La Révolution Négative
286 pages
Français

La Révolution Négative , livre ebook

-

286 pages
Français

Description

Les évènements des années 1980-90 qui ont mis fin à l'Union soviétique et au rideau de fer furent d'après l'auteur une "révolution négative". Cette révolution n'a pas laissé un produit déterminé, mais elle a produit un bouleversement historique à la fois profond et inconscient. Elle fut une reprise et une suite de la tendance magistrale de la Révolution moderne : l'intériorisation du monde ou l'intériorisation de la négativité par le monde.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2009
Nombre de lectures 260
EAN13 9782296229464
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

A.Magun-Larévolutionnégativ7 12/03/09 13:37:08 -7- ( )
àlamémoiredeVladimir BibikhineA.Magun-Larévolutirévolution onnégativ8 12/03/09 13:37:08 -8- ( )A.Magun-Larévolutionnégativ9 12/03/09 13:37:08 -9- ( )
Hamlet(faceà uncrâne):Here’s the fine revolution,
if wehad the trick to see’t
Shakespeare, Hamlet,acte V, scène 1A.Magun-Larévolutionrévolutionnégativ1négativ10 0 12/03/09 13:37:08 -10- ( )A.Magun-Larévolutionnégativ11 12/03/09 13:37:09 -11- ( )
AVANT-PROPOS
Dans le présent livre, je développe unconcept philosophiquede
révolutionenpartant de l’expérience révolutionnaire récente– une
expériencepeu orthodoxe.Je proposed’appelerrévolution les événements
de la chutedurégime soviétiqueenRussie,enmontrant quela
révolutionpeut êtrenégative, nonproductive, intériorisée et
inconsciente, et queles autresrévolutions de l’histoire, par exemplela
Révolutionfrançaise, étaient elles aussiengrande partie négatives,non
productives,intérieures et inconscientes.
Dans mon travailconceptuel,jecommenceavec l’expérience. Plus
précisément,j’ai essayéde trouver les parallèles entrel’expérience
personnelle et la situationhistoriqueafindemieux comprendrecette
dernière. J’ai toujours étéintéresséà savoir pourquoi, dans lessituations
transitoires de l’attente tendue, apparaissaienttoujours des fantasmes
traumatiques:quelquechosecomme une tentationpour le pire. Cet état
étrangemeparaissait prochede la situationdanslaquelle se trouvait mon
paysàl’époque(années 1990): l’étapeditede« transition» nécessitant
des mesures « techniques», souvent douloureuses,pour accéderà une
vie heureusedéjàen vue. Mais cette transition seprésentedansun
premiertemps comme une stagnation,avec unconservatisme paradoxal
de la« transition ».Etcette stagnation conduit,en secondlieu,lesacteurs
historiques àcommettredes fautes irréversibles (comme celle de la
guerredeTchétchénie) tout en les considérant commedes mesures
provisoires.Lalecturedestextestardifs de Benjamin sur la philosophie
de l’histoirea renforcé monattention sur la suspensionet la mélancolie
de l’histoireet de la révolution: cette visiondel’histoireétait beaucoup
plus prochede l’expérienceet du bon sens queles images métaphysiques
de l’histoire(marxistes-léninistes ou positivistes). Elleapris l’histoireet
la révolutionpour problème: comment (pour paraphraser Leibniz)est-il
possible qu’il sepassequelquechose,plutôtque rien?
En dehors de cesréflexions,quipourraientrelever de la
sublimation,desmotivationsdialogiquesm’ont également faitpenseràla
11A.Magun-Larévolutionnégativ12 12/03/09 13:37:10 -12- ( )
problématiquedel’événement.Au début des années 1990,justeaprès la
chutedel’UnionSoviétiqueetsuiteaux trois ans de mobilisatio n
politiquedemassedela société soviétique, les gens, tout en profitant des
nouvelles possibilités,en transgressant les interdits de l’époque socialiste,
sont entrés dansune phasenégativisteet négationnisteparrapportàla
transformationlibératoire(énorme!) qui venait de sepasser,demême
queparrapportàlapolitiqueengénéral.Onpeut distinguertrois
réactionsparticulièrementtypiquesde l’époque:
1. Le négationnisme (tout est commeavant,legouvernement
corrompu opprime toujours les pauvres gens,et on ne peut rienfaire–
positionqui s’exécuted’elle-même,bien sûr).
2. Le catastrophisme (legrandempire s’est dissous, tout sedétruit,il
faut survivreen vuedusalut). Cettepositionn’étaitpassans fondement,
mais elle exagérait la catastropheet ainsijustifiait l’actionégoïsteet la
destructiondela solidarité.
3. Le dirigisme technocratique(la négationdurégime soviétiqueest
accomplie,elle n’était pasunévénement maisune normalisatio n
inévitable, une sortie du délire, et maintenanttout ce qu’il faut,c’est
suivrelesrecettesscientifiquesde l’économienéolibérale).
En accordavec les positions négativistes énumérées ci-dessus,les
gens quin’avaient pas étéentièrement dépossédés ont consacréleur
énergie libérée et leurs moyens libres au divertissement et àla
consommation,dans le meilleur des cas; et,dans le pire,àl’entreprise
privéecriminalisée.
Àladépolitisationgénérale, s’est ajoutée la désorientation profonde
quia bloquélapossibilitédelaprotestation politique,y compris pour les
sujets quiont persévéréenpartie dansleur engagement
desannées19891991. La forme radicale,insurrectionnelle,émancipatricedel’événement
acontreditson contenu,quiétaitvu comme anticommunisteet donc
antirévolutionnaire(parce quele régime soviétiquea toujourstiré sa
légitimitédela révolutiond’Octobre).Aussi, l’identificationà l’Occident
–par oppositionàla politiqueétrangère soviétique– s’est surtoutopérée
avec lestendances prédominantes alors en Occident,c’est-à-direle
rationalisme conservateur dudit «néolibéralisme ». Le contenu
(conscient)a prédominé sur la forme (inconsciente). Les forces
émancipatrices pro-occidentalesse sont dites «dedroite» (à causede
leur agenda économique) et lesréactionnaires chauvinistes de l’ancien
particommuniste se sont dits«degauche».Une telle fausseconscience
12A.Magun-Larévolutionnégativ13 12/03/09 13:37:11 -13- ( )
abloqué toutepraxis politiquedécisiveet courageuse, d’uncôtécomme
de l’autre.
Cette situationparadoxale,et les positionssubjectives qui
l’exprimaient,ont attirémacuriositéen tant queparadoxes intéressants,
mais ils ont aussiexigé une réponsepolémique, critique,etune
clarificationaidantà s’orienter dans la situation. Cette réponseà mes
camarades,collègues,etc.,nepouvait consister qu’à souligner
l’événementialité, l’unicitéet laportéehistoriquede la situation,et donc à
essayer de rendre un sensuniversel aux genssoudainement laissésseuls
dans l’histoire, sans appelhistoriqueà leur subjectivité. J’ai entrepris de
montrer quelaconsciencehistoriqueet historiale pouvait aider à
l’autodétermination etàl’orientation d’un sujet politique sans lequel toutrêve
dedémocratieenRussie seraitvain.
Ainsi, en réponseà mes questions philosophiques etàl’exigence
de la situationpolitique, il me fallaitunconcept (c’est-à-dire un nomet
une structurelogique) àmêmededécrire toutelacomplexitédela
situation, quine serait pas métaphysique(c’estàdire subordonnant
l’expérienceà la logiquefixeprovenant d’une autorité) et quienmême
temps donneraitun sens politiqueet philosophiqueàla situation. J’étais
content de trouver,à ces fins,leconcept de révolution. Mesrecherches
ultérieures ont montréqueBenjamin n’était pas le seulà remarquer
l’ambiguïtéprofonde de la révolution, son oscillationentrelessens
d’arrêt et de passage,demélancolie et d’enthousiasme.Cetteambiguïté
était largementreconnuepar les interprètesde la Révolutionfrançaise(la
première révolutionà devenirconcept): Hegel, Büchner,Michelet; etses
tracessontvisibles dans les discours des acteursde la
Révolutioneuxmêmes.Ainsi, le nomdela révolutionetsa traditionconceptuelle ont
particulièrementbien convenuàladescriptiondecette situationnouvelle
qui semblait aller contre toute tradition révolutionnaireen tantque telle.
Mon premier essai d’approcher cette thématiquefut menédansun
style phénoménologico-poétique, commeceluideBenjaminou d’un
certainDerrida. Il me semblait alors que, pour décrirel’expérience
nouvelle (delafin de l’ère soviétiqueet donc de la métaphysique
marxiste-léniniste),et pour êtrefidèleà sapromesse utopiqueet
émancipatrice, il fallait l’approcher danssa singularitéinouïe.Au filde
mon travail, et au cours de monapprentissageauprès de J.-L.Nancy,
Ph.Lacoue-Labarthe et de leurs élèves,jecommençais de plus en plus à
soupçonner quemes descriptions poétiques étaient peut-être
surdéter

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents