure. Elle tire le manteau vers elle d’un coup sec. Je regarde. Je ne vois pas ce quelque chose d’horrible qu’elle voit, sur le siège, entre nous – probablement un cafard. A son expression, ça doit être vraiment dégoûtant, donc je tire moi aussi sur ma combinaison pour m’en écarter. Quand je lève les yeux, la dame est toujours en train de me dévisager, narines dilatées et yeux écarquillés. Et soudain, je réalise que rien n’est en train de ramper entre nos sièges : c’est moi qu’elle ne veut pas toucher avec son manteau. Sa fourrure me caresse le visage quand elle se lève, toute tremblante, pour aller s’accrocher à une poignée de cette rame qui file à toute allure. En bonne enfant de la vielle, née et grandie à New York, je me glisse vite de côté pour faire de la place à ma mère. Pas un mot échangé. J’ai peur de dire quoi que ce soit puisque je ne sais pas ce que j’ai fait de mal. En cachette, j’examine mes pantalons des deux côtés. Peut-être qu’une saleté est restée accrochée ? Quelle chose vient de se passer que je ne comprends pas, mais que je n’oublierai jamais. Ses yeux. Ses narines dilatées. La haine, (p. 165-166).
(…)
A l’usage, la colère ne détruit pas. La haine, si….
(…)
Parfois, à dire vrai, il me semble que seule la colère me maintient en vie ; elle brûle d’une flamme toujours haute et brillante. Pourtant la colère comme la culpabilité, n’est qu’une facette inachevée de la sagesse humaine. Plus utile que la haine, mais quand même limitée. La colère est utile lorsqu’elle nous aide à clarifier nos différences, mais à la longue, la force nourrie par cette seule colère est aveugle et n’a pas de ur. Elle peut détruire le passé. Ce type de force ne regarde pas en avant, mais en arrière, et ne regarde que ce qui la crée – la haine. Or, la haine, c’est un désir de mort de la personne haïe, pas un désir de vie pour autre chose (171) {2}
PREFACE Eclats de colère, éclats de monde
André Tosel
Professeur émérite de philosophie Université, CNRS, Nice


Quel chemin pourrait aujourd’hui nous conduire de la colère au courage et du courage à une création politique capable d’inverser la course à l’abîme de la mondialisation impulsée par le supercapitalisme liquide et réfléchie par cette conception totale du monde qu’est le néolibéralisme ? Telle est l’interrogation inquiète mais militante qui parcourt les sept volumes de ce qui un colloque aussi singulier qu’original, conçu et organisé par Marie-Claire Caloz-Tschopp et son équipe et qui s’est tenu à Lausanne du 23 au 25 avril 2010.
Ce colloque en quelque sorte a permis de réaliser une encyclopédie portative des savoirs de résistance à cette course à l’abîme ; et cette encyclopédie s’est constituée en mêlant et hybridant les uns par les autres les témoignages réfléchis d’acteurs sociaux, de victimes des violences de notre monde et les élaborations de spécialistes, chercheurs ou universitaires de tous ordres et de plusieurs nationalités. Ce mixte volontairement impur et fécond a évité tout académisme et a manifesté le simple fait que tous, militants, artistes, chercheurs, étudiants, assistances, étaient unis par la quête passionnée d’une citoyenneté politique, sociale, civile, en mesure de répondre aux défis du siècle. Il ainsi rappelé et montré que l’interrogation politique réellement démocratique passe par l’appropriation des savoirs et des expériences des uns et des autres sans avoir à se soumettre aux préjugés des prétendus compétents. Les compétences ne sont pas la propriété d’une caste auto-proclamée comme celle des économistes et des politiciens néolibéraux qui conduit le monde à l’abîme.
Pourquoi la colère qui est une passion ou un affect apparemment négatif a-t-elle été prise pour point de départ ? Pourquoi un tel début qui s’enracine dans une anthropologie des passions tristes ? Une raison majeure est à l’origine de ce choix. Elle réfère à notre situation d’époque, celle qui devient de plus en plus intolérable pour des multitudes d’hommes et de femmes. Notre monde est une manufacture de la tristesse ; il produit et multiplie des situations où la puissance d’agir et de penser de ces multitudes est toujours davantage entravée, limitée au-delà de ce qui est historiquement justifiable, voire souvent détruite. Notre monde –si la catégorie de monde renvoie à l’espace commun produit par les hommes pour être habitable par eux, pour abriter leur existence, pour permette leur manifestation finie- est devenu un non monde, comme l’avait compris Hannah Arendt en reformulant un thème heideggerien, en interrogeant notre être en commun non pas du point de vue d’une existence authentique d

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