La modernité à l épreuve de l image
188 pages
Français

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La modernité à l'épreuve de l'image , livre ebook

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Description

À travers la métaphore du « Narcisse » du Caravage, l'auteur nous retrace les dérives de la culture visuelle et numérique contemporaine, en nous livrant les principales matrices philosophiques, sociales et métapolitiques de l'« occidentalo-scopie », à savoir le mental scopique de l'Occident hypermoderne, dans lequel s'est opéré depuis la Renaissance jusqu'à nos jours une vaste mutation du « regardant » collectif et individuel.

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Publié par
Date de parution 01 mai 2012
Nombre de lectures 29
EAN13 9782296491854
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA MODERNITE A L’EPREUVE DE L’IMAGE
Jure Georges Vujic
LA MODERNITE A L’EPREUVE DE L’IMAGE
L’obsession visuelle de l’Occident



L’Harmattan
© L’HARMATTAN, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http ://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96056-5
EAN : 9782296960565
Avant-propos – L’Occident ou l’histoire d’une grimace
« On aime trop à croire qu’à leur début les choses étaient en leur perfection et sortirent éclatantes dans la lumière sans ombre du premier matin. Or l’homme a commencé par la grimace de ce qu’il allait devenir ». C’est à l’aide cette phrase « axiale » que M. Foucault, dans « Nietzsche, La généalogie et l’histoire » ( Dits et Écrits ), s’est évertué à démontrer que c’est bien l’histoire de cette grimace qu’il est nécessaire d’entreprendre et de penser lorsqu’on se propose de penser le devenir de l’humanité. Or je serais tenté de dire, en guise d’avant propos, que tout a commencé avec le regard, et que tout finira par le regard. Bien sûr, il ne s’agit pas pour moi de m’aventurer sur le terrain généalogiste et historique des racines, de la genèse et de l’évolution du regard que de nombreaux historiens et écrivains ont bien avant moi merveilleusement exploré (comme « l’histoire du regard au seuil de la modernité » de Carl Havelage 1 ), mais au contraire de m’orienter vers ce qui constitue en quelque sorte la grimace du regard « occidental » contemporain et hypermoderniste, à savoir l’image spéculaire et déformante qui a de la sorte aliéné et soumis l’ensemble de l’ épistémè de la modernité occidentale à une pulsion scopique généralisée que j’ai moi-même désignée sous les termes d’ « occidentaloscopie ». Paradoxalement, je retrouve à la base de mes réflexions un regard que j’ai moi-même porté sur le tableau du Caravage « Narcisse » qui me semble très bien illustrer le mental scopique de l’Occident hypermoderne, dans lequel s’est opéré depuis la Renaissance jusqu'à nos jours une vaste mutation du « regardant » collectif et individuel (la manière dont un individu ou un groupe d'individus – le « regardant » – perçoit et se représente son environnement et en particulier soi-même et les autres individus) qui a substantiellement modifié le « regardé », et les rapports entre le « représenté » et le « représentant ». Cette vaste mutation de la perception visuelle des rapports individuels, sociaux et esthétiques a en effet bouleversé, pour reprendre un mode de cheminement Lacanien, les structures imaginaires de l’Occident moderne, la dimension « moïque » au stade du miroir, pour aboutir à un renversement du symbolique, une sorte de dé-liaison sociale et individuelle, de même qu’à une de-définition de l’art. Bien sur lorsque je parle de l’emprise de l’image dans l’univers culturel et social contemporain, il va de soi que je replace l’image dans le contexte plus large de l’hypertexte qui intègre des supports visuels et lequel se rapporte á un « réseau de nœuds mis en relation par des liens ». Les nœuds peuvent contenir du texte, des graphiques, du son, de la vidéo aussi bien que des logiciels ou d'autres formes de données. »
En effet les lacunes du modèle de l’hypertexte et de la « critique visuelle » relèvent du mode particulier d'accès à l'information qu’on nomme la navigation ou le « surfing » qui combine la lecture séquentielle, la formulation de requêtes et le « butinage » d'informations ( browsing ), qui fonctionne par association d'idées ou par approfondissement autour d'un point focal. Si l’on se place sur le champ du discernement et de la formulation critique objective, il faudra alors reconnaitre que les limites de l'hypertexte et de la culture visuelle tiennent à la structure en blocs d'informations juxtaposés. En effet, nous ne connaissons pas encore une « grammaire de l'hypertexte » qui permette aux auteurs de jouer aisément d'un registre rhétorique étendu, qui indique les diverses formes de continuité et d'enchaînements qui président aux choix des liens mis en valeur. La culture visuelle et numérique souffre fatalement d’un manque de cohérence et d’une désorganisation cognitive. Le consommateur qui navigue sur le web est plus hypnotisé qu'il n'acquiert une connaissance structurée,, et étant en proie á une indigestion de « digressions imbriquées » sa connaissance se solde par un sentiment de « perte dans l'hyperespace »., qui l’égard dans chemins de traverse que l'hypertexte soumet à son bon vouloir.
La figure postmoderne du „non-lieu“ du „landscape urbain“ contemporain était déjá présente dans l'oeuvre du Caravage. En effet, si le tableau du Caravage ne transmet pas d’information, il n’est pas sans signification. Au contraire, sa signification même tient précisément au régime spécial d’information qu’opère le tableau. En effet, tout ce que dit Umberto Eco dans sa théorie de l'information dans l’œuvre moderne comme désordre dépendant d’un ordre préexistant, s’anéantit face à ce noir « sans contenu ». Eco rappelle que l’entropie totale, le « bruit blanc », qui comporte toutes les possibilités, sans sélection, est le point où le tout rejoint le rien. L’obscurité complète est un tel point, et ne comporte donc pas d’information.
Et c'est la raison pour laquelle on pourrait rapprocher l’œuvre du Caravage des écrits sur les œuvres « véritablement » modernistes, les peintures d’un Rothko et d’un Malevitch, que le néant a totalement envahies et où l’homogénéité de la texture rend caduc tout discours sur une quelconque transmission d’information à l’œuvre dans l’œuvre. Bien sûr, mon intention ici n'est pas de me prononcer sur l'absence totale de signification de l'hypermodernité occidentale, et sur le fait que peut être derrière les réseaux tortueux et confus de l'espace mental occidental se cache un “nouveau bruit blanc“, une essence pré-existante á nouveau fondatrice. Pour ma part, je m'attacherai à rendre compte des matrices psychologiques, mentales, épistémologiques, philosophiques, politiques et esthétiques essentielles de cette crise spéculaire bien particulière, tout en déconstruisant le jeu de miroir illusionniste et déformant de la modernité et de l'anti-modernité. Dans le Narcisse du Caravage, le jeu mystérieux de double-figure, de dédoublement identitaire et ontologique révèle à lui seul, à travers un remarquable travail de composition, la spécularité de l'Occident postmoderne, qui après avoir détrôné toutes les certitudes religieuses et métaphysiques de la pré-modernité, a quasiment déifé, dans le sillage des Lumières, l'individu-roi au point de l'aliéner à sa propre image „narcissique“ spéculaire. Le „Narcisse“ s'est rendu coupable d'un régicide épistémologique et ontologique mais n'a pas su générer et intrôniser d'autres certitudes structurantes et référentielles. Ce régicide a précédé l'avènement d'un autoréférentiel de substitution, opaque et désincarné, qui se nourrit de sotériologies prophylactiques, pâle reflet d'une pulsion scopique qui gouverne l'ensemble de la culture contemporaine, visuelle et entropique.
L’énigme du miroir
Les humanistes de la première « modernité » et de la Renaissance, pensent le miroir en tant qu’interrogation de la pensée. Aux yeux des artistes, c’est l’interrogation de la peinture. Enfin pour les savants, il est un moyen privilégié d’interprétation du monde physique. Pour le commun des mortels il s’associe à la connaissance, à la séduction et à la tromperie. Si l’on remonte á la dimension symbolique et philosophique antique et moyen-âgeuse, chez les théories anciennes de la vision (Euclide, Démocrite, Platon, Ovide, Pline, Sénèque, Apulée, Saint Paul selon laquelle « nous voyons tout pour l’instant à travers un miroir »), on constater que le thème du miroir occupait une place significative dans la pensée antique et classique. Le monde médiéval attribuai

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